Les antidépresseurs ne se valent pas tous en matière d’effets secondaires. C’est le constat d’une étude publiée dans la revue médicale The Lancet, qui a passé au crible plus de 58 000 patients pour comparer trente traitements, des anciens tricycliques aux antidépresseurs modernes les plus prescrits.
L’objectif ? Comprendre comment ces médicaments influent sur le poids, la pression artérielle, le rythme cardiaque et le métabolisme… et aider patients comme médecins à mieux choisir, surtout dans les traitements de longue durée.
Des différences marquées entre molécules
La principale conclusion des chercheurs est simple : derrière une même indication thérapeutique, les effets physiques peuvent varier fortement.
Sur la question du poids, l’étude observe jusqu’à 4 à 5 kilos de différence selon la molécule, avec certains traitements associés à une perte de poids, et d’autres à une prise modérée.
Côté rythme cardiaque, l’écart entre certaines molécules dépasse une vingtaine de battements par minute. Même constat pour la tension artérielle, avec des variations systoliques pouvant atteindre plus de 10 points entre deux médicaments.
Ces écarts ne conduisent pas à des effets « alarmants », soulignent les spécialistes interrogés, mais ils montrent l’importance d’un suivi régulier – en particulier chez les personnes souffrant déjà de troubles métaboliques ou cardiovasculaires.
Chez les patients dépressifs, le changement d’appétit est déjà une réalité fréquente. Certains antidépresseurs peuvent accentuer le phénomène, d’autres le limiter.
Ainsi, des molécules plus anciennes de la famille des tricycliques sont davantage associées à la prise de poids, quand certaines molécules plus récentes, agissant sur le sommeil et le métabolisme, montrent un impact moindre.
Chez les patients diabétiques ou hypertendus, même de petites variations peuvent avoir des conséquences non négligeables : augmentation de la glycémie, aggravation d’une tension instable, fatigue cardiaque…
Pourquoi ces effets diffèrent-ils ?
Parce que les antidépresseurs agissent sur des neurotransmetteurs – notamment la sérotonine et la noradrénaline – impliqués non seulement dans l’humeur, mais aussi dans l’appétit, le sommeil, la pression sanguine et le rythme cardiaque.
Selon la molécule, l’appétit peut augmenter ou diminuer, le cœur ralentir ou s’accélérer, et les vaisseaux se contracter ou se dilater.
L’étude confirme ainsi une réalité souvent observée en clinique : un antidépresseur ne se juge pas uniquement à son efficacité sur les symptômes psychiques, mais aussi à sa tolérance physique.
Trouver le bon équilibre
Pour les psychiatres, ces résultats rappellent une règle essentielle : le choix du traitement doit être individualisé.
Un patient souffrant d’un risque cardio-vasculaire élevé ne recevra pas forcément le même traitement qu’un jeune adulte anxieux, et l’intensité de la dépression elle-même joue un rôle crucial.
Les médecins rappellent également que :
- certains antidépresseurs les plus efficaces contre les formes sévères ont davantage d’effets métaboliques,
- éviter un médicament au nom d’un risque de prise de poids peut laisser une dépression s’aggraver,
- un suivi médical adapté permet souvent de compenser ces effets.
La plupart des essais analysés portaient sur huit semaines.
Les chercheurs soulignent donc un manque de données sur l’impact à long terme, ce qui renforce l’importance de contrôles réguliers pour les patients sous traitement prolongé : tension artérielle, poids, rythme cardiaque, cholestérol.
Les spécialistes recommandent également de discuter systématiquement avec le patient de la durée prévue du traitement, des alternatives possibles – psychothérapie, activité physique – et de l’équilibre bénéfices/risques.
L’étude montre qu’il n’existe pas de « bon » ou « mauvais » antidépresseur en soi, mais des traitements qui conviennent différemment selon le profil de chaque patient.
Autrement dit : une prescription ne doit jamais être automatique, et encore moins durable sans suivi. Dans un pays comme la France où la consommation d’antidépresseurs est l’une des plus élevées d’Europe, ces résultats renforcent la nécessité d’un encadrement plus précis, d’un accompagnement thérapeutique, et d’une information claire pour les patients.
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