Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad en décembre 2024, près de deux millions de Syriens déplacés ont tenté de regagner leur foyer. Mais la réalité sur le terrain, entre effondrement économique, insécurité généralisée et persécutions religieuses, continue de rendre toute perspective de réintégration durable incertaine.
Un retour dans un pays exsangue
Selon le dernier rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) publié le 14 mai 2025, 1,3 million de déplacés internes et près de 730 000 migrants revenus de l’étranger sont retournés dans leurs communautés entre janvier 2024 et avril 2025. Ce mouvement coïncide avec la fin du régime baasiste et le renversement de Bachar el-Assad par la coalition rebelle menée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS), appuyée par la Turquie.
Mais pour les Syriens qui reviennent, le quotidien reste marqué par l’absence d’infrastructures, le chômage massif, la pénurie d’eau, d’électricité et de soins, ainsi que par des litiges fonciers persistants. « Les Syriens sont résilients et innovants, mais ils ont besoin d’une véritable aide pour reconstruire leurs communautés et leurs vies », a déclaré Amy Pope, directrice générale de l’OIM dans le communiqué du 14 mai. Les équipes de l’OIM, de retour à Damas, s’efforcent d’apporter une réponse humanitaire immédiate tout en favorisant un retour volontaire et sécurisé.
Les minorités religieuses ciblées par un nouveau régime islamiste
La situation est d’autant plus préoccupante que le nouveau pouvoir en place à Damas, dirigé par HTS, multiplie les exactions contre les minorités religieuses. Comme nous l’indiquions le 22 mars dernier, plus de 7 000 chrétiens et alaouites auraient été massacrés depuis la prise de pouvoir des islamistes. Témoignages, images et déclarations officielles confirment un climat de persécution systématique. Le Patriarche Jean X a dénoncé des scènes de villages incendiés, de populations exécutées et de pillage généralisé. Des appels au jihad sont régulièrement diffusés depuis les mosquées contrôlées par HTS.
L’ancien Premier ministre grec Antonis Samaras accuse directement Ankara et le nouveau pouvoir islamiste de vouloir instaurer un État théocratique néo-ottoman, tandis que le député européen Nikolas Farantouris parle d’une tentative d’extermination des chrétiens et des alaouites. Malgré cela, l’Union européenne continue de maintenir des liens diplomatiques avec le régime en place et a même récemment allégé certaines sanctions, suscitant une vive controverse.
Des millions de Syriens encore à l’étranger
Si 730 000 déplacés sont revenus en Syrie depuis début 2024, plus de 6,4 millions de Syriens vivent encore à l’étranger, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), cité par Franceinfo le 11 décembre 2024. La Turquie accueille à elle seule 3,2 millions de réfugiés, suivie par le Liban, la Jordanie, l’Irak et l’Égypte, qui totalisent 78 % des exilés.
En Europe, l’Allemagne a accueilli environ 700 000 Syriens, contre 94 800 en Suède, 58 000 aux Pays-Bas et 43 600 en France. Plusieurs pays européens, dont la France, ont annoncé la suspension de l’examen des nouvelles demandes d’asile syriennes, en raison de l’incertitude sécuritaire liée à la nature du nouveau régime.
Alors que la Syrie reste dévastée et instable, la question demeure : le retour massif des migrants marquera-t-il une étape vers la paix, ou un piège mortel pour des populations vulnérables livrées à l’arbitraire d’un pouvoir jihadiste ?
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Une réponse à “Syrie. 700 000 migrants sont rentrés dans un pays ravagé, des millions d’autres toujours à l’étranger”
On doit les obliger à repartir d’Europe