Le légendaire chanteur nord-irlandais Van Morrison fait une fois de plus parler de lui. Dans son dernier album Remembering Now, il évoque dans une chanson nostalgique un bar de l’est de Belfast, le Bunch of Grapes, autrefois associé à l’Ulster Defence Association (UDA) et à plusieurs assassinats sanglants durant les Troubles. Un choix qui suscite des interrogations, même si les proches de l’artiste assurent qu’il ne faisait référence qu’à un lieu de son enfance, bien avant qu’il ne devienne un fief paramilitaire.
Une référence ambigüe
Dans le morceau Stomping Ground, Van Morrison chante : « Take me down to John Long’s Corner, and we drive by Bunch of Grapes », évoquant une balade dans les rues de son enfance : Strandtown, Orangefield, Hyndford Street, ou encore Cyprus Avenue. Des lieux emblématiques de l’Est de Belfast, où l’auteur de Brown Eyed Girl a grandi avant de devenir une légende de la musique.
Mais le Bunch of Grapes n’est pas un lieu anodin. Ce bar de la Beersbridge Road, aujourd’hui à l’abandon, a connu une funeste réputation pendant les années de guerre civile. Utilisé comme lieu de réunion par l’UDA, il fut notamment la propriété de Jim Gray, alias le « Brigadier of Bling », un chef loyaliste assassiné en 2005. Plusieurs assassinats ont eu lieu dans ce bar : celui de Jim Craig en 1988, ou encore celui du commandant Geordie Legge en 2001, égorgé et brûlé dans un acte d’une brutalité inouïe.
Pour les amis de Van Morrison, l’artiste n’a jamais eu l’intention de faire référence à cette époque violente. Le Bunch of Grapes qu’il évoque dans sa chanson était, dans les années 1950 et 1960, un simple bar ouvrier sans histoire. Le chanteur, aujourd’hui âgé de 78 ans, avait quitté Belfast bien avant que le lieu ne devienne un bastion loyaliste.
« C’était un bistrot ordinaire à l’époque », témoigne un contemporain de l’artiste. « Le Bunch of Grapes des années Troubles n’a plus rien à voir avec celui de notre jeunesse. »
Un hommage à Belfast… ou une maladresse ?
L’album a pourtant été globalement bien accueilli. Mojo salue une chanson « douce et poignante », tandis qu’Uncut y voit une « litanie merveilleuse des lieux emblématiques de Belfast ». Van Morrison continue de puiser dans la mémoire de son enfance, en citant aussi son ancienne école primaire (Elmgrove), son église (St Donard’s), ou encore le quartier de Bloomfield.
Mais cette référence à un bar associé à l’un des groupes les plus redoutés des Troubles rappelle que la mémoire en Irlande du Nord est toujours une affaire sensible. Et qu’un lieu, même anodin pour les uns, peut être lourd de sens pour d’autres.
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