Notre siècle avance à grande vitesse, mêlant obscurantisme, politique, mercantilisme, gangstérisme, agressivité guerrière et « torche-cul » réprimandé. C’est pourquoi nous ne saurions que vous recommander un livre indispensable en ces temps tragiques : Arthur Koestler, la fin des illusions, publié aux éditions du Cerf (390 pages, 25 €), sous la signature de Stéphane Koechlin, cousin de la tribu qui revendiqua jadis sa participation à la construction Eiffel, il y a de cela plus d’un siècle…
L’auteur, fils du génial fondateur de Rock and Folk, est un musicologue averti et possède déjà une bibliographie impressionnante dans les séries Documents, Biographies, Essais et Récits-romans… chez divers bons éditeurs. Mis à part une « fleur africaine » parue à la toute fin du siècle dernier, tout le reste (26 titres) s’échelonne d’année en année, depuis l’an 2000, jusqu’à ce terrible dernier…
Qui n’a pas lu Le Zéro et l’Infini peut encore se consacrer au Testament espagnol, à La Corde raide ou tout simplement à Hiéroglyphes… pour entrevoir la qualité de la prose d’un apatride qui naquit le 5 septembre 1905, à Budapest, au coeur du royaume de Hongrie, nation gemelle de l’immense Autriche-Hongrie, empire en voie d’extinction en ce début du 20e siècle. Le gosse n’avait pas dix ans quand la guerre (la Première ) déferla sur cette Europe dominée, en ce temps là, par l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France (IIIe République). En 1918, les Alliés s’en prendront au régime le plus faible et le dépèceront sans vergogne en de multiples nations. Ce sera « la fin d’un monde » — comme le décrira Stefan Zweig dans Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen…
Dans le livre de Koechlin, trente-deux chapitres d’une écriture savoureuse nous racontent prestement cette première moitié du 20e siècle que nous croyions connaître si nous n’avions lu que Henri Bordeaux ou, à la limite, François Mauriac. Passons sur Maurras (le vieux père Charles) ou Olier Mordrel… Les cases, à droite ou à gauche, étaient bien remplies. Mais pourquoi accordait-on une telle place à des « professionnels de la profession » de l’artificiel comme « Jean-Sol Partre » (c’est du Boris Vian) ou sa phénoménale compagne, la Beauvoir ? Ne pas mettre sur la même étagère, et Boris Vian et Albert Camus… quand même.
C’est en 1940 que paru Darkness at Noon (Le Zéro et l’infini en français, paru, en traduction, en 1945)… de ce bouillonnant petit (il était vraiment petit) bonhomme qui venait du froid, c’est-à-dire de Hongrie. Le pire, toutefois, c’était qu’il avait été communiste de la pire espèce : un « bolchevik »… Et qu’il en était revenu, cassé, brisé, maté… amer et malfaisant. Pensez! le capitaine Luis Bolin l’avait raté en Espagne, dans la guerre abominable que Franco avait mené contre la République et vice de versa. Cent deux jours (trois mois interminables) à attendre le peloton d’exécution, un sac sur la tête… Sorti de là sur intervention très officielle des Britanniques, il croyait pouvoir s’en remettre en allant glaner des potins dans les bas-fonds intellos de Londres ou de Paris… En compagnie de la petite Daphné, la secrétaire spontanée… C’était mieux, au demeurant, que ce début des années 30 passé à Moscou, en Sibérie ou au sinistre pays de l’Holodomor… mais quand même. D’autant que l’immense voile du bolchevisme insistait chaque nuit, ou chaque matin au réveil, pour envelopper sa mauvaise humeur. C’est ce qui perce sous le titre en allemand choisi par l’auteur, Sonnenfinsternis… (c’est à dire : Eclipse solaire). Le changement venait du rôle de Daphné…
On pourrait déduire de ce qu’on connaît de sa vie de sacripant qu’il appartient à la tribu des machos, façon « Obélix »… Mais, comme disait l’autre : « Si nous devons dénigrer les hommes célèbres pour leur comportement, qui serait épargné ? » « K », Stéphane Koechlin l’appelle finalement ainsi, était un monsieur qui eut trois épouses et une quantité incommensurable de concubines — ainsi que n’importe quel Sardanapale. Les compter n’est pas le but de Koechlin mais n’empêche, ça pèse. De toute façon, « K », infiniment malade, finira en adoptant les règles de « l’aide à mourir », le 1er mars 1983, avec sa troisième épouse, la belle Cynthia…Il avait adhéré à l’organisme The Voluntary Euthanasia Society et donné la leçon à ceux qui envisageaient « l’euthanasie, comme l’obstétrique, correctif naturel d’un handicap biologique ».
Il est bon d’avoir réduit Arthur Koestler à son titre vedette : Le Zéro et l’Infini (ou, en anglais, Darkness at Noon). En gros c’est l’histoire d’un « camarade » qui est revenu de « l’avenir radieux » à l’évocation et la prise en considération des crimes et massacres du KGB communiste… De quoi donner à réfléchir à ceux qui se demandent comment tant de jeunes et de moins jeunes ont pu, un jour, franchir le pas et « aller à la fontaine » comme disait Picasso… Voilà pourquoi ce livre biographique (celui de Koechlin) est très utile et indispensable. Relisez néanmoins Le Zéro et l’Infini, vous ne perdrez pas votre temps.
MORASSE
PS. Koestler était aussi adepte du « boure-piff »… C’est ainsi qu’une nuit des années 50, au sortir d’un bistrot où ils s’étaient « arsouillés », son poing rencontra un œil, celui de Camus qui protesta : « Tu es mon ami, pourquoi tu as fait ça ? »… tandis qu’à l’écart, Jean-Paul Sartre, à qui le coup de poing était destiné… rigolait.
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