Vingt ans après sa diffusion sur TV Breizh, le documentaire Triskell et croix gammée refait surface. Mis en ligne sur YouTube par la chaîne « Notre Histoire » sous le titre Bretagne 1940 : Quand l’indépendance bretonne flirtait avec le nazisme, il connaît déjà un vif succès : plus de 16 000 vues en vingt-quatre heures.
Une preuve que cette page singulière de l’histoire bretonne continue de susciter intérêt et débats, et cela malgré le fait que les différentes composantes du nationalisme breton de l’époque étaient, numériquement, relativement peu nombreuses en nombre et en influence, si l’on compare, proportionnellement, à ce qui s’est fait ensuite, dans les années 60-70 et même au début des années 2000.
Un film riche en voix et en archives
Réalisé en 2004 par Gabriel Martin et produit par Gérard Pont et Gérard Lacroix, le documentaire se distingue par la variété de ses sources. On y retrouve des images d’archives, des articles de presse de l’époque, mais aussi de nombreux témoignages. Celui de Yann Fouéré, figure majeure du nationalisme breton, alors âgé de 97 ans, frappe par sa franchise désarmante. Interrogé sur une éventuelle sympathie vichyste, il répond : « Tout le monde l’était. »
Le film donne également la parole à des enfants ou proches de militants du Parti National Breton (PNB), tels qu’Yves Le Drezen, fils de l’écrivain Youenn Drezen, ou Lena Louarn, fille d’Alan Louarn. Le tout est contrebalancé par l’éclairage d’historiens : Jean-Jacques Monnier, Kristian Hamon, Yvon Tranvouez, Michel Denis, ou encore le journaliste Georges Cadiou.
Collaboration et résistances : un contexte nuancé
Le documentaire n’élude pas les volontés d’alliance d’une partie du mouvement nationaliste breton avec l’occupant allemand. Olier Mordrel incarne la frange la plus idéologiquement proche de cette alliance, tandis que d’autres, comme Roparz Hemon, voyaient dans la guerre une opportunité de faire progresser la langue et la culture bretonnes. Le régime de Vichy autorisa ainsi l’enseignement de l’histoire de Bretagne dans les lycées, et une première radio en langue bretonne émit depuis Rennes.
Mais le film rappelle que les militants ayant franchi la ligne de la collaboration active – notamment au sein de la petite formation paramilitaire Bezenn Perrot, auxiliaire de la Gestapo – ne furent qu’une petite poignée (une centaine de personnes sur toute la Bretagne) aux motivations bien diverses (du véritable engagement idéologique assumée, à la volonté d’en découdre avec les communistes qui n’épargnèrent pas non plus la population comme en témoigne l’assassinat de Yann Bricler ou de l’Abbé Perrot, en passant par quelques cas relevant sans doute plus de la psychiatrie ou de la psychopathie que du militantisme).
Le poids de la mémoire et des choix manqués
À travers ces éclairages, Triskell et croix gammée, qui n’évoque toutefois pas les conséquences de la terreur communiste en Bretagne à l’époque (qui ont aussi conduit au jusqu’au boutisme de certains ensuite), montre aussi les divisions internes du PNB. Certains militants espéraient que l’Allemagne victorieuse redessine l’Europe en accordant à la Bretagne une autonomie politique. D’autres, minoritaires, basculèrent dans une collaboration idéologique assumée. En resituant le cas breton dans le cadre plus large de l’Europe en guerre – les Flamands de Belgique envoyèrent une brigade SS de 2 000 hommes, les Croates des divisions entières, et la division française Charlemagne rassembla plus de 7 000 volontaires – le film replace les faits à leur juste échelle.
Plus de vingt ans après sa diffusion initiale, il reste intéressant, pour comprendre les différentes facette du nationalisme breton durant la Seconde Guerre mondiale : entre aspirations culturelles légitimes, opportunismes tragiques, et monde en profonde évolution. Ce qu’il s’est passé il y a bientôt 100 ans en Bretagne fascine toujours autant. Il serait sans doute temps aujourd’hui de tourner la page, et de regarder droit devant, direction le 21ème siècle.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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