Urbanisme dépassé, subventions indûment perçues, marchés publics irréguliers, gestion opaque : le dernier rapport de la Chambre régionale des comptes épingle sévèrement la commune de Grand-Champ (Morbihan).
La commune de Grand-Champ, située dans la deuxième couronne de l’agglomération vannetaise, affiche un dynamisme certain : population en hausse, nombreux services à la population, projets immobiliers et équipements publics ambitieux. Mais derrière cette apparente vitalité se cache une gestion municipale chaotique, à en croire le rapport définitif rendu public par la Chambre régionale des comptes de Bretagne, portant sur les exercices 2014 et suivants.
Un développement sur fond de plan d’urbanisme obsolète
Premier grief : la planification urbaine repose encore sur un PLU (plan local d’urbanisme) datant de 2006. Or, ce document ne prend pas en compte les réformes récentes, notamment en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. Si la municipalité justifie les retards par les évolutions législatives et le calendrier du SCoT intercommunal, la révision du PLU, sans cesse repoussée, n’a réellement été relancée qu’en 2024. Elle ne devrait être effective qu’en 2026.
Des subventions publiques obtenues au mépris des règles
Le rapport pointe surtout de lourdes irrégularités dans la gestion des subventions liées aux travaux de rénovation de la mairie. Plusieurs projets ont été successivement lancés, modifiés ou abandonnés, sans information claire au conseil municipal ni aux financeurs. Pire : la commune a sollicité le versement de subventions sur la base de justificatifs non conformes, dont une fausse facture transmise au département, ce qui constitue une infraction aux règles de la comptabilité publique.
La chambre recommande le remboursement de près de 50 000 € au conseil départemental du Morbihan.
Camping municipal : favoritisme, conflits d’intérêts et irrégularités
Autre dossier sensible : la réouverture du camping municipal, accompagnée de l’aménagement d’une aire d’accueil pour camping-cars. Les marchés ont été passés sans mise en concurrence régulière, favorisant une entreprise via un cahier des charges taillé sur mesure. La gestion de ces infrastructures a été confiée à un opérateur privé via un simple avenant, sans base juridique claire, ni transparence devant le conseil.
La commune est sommée de revoir sans délai le cadre juridique de ces contrats, qui relèvent de la commande publique.
Le rapport souligne aussi de nombreuses carences dans l’information du conseil municipal. Des dépenses importantes — comme celles liées à l’organisation du championnat de France cycliste 2020 (568 000 €) — n’ont pas été correctement portées à la connaissance des élus. L’ampleur des évolutions budgétaires de la rénovation de la mairie (de 198 000 € à 1,8 M€) a également été masquée.
Une gestion budgétaire lacunaire
Sur le plan comptable, la Chambre note une fiabilité insuffisante des comptes, notamment dans le suivi des engagements et des opérations d’aménagement. Le budget annexe « aménagement et développement » (BAD), représentant pourtant un tiers des dépenses communales, est présenté de façon peu lisible et incomplète. L’endettement a par ailleurs explosé en raison du refinancement d’un emprunt toxique contracté en 2010 et restructuré en 2021 à hauteur de 7,5 M€.
Une réponse défensive de la municipalité
Dans sa réponse, la nouvelle maire Dominique Le Meur, accompagnée de son prédécesseur Yves Bleunven (désormais sénateur), reconnaît certains manquements mais conteste le ton « sévère » du rapport. Elle invoque l’urgence sanitaire, les ambitions d’aménagement et les contraintes supra-communales pour justifier les décisions prises.
Des engagements de correction ont été annoncés, notamment sur le règlement intérieur du conseil municipal, les conflits d’intérêts ou la révision du PLU. Mais certains points, comme l’utilisation d’une fausse facture, restent insuffisamment expliqués.
Si la commune de Grand-Champ affiche une réelle dynamique de développement, le rapport de la Chambre régionale des comptes révèle les dérives d’une gestion trop centralisée, peu transparente, et parfois contraire à la légalité. Une alerte salutaire à l’heure où la confiance dans la gestion publique locale mérite d’être pleinement restaurée.
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