Victimes : le ministère de la Justice inaugure un nouveau portail… mais les plaies du système restent béantes

Entre communication et réalité, la France judiciaire peine toujours à écouter, protéger et indemniser les victimes

Le ministère de la Justice a annoncé, ce lundi 13 octobre, la création d’un nouveau portail en ligne destiné aux victimes, intégré au site Justice.fr. Ce nouvel espace, baptisé « Je suis victime », se veut une « porte d’entrée unique » pour orienter les citoyens dans leurs démarches judiciaires et leur permettre de faire valoir leurs droits.
Derrière l’apparente modernisation, le gouvernement promet un changement de cap « structurel » dans la manière dont la Justice prend en charge les victimes.

Mais cette annonce, bien rodée sur le plan de la communication, soulève aussi une question de fond : que vaut un portail numérique dans un système judiciaire saturé, où tant de victimes restent sans réponse pendant des mois, voire des années ?

Un site vitrine pour un système débordé

Le nouveau portail permet d’accéder à des informations pratiques sur les procédures, les droits, l’aide juridictionnelle, ou encore les dispositifs d’accompagnement psychologique. Les victimes peuvent y trouver les coordonnées d’un Point-justice ou d’une association d’aide aux victimes parmi les 190 structures recensées à travers la France.

Le ministère met aussi en avant un budget de 54,3 millions d’euros consacré à la politique d’aide publique aux victimes en 2025, soit une hausse de 89 % depuis 2020. Sur le papier, l’effort paraît conséquent. Dans les faits, il peine à masquer une réalité plus dure : des tribunaux saturés, des enquêtes classées sans suite, et des plaignants livrés à eux-mêmes face à la lenteur du système.

Combien de victimes de cambriolages, d’agressions ou d’abus ont vu leur dossier s’enliser dans les méandres administratifs, faute de moyens humains ou d’instruction ? Combien d’entre elles n’ont jamais reçu de nouvelles de leur plainte ?
Derrière l’écran du nouveau site Internet, les greffes croulent sous les dossiers, les magistrats sont en sous-effectif chronique et les délais de jugement continuent de s’allonger.

Des dispositifs d’aide… mais peu d’écoute réelle

Le ministère met en avant le numéro européen 116 006, accessible partout dans l’Union européenne, qui aurait reçu plus de 61 000 appels en 2024, soit une hausse de 24 % par rapport à l’année précédente.

Un signe, sans doute, d’un besoin croissant d’écoute. Mais ces appels, souvent anonymes, ne débouchent pas toujours sur un suivi réel. Beaucoup de victimes, après avoir été orientées vers des structures locales, se heurtent à des associations débordées ou à des permanences juridiques limitées à quelques heures par semaine.

Les Bureaux d’aide aux victimes (BAV), présents dans les 166 tribunaux judiciaires du pays, font ce qu’ils peuvent avec des moyens restreints. En 2024, près de 410 000 personnes y ont été reçues. Un chiffre qui témoigne autant de leur utilité que du désarroi massif des victimes. Car, pour beaucoup, ces dispositifs ne font qu’adoucir les symptômes d’un mal plus profond : celui d’une justice devenue trop lente, trop distante, trop bureaucratique.

Entre compassion de façade et impuissance institutionnelle

Dans une lettre interne adressée aux agents du ministère, Gérald Darmanin, nouveau garde des Sceaux, dit vouloir « recentrer la Justice autour des victimes ». Une formule qui sonne bien. Mais sur le terrain, les témoignages s’accumulent : procédures étouffées, dossiers mal orientés, classements sans suite faute de moyens ou de priorisation.

Les avocats et associations constatent chaque jour ce paradoxe : plus la Justice communique sur la “proximité”, plus elle s’éloigne de ceux qu’elle prétend servir.

En France, il n’est pas rare que des victimes attendent plusieurs années avant qu’un procès ne s’ouvre, ou que les indemnisations promises se perdent dans des procédures interminables. Dans certains cas, l’absence de suivi pousse même à la résignation ou au découragement.
C’est cette violence silencieuse, administrative, qui reste absente des communiqués ministériels.

Le portail « Je suis victime » a sans doute le mérite de simplifier l’accès à l’information. Mais il illustre aussi l’illusion technocratique d’un pouvoir qui pense résoudre les drames humains à coups de formulaires en ligne.
La réalité, elle, se joue ailleurs : dans les commissariats débordés, les cabinets d’instruction désertés, et les prétoires où les audiences s’empilent jusqu’à l’épuisement.

Tant que les moyens humains, les magistrats, les greffiers et les experts ne seront pas renforcés, tant que les juges idéologiques ne seront pas sanctionnés, aucun site Internet ne suffira à réparer le fossé grandissant entre les victimes et la Justice.

Illustration : DR

[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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Une réponse à “Victimes : le ministère de la Justice inaugure un nouveau portail… mais les plaies du système restent béantes”

  1. Ubersender dit :

    Les technocrates ont encore frappé ! Vous venez d’être victime d’une agression sauvage ? Ils ont la solution : le numéro vert du ministère ! Et si vous êtes encore en état de téléphoner, vous bénéficierez de ce petit plus commercial : numéro non surtaxé … à condition d’accepter de subir la litanie des annonces publicitaires (Urgo, big-pharma, pompes funèbres …) avant la prise en charge de votre appel ; soyez patients (!) ça peut durer un certain temps ; en cas d’hémorragie n’insistez pas, faîtes le 15

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