Emmanuel Macron a récemment ravivé une polémique française en relançant l’idée d’un label pour les médias. Derrière cette annonce, un cadre européen bien plus vaste est déjà en place : le règlement sur la liberté des médias (EMFA), voté en 2024, entérine la Journalism Trust Initiative (JTI) de Reporters sans Frontières (RSF) comme référence pour distinguer les médias “fiables”.
Un label européen sous des allures d’auto-régulation
Le Journalism Trust Initiative, imaginé dès 2018 par RSF et adoubé par le Comité européen de normalisation, se veut un outil d’auto-évaluation pour les rédactions. Il repose sur des critères comme la transparence des financements, la gouvernance, ou encore les procédures de rectification. À ce jour, plus de 2000 médias à travers le monde – dont une centaine en France – ont adhéré au dispositif.
Mais l’EMFA, en “encourageant” fortement les plateformes à tenir compte de ces labels dans leur algorithme de visibilité ou d’accès aux ressources publicitaires, transforme un mécanisme volontaire en critère de hiérarchisation de l’information. Une rupture de taille dans la liberté d’accès à l’espace médiatique numérique.
Sous couvert de lutte contre les fake news et les pressions politiques, l’EMFA délègue une partie du pouvoir de régulation aux plateformes numériques américaines (Google, Meta, Amazon, etc.). Ces dernières sont incitées à favoriser les médias estampillés JTI, reléguant les autres dans une zone grise de visibilité amoindrie, sans même être forcément défaillants sur le plan journalistique.
Les éditeurs non certifiés – par choix éditorial, désaccord de principe ou manque de moyens – risquent donc une marginalisation numérique, sans qu’aucun pouvoir judiciaire n’ait à intervenir.
L’exemple américain de NewsGuard, société privée distribuant des scores de fiabilité à chaque média, montre les dérives possibles. Des enquêtes ont mis en évidence une nette orientation idéologique dans ses évaluations, avec une défaveur systématique envers les médias conservateurs ou critiques du consensus gauchiste. Un risque similaire existe pour le JTI si ses critères ou auditeurs deviennent les instruments d’un agenda partisan.
En France, la loi de 1881 sur la liberté de la presse garantit une autonomie précieuse, fondée sur le pouvoir judiciaire, seul habilité à restreindre la liberté de publication. L’EMFA, en confiant à des entités privées étrangères la gestion de la “fiabilité”, court-circuite ce principe fondateur.
L’Europe, en valorisant certains contenus “labellisés”, risque de créer une hiérarchie informationnelle où la conformité éditoriale, plus que la rigueur journalistique, détermine la visibilité.
Derrière les promesses d’un journalisme plus éthique et transparent, se dessine une recomposition inquiétante du paysage médiatique. La labellisation promue par l’EMFA et RSF pourrait bien devenir une arme douce de normalisation, accentuant la dépendance des médias aux standards imposés par les géants du web et certaines ONG influentes. La pluralité d’opinion et la liberté d’informer sans se conformer à un “Nutri-Score” de l’info sont désormais au cœur du combat.
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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