Entre le XIe et le XIIIe siècle, la Bretagne connaît un essor démographique et une structuration croissante de son territoire. La seigneurie, forme dominante de pouvoir, s’impose comme le cadre incontournable de la vie rurale. Dans une étude approfondie, Sébastien Ronsseray s’est penché sur la seigneurie de Dinan, territoire emblématique qui permet d’observer, à travers plus de 700 chartes, l’évolution de l’encadrement seigneurial durant trois siècles.
De la seigneurie primitive à l’éclatement
Le premier seigneur attesté de Dinan, Josselin, apparaît en 1040. Issu de la puissante famille des vicomtes de Dol, il incarne la montée des lignages châtelains bretons. À partir de ce noyau, la seigneurie de Dinan se développe rapidement, avant de se fragmenter au XIIIe siècle en de multiples entités, comme Dinan-Montafilant ou Plancoët. Ce morcellement ne signifie pas une perte d’autorité, mais un maillage territorial plus dense, appuyé par une administration seigneuriale de plus en plus structurée, avec sénéchaux, baillis et prévôts.
L’étude montre que les redevances, souvent regroupées sous le terme de coutumes, pesaient sur les habitants sans pour autant atteindre des niveaux écrasants. Le cens foncier, rarement élevé, côtoyait des prélèvements en nature comme les dîmes, longtemps considérées comme de véritables revenus seigneuriaux avant leur restitution progressive au clergé. S’y ajoutaient des droits issus du ban châtelain : justice, péages, banalités sur les moulins ou fours. Si ces contraintes étaient réelles, leur poids restait limité par la dispersion de l’habitat, qui freinait la centralisation fiscale.
Bourgs castraux et habitat dispersé
Face à une population éclatée en hameaux, les seigneurs tentèrent de regrouper les hommes autour de leurs châteaux, en fondant des bourgs castraux (Dinan, Bécherel, Jugon). Ces regroupements servaient à concentrer artisans, marchés et redevances, mais leur succès fut variable. Dinan atteignit le rang de véritable ville, tandis que Bécherel ou Jugon restèrent de modestes bourgades.
En parallèle, les mottes féodales, souvent implantées près des rivières ou en lisière de forêts, jouaient un rôle complémentaire de contrôle et de perception de péages. Mais l’habitat dispersé demeura la norme, traduisant à la fois une résistance paysanne et les limites du pouvoir seigneurial.
Au terme du XIIIe siècle, la seigneurie de Dinan présente un visage transformé : administration perfectionnée, quadrillage territorial renforcé, prélèvements stabilisés. Pour Ronsseray, le système apparaît moins comme un carcan oppressif que comme une organisation pragmatique, adaptée à une société d’habitat éclaté. La dispersion des hommes limitait les abus, mais assurait malgré tout aux seigneurs des revenus substantiels grâce à la croissance économique de l’époque.
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