Quarante mille petites fermes rayées de la carte en trois ans. Le chiffre, révélé par le mouvement citoyen Terre de Liens, n’a rien d’une statistique de plus : c’est un séisme rural. Une disparition massive, continue, presque silencieuse, qui bouleverse l’architecture même de nos campagnes.
Depuis 1988, neuf départements sur dix ont perdu plus de la moitié de leurs exploitations. En Bretagne comme dans le Nord, les zones les plus productives, près des trois quarts des fermes ont déjà disparu. Les chiffres ne racontent pas seulement une crise : ils dessinent un basculement historique.
Une France rurale absorbée par le productivisme
La tendance est connue, mais elle accélère : les petites fermes ferment, absorbées par de grandes exploitations toujours plus capitalisées, toujours plus spécialisées. Les terres se concentrent, les outils se modernisent, mais l’emploi disparaît.
Dans de nombreux villages, les derniers éleveurs quittent la scène comme on éteint les lumières après la fête. Les terres changent de mains : souvent, un seul exploitant récupère ce que plusieurs familles cultivaient encore il y a trente ans.
Pour Terre de Liens, c’est un « plan social à bas bruit » qui se déroule sous nos yeux, sans le bruit des usines qui ferment, sans les caméras. Mais avec les mêmes dégâts : chômage, perte d’activité, effondrement du tissu rural.
Les petites exploitations ne sont pas une nostalgie folklorique. Elles structurent la vie des villages, la diversité des paysages, l’alimentation locale, et l’équilibre économique d’une région.
Dans de nombreux territoires, l’intensification pousse à une monoculture ou à des élevages géants, coupant le lien entre la terre et les habitants. Le visage de la campagne se standardise, s’uniformise, s’appauvrit.
Un quart des agriculteurs partiront à la retraite d’ici 2030. Et les remplaçants manquent cruellement. Entre 2010 et 2020, la France a déjà perdu près de 100 000 agriculteurs. Aujourd’hui, ils représentent à peine 1,5 % de la population active.
La France, pays agricole par excellence, se retrouve avec un secteur vieillissant, fragilisé, et de plus en plus dépendant des logiques industrielles et financières.
Si rien n’est fait, les prochaines années pourraient achever ce qu’il reste de la petite paysannerie française.
Bretagne : un cas emblématique
Terre de Liens l’illustre à travers une cartographie inédite. En Bretagne, plus encore qu’ailleurs, la concentration est devenue la règle. L’élevage intensif a remodelé le territoire, au prix d’une disparition quasi totale des structures familiales de taille modeste.
Cette réalité bretonne pose une question cruciale : que devient une région quand son modèle agricole s’uniformise au point d’effacer tout le reste ?
Certaines collectivités refusent de baisser les bras. Aux Loges-en-Josas, dans les Yvelines, la municipalité a tout simplement racheté un terrain pour aider un habitant à devenir maraîcher. Le bâtiment agricole a été financé par la commune. Résultat : la réouverture d’une ferme après quinze ans de désert agricole, et des légumes qui reviennent dans les assiettes locales.
Ailleurs, des communes mettent en place des « zones agricoles protégées », achètent des terres pour les louer à des producteurs bio, ou créent des épiceries municipales pour soutenir les circuits courts.
Ces initiatives existent, fonctionnent, mais restent isolées.
Cinq leviers pour éviter un effondrement définitif
Pour Terre de Liens, l’enjeu est désormais politique et territorial. Le mouvement appelle les maires à reprendre la main sur leurs terres et propose cinq axes majeurs :
– rendre accessibles les terrains agricoles pour les jeunes paysans ;
– recenser et protéger les terres restantes ;
– favoriser les pratiques respectueuses de l’eau et des sols ;
– soutenir les filières locales, notamment pour les cantines ;
– garantir un accès à une alimentation locale et de qualité pour tous.
Des mesures pragmatiques, mais qui supposent un engagement des élus… et un changement de paradigme national.
Derrière les chiffres, il y a une réalité que les grandes métropoles ne voient plus : la disparition d’un mode de vie, d’un savoir-faire, d’une manière d’habiter la terre.
La petite ferme n’est pas un vestige du passé. C’est un équilibre, une culture, une organisation sociale. C’est la base de notre souveraineté alimentaire.
Laisser mourir cette agriculture-là, c’est accepter que le pays ne maîtrise plus sa nourriture, son territoire, ni son avenir.
Et ce qui est en train de se jouer dans les campagnes françaises n’est rien d’autre qu’un choix de civilisation.
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.