L’ex-dirigeant du Sinn Féin poursuit la BBC pour diffamation, niant toute implication dans l’IRA ou dans l’assassinat de Denis Donaldson.
L’ancien président du Sinn Féin, Gerry Adams, a fermement nié sous serment avoir été le haut responsable de la brigade de Belfast de l’IRA provisoire libéré d’internement en 1972 afin de participer à des négociations secrètes avec les autorités britanniques. Interrogé lors de son procès en diffamation contre la BBC, il a également refusé de spéculer sur l’identité des cadres de l’IRA impliqués à l’époque dans ces pourparlers.
La justice britannique examine actuellement une plainte déposée par Adams contre la BBC, qu’il accuse de l’avoir diffamé dans un épisode de l’émission Spotlight diffusé en 2016, ainsi que dans un article de suivi publié sur le site de la chaîne publique. Ces contenus faisaient état d’allégations selon lesquelles Adams aurait donné son accord à l’exécution de Denis Donaldson, un ancien cadre du Sinn Féin abattu en 2006 après avoir été exposé comme informateur pour la police nord-irlandaise et les services de renseignement britanniques (MI5).
Une ligne de défense constante
Depuis des décennies, Gerry Adams nie toute appartenance à l’Armée républicaine irlandaise (IRA), malgré les affirmations persistantes d’anciens militants, de journalistes d’investigation, et de responsables britanniques. Au cours de son interrogatoire devant la Haute Cour, mené par Paul Gallagher, avocat représentant la BBC et ancien procureur général d’Irlande, Adams a réaffirmé sa position : « Je ne suis pas disposé à spéculer sur qui était ou non dans l’IRA à quelque moment que ce soit. »
L’échange a parfois été tendu. M. Gallagher a évoqué un livre publié dans les années 1970 par l’IRA intitulé The Freedom Struggle, dans lequel il est précisé que l’une des conditions pour l’ouverture de discussions avec Londres en 1972 était la libération d’un cadre supérieur de la brigade de Belfast. Adams a rétorqué : « Cela ne dit pas que c’était moi. Il se peut qu’un autre responsable ait été libéré à cette époque. Ce n’était pas moi. »
L’affaire Donaldson en toile de fond
Au cœur du contentieux figure aussi l’assassinat en 2006 de Denis Donaldson, ancien militant de l’IRA et ex-responsable administratif du Sinn Féin à Stormont, devenu agent double. Son exécution dans un cottage isolé du Donegal, quelques mois après la révélation de sa trahison, a relancé les spéculations sur la nature des représailles internes dans les milieux républicains.
La BBC affirme avoir agi de bonne foi, et que ses révélations, basées sur le témoignage d’un ancien espion britannique infiltré dans l’IRA, relèvent de l’intérêt public. L’avocat de la chaîne publique a déclaré que les contenus en question s’inscrivent dans le cadre d’un débat légitime sur des faits historiques et politiques sensibles.
Les échanges à la barre ont aussi porté sur la participation de Gerry Adams à une rencontre avec des représentants du gouvernement britannique en 1972, aux côtés du haut responsable de l’IRA, Daithí Ó Conaill. À l’époque, Philip Woodfield, sous-secrétaire au bureau nord-irlandais, aurait considéré qu’il rencontrait des représentants directs de l’IRA. Gerry Adams soutient pour sa part qu’il y assistait en tant que membre du Sinn Féin uniquement.
La BBC s’appuie sur des archives et des témoignages selon lesquels Adams aurait été au cœur du processus décisionnel de l’IRA pendant la période des Troubles, ce que l’intéressé continue de contester catégoriquement.
Le verdict de ce procès pourrait avoir des répercussions importantes sur l’image d’un homme qui fut longtemps au centre de la politique nord-irlandaise, et sur le traitement médiatique du passé tumultueux de la région.
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