Historien, docteur en droit et essayiste, Philippe Fabry s’est imposé ces dernières années comme l’un des penseurs les plus singuliers de la scène intellectuelle française. Auteur de nombreux ouvrages — de Rome, du libéralisme au socialisme à La Chute de l’Empire européen — il a développé une approche qu’il appelle l’historionomie, une discipline visant à dégager les lois récurrentes de l’histoire et les cycles de développement et de déclin des civilisations.
Invité récemment de l’Institut des Libertés, il a livré une longue analyse de la situation politique française. Selon lui, la France se trouve aujourd’hui dans une phase de rupture institutionnelle profonde, marquant la fin d’un modèle politique hérité de 1958.
L’historionomie ou la science des récurrences historiques
Philippe Fabry situe son travail dans la lignée de penseurs comme Spengler ou Toynbee : comprendre comment les nations naissent, s’unifient, atteignent leur apogée, puis entrent en crise.
Chaque grande civilisation, explique-t-il, passe par les mêmes étapes : formation d’un État, homogénéisation culturelle, affirmation d’une souveraineté, puis usure des institutions et retour du cycle révolutionnaire.
Dans son entretien, il souligne que la France a déjà connu plusieurs boucles de ce type : la Révolution de 1789, la chute du Second Empire, la Libération de 1945. À chaque fois, un régime épuisé cède la place à une nouvelle forme de pouvoir.
Aujourd’hui, dit-il, la Ve République a elle aussi quitté le modèle parlementaire pour retomber dans un schéma de type monarchique : un exécutif hyperconcentré, un président devenu chef de gouvernement de facto, et un Conseil constitutionnel jouant un rôle de juge suprême échappant au contrôle populaire.
Un régime à bout de souffle
L’analyse de Fabry est sévère : selon lui, le système politique français ne correspond plus aux standards démocratiques européens. Le président de la République n’est pas responsable devant le Parlement, tandis que les députés sont réduits à un rôle consultatif.
Il compare cette situation à celle des monarchies d’Ancien Régime, où la souveraineté n’appartenait plus au peuple mais à un pouvoir administratif centralisé.
Ce déséquilibre institutionnel s’ajoute à une double perte : celle de la légitimité et celle de la solvabilité. Fabry rappelle que l’histoire montre toujours le même schéma : un régime qui n’a plus ni autorité morale ni moyens financiers est condamné à basculer. Pour lui, la France en est là : endettée, désunie et gouvernée par un exécutif affaibli.
La fin de la social-démocratie et du salariat de masse
Au-delà de la crise institutionnelle, Fabry observe un phénomène de fond : la désagrégation du modèle social bâti après 1945.
Il estime que la social-démocratie, fondée sur le salariat de masse et la redistribution, arrive à son terme. L’économie numérique, la mondialisation et l’intelligence artificielle bouleversent le rapport au travail ; le salariat n’est plus majoritaire et le financement des protections sociales devient impossible.
Il évoque également l’émergence d’un nouveau courant populaire anti-étatiste, visible notamment à travers le mouvement « Nicolas qui paye ».
De plus en plus de jeunes travailleurs, souvent issus des classes populaires ou de l’immigration, rejettent le principe même de l’État-providence, perçu comme confiscatoire et inefficace.
Pour Fabry, cette rupture culturelle annonce un changement de paradigme : la fin du consensus social-démocrate et le retour d’une économie plus individualisée, moins centralisée, plus méfiante envers l’administration.
L’historien ne limite pas son analyse à la France. Il voit dans la crise institutionnelle actuelle le signe avant-coureur d’un bouleversement européen plus large.
Selon lui, l’Union européenne souffre des mêmes maux : un exécutif non responsable (la Commission), un Parlement sans pouvoir réel et une technocratie détachée des peuples.
Si la France entre dans une séquence révolutionnaire, prévient-il, cela pourrait déclencher une réaction en chaîne sur tout le continent, à l’image des révolutions de 1848.
La remise en cause du « clergé » médiatique
Dans l’entretien, Philippe Fabry développe aussi une idée qu’il avait déjà abordée dans ses précédents ouvrages : la constitution d’un nouveau clergé, composé des médias subventionnés et des institutions moralisatrices de l’État.
Il estime que ce réseau de dépendance publique fonctionne comme une structure parasitaire : un système de rente qui défend ses privilèges tout en imposant une morale officielle.
La suppression des subventions à la presse ou la fin du financement public des structures idéologiques seraient, selon lui, l’équivalent contemporain de la séparation de l’Église et de l’État.
Fabry conclut en inscrivant la période actuelle dans un cycle long. Chaque siècle, rappelle-t-il, connaît ses décennies de chaos : 1790, 1830, 1930… et désormais 2030.
Pour lui, la France entre dans une période de recomposition profonde, où les institutions, les solidarités sociales et les valeurs morales héritées du XXe siècle vont être révisées de fond en comble.
Il ne s’agit pas d’une simple crise politique, mais d’un changement de civilisation : la fin du vieux monde bureaucratique et redistributif, et la naissance encore confuse d’un ordre nouveau.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine