En pleine polémique sur la légalisation de « l’aide à mourir », dont les débats agitent actuellement l’Assemblée nationale (vote en première lecture à 16h), une question se pose avec d’autant plus d’acuité que la France compte plusieurs centaines de milliers de citoyens de confession juive : quelle est la position du judaïsme sur la fin de vie, le suicide assisté et l’euthanasie ? Les autorités de ce pays poussent depuis des décennies religions et cultures très différentes à cohabiter (difficilement), mais la République négatrice des identités, peuples et religions, refuse paradoxalement d’entendre les réponses des grandes traditions religieuses. Et celle du judaïsme ne souffre, à première vue, d’aucune ambiguïté : l’euthanasie, active comme passive, est formellement interdite.
Selon la loi juive, « hâter la mort d’un malade, même s’il souffre atrocement, est assimilé à un meurtre ». Ce principe est martelé dans les textes halakhiques classiques, du Choul’han Aroukh au Aroukh HaChoul’han, en passant par les Responsa contemporaines. Pourquoi ? Parce que la vie n’appartient pas à l’homme, mais à Dieu. Comme l’énonce le prophète Ézéchiel : « Toutes les vies sont à Moi ». Tuer, même par compassion, reste un homicide.
Sacralité absolue de la vie, y compris « d’un instant »
Dans cette perspective, chaque souffle, chaque battement de cœur revêt une valeur inestimable. Même une « vie d’un instant » justifie la transgression du Chabbat pour tenter de la sauver. Et la qualité de vie ? Elle n’entre pas en ligne de compte. La vie humaine, quelle que soit sa condition – végétative, handicapée, souffrante – est indivisible, car infiniment précieuse. Fermer les yeux d’un mourant, nous enseigne le Talmud, équivaut à souffler sur une flamme vacillante : c’est l’éteindre prématurément.
Cette radicalité peut heurter dans un monde où l’autonomie et la dignité subjective dominent. Et pourtant, le judaïsme ne reste pas sourd à la douleur. Il impose même, en vertu du commandement « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », d’administrer des antalgiques puissants pour soulager la souffrance – y compris si, dans de rares cas, ces médicaments peuvent indirectement précipiter la fin. L’intention est ici capitale : soulager, non tuer.
La ligne rouge : ne pas provoquer la mort
Le judaïsme distingue clairement entre euthanasie active (interdite) et certaines formes très encadrées d’euthanasie passive. Débrancher un appareil vital ? Interdit. Supprimer volontairement nourriture ou oxygène ? Interdit également. Mais ne pas initier un soin extraordinairement invasif (chirurgie, réanimation) dans une situation sans espoir, peut être toléré. La sédation profonde continue, telle que décrite dans la loi française actuelle, reste sujette à débat, car tout dépend de l’intention et des conséquences.
Il existe cependant un point de convergence avec les partisans d’une fin de vie plus humaine : le refus de l’acharnement thérapeutique. Car maintenir artificiellement une vie de souffrances extrêmes, sans espoir médical, peut être jugé contraire à l’esprit de la loi juive. Le soin n’est pas toujours une obligation ; il peut être un droit que l’on suspend si l’âme ne cherche plus qu’à quitter un corps devenu prison.
Pas de « droit à mourir » dans la halakha
Dans une société sécularisée, l’argument du « droit à mourir dans la dignité » a pris une ampleur inédite. Mais pour la tradition juive, ce droit n’existe pas. Ni l’homme, ni le médecin, ni le législateur ne peuvent décréter le moment de la mort. Le malade n’est pas propriétaire de sa vie au point de pouvoir s’en défaire volontairement. Il peut prier, supplier, demander à ne pas souffrir. Mais jamais demander à mourir. L’histoire racontée par un professeur israélien qui, après avoir débranché un patient, vit ce dernier lui apparaître en rêve pour lui reprocher d’avoir écourté son processus de réparation spirituelle, illustre cette vision : même les souffrances ont un sens dans le judaïsme.
La loi française semble prête à franchir une nouvelle étape, sous la pression d’une partie de l’opinion publique qui serait, dit-on, favorable à l’euthanasie. Mais les religions, elles, rappellent une autre logique. Celle où la personne humaine est sacrée, non pas seulement parce qu’elle souffre ou ne souffre pas, mais parce qu’elle est à l’image de Dieu.
Le judaïsme, dans ses nuances et ses inflexibilités, n’a donc pas vocation à flatter les évolutions sociétales. Il interpelle. Et il rappelle, dans ce débat essentiel, comme l’Islam, comme le Christianisme, que la compassion ne se mesure pas à la capacité d’interrompre la vie, mais à celle d’accompagner jusqu’au bout.
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Une réponse à “« Aide à Mourir ». Que dit le Judaïsme sur l’euthanasie ?”
David fut mettre a mort le jeune homme qui aida Saul a mourir ,Voir 2 Samuel 1/16 https://saintebible.com/2_samuel/1-10.htm