Il y a des jours où le peloton ressemble à une troupe de théâtre qui improvise au gré du vent. On attendait un sprinteur estampillé — Philipsen pour ne pas le nommer — et voilà qu’un Britannique invité de dernière minute, Ben Turner, s’empare de la scène à Voiron. Le coureur d’Ineos, qui devait encore flâner sur d’autres routes la semaine dernière, s’est offert le luxe de griller la politesse au roi du sprint. Première victoire britannique sur la Vuelta depuis un an, mais surtout, un sourire noyé de larmes qui en disait plus long que mille classements.
Les échappés pour la galerie
Le décor, planté au petit matin à Suse, côté Piémont, avait tout du grand spectacle : Montgenèvre, Lautaret, plus de 200 kilomètres, et une ligne d’arrivée sur sol français. Mais les montagnes se sont laissées avaler comme des amuse-bouches, et les cinq baroudeurs du jour — Vervaeke, Bonneu, Quinn, Nicolau et Aparicio — n’ont existé que le temps de meubler les conversations des suiveurs. Rattrapés à 91 kilomètres de l’arrivée, ils ont laissé place à deux tentatives plus désespérées qu’inspirées : Sinuhé Fernandez puis Bruno Armirail, avalés eux aussi avant Voiron.
Tout cela pour quoi ? Pour une conclusion limpide : le peloton, en rangs serrés, livra à l’Isère une arrivée massive. Et Turner, en parfait équilibriste, y trouva son moment de grâce.
Gaudu, le rouge au corps
Mais la véritable histoire de ce mardi 26 août est ailleurs. Le Français David Gaudu, la veille encore vainqueur à Ceres, a profité du “puestómetro” — ce petit comptage mesquin des places à chaque étape — pour subtiliser la Roja à Jonas Vingegaard. Les deux hommes sont dans la même seconde, mais le Breton a su gratter assez de poussière de classement pour coiffer le Danois.
Vingegaard, triple vainqueur du Tour, avait l’air de s’en moquer, 42e du jour. Gaudu, lui, s’est jeté dans le sprint final comme un naufragé vers une bouée, finissant 25e et trouvant là son ticket pour l’Histoire. “Ce n’est pas ma place, je n’y retournerai pas souvent”, a-t-il reconnu en riant. Mais l’image restera : celle d’un Français, 27e seulement à endosser la tunique rouge, qui ressuscite la mémoire d’un Lenny Martinez en éclaireur deux ans plus tôt.
Une étape française, un parfum d’Italie
Ainsi va la Vuelta 2025 : partie d’Italie, venue flirter avec la France, elle offre à la fois un triomphe inattendu à un insulaire britannique et un maillot de leader à un Breton. Une pièce de boulevard où les seconds rôles s’imposent parfois aux têtes d’affiche.
Demain, Figueres reprendra la main avec un contre-la-montre par équipes. Mais hier soir, dans les rues de Voiron, on retiendra surtout l’éclat d’un sourire mouillé et la fierté rouge d’un Breton qui n’a jamais cessé d’y croire.
YV
Crédit photo : Unipublic / Sprint Cycling Agency
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