Créée en 2018 par le SDE 35, avec l’appui du département et de Rennes Métropole, la SEM Énerg’iV devait devenir l’outil central du développement des énergies renouvelables dans le territoire. Ses missions : investir dans des centrales photovoltaïques, participer à des projets éoliens citoyens, ou encore déployer des stations GNV dans le cadre d’un programme régional.
Mais le rapport 2025 de la Chambre régionale des comptes (CRC) Bretagne met en évidence une situation beaucoup plus contrastée, tant sur le plan juridique que financier. Les magistrats notent en introduction une « assise juridique fragile », la production d’EnR n’étant mentionnée dans les statuts du SDE 35 qu’au titre d’activité accessoire
Une gouvernance critiquée : incohérences, conflits d’intérêts et manque de transparence
La CRC souligne que la gouvernance de la SEM repose sur des mécanismes peu robustes : majorité renforcée difficile à atteindre, pacte d’actionnaires non conforme aux statuts, risque de conflits d’intérêts entre Énerg’iV et le SDE 35.
Le rapport relève par exemple que certains administrateurs participent aux décisions du SDE 35 concernant la SEM, sans respect systématique de l’obligation de déport
Plus grave encore, des conventions passées entre la SEM et la SASU BMGNV 35 – société chargée des stations GNV d’Ille-et-Vilaine – n’ont pas été déclarées comme conventions réglementées et ont généré des flux financiers importants, sans contrôle suffisant. Cette situation crée un risque de prise illégale d’intérêt selon le code pénal
Des investissements ambitieux… mais des résultats en demi-teinte
Dès sa création, Énerg’iV visait 120 GWh d’EnR en 2025. Un objectif qui devrait être atteint, mais grâce à un portefeuille de projets largement révisé.
Le Plan moyen terme 2024-2028, appuyé sur une augmentation de capital de 6 à 21,1 millions d’euros, prévoit désormais 320 GWh en 2030, avec un effort massif sur le photovoltaïque (50 % des investissements), suivi de l’éolien (25 %), du GNV (17 %) et de la méthanisation (6 %). Les projets éoliens citoyens (Fééole, Landiset, Lanrigan) avancent, mais leur rentabilité reste très modeste : le TRI du projet Fééole est estimé à seulement 0,9 % sur 20 ans
Le GNV : un réseau lourd, complexe et massivement déficitaire
La CRC consacre une large partie de son rapport au réseau GNV breton, piloté par la SAS BMGNV et ses quatre filiales départementales. Les magistrats jugent le montage « inutilement complexe », reposant sur trois niveaux de structures, ce qui empêche une gouvernance cohérente à l’échelle régionale
En Ille-et-Vilaine, la SASU BMGNV 35 a ouvert six stations depuis 2022, mais toutes ont connu des résultats fortement déficitaires jusqu’en 2023, avant un léger redressement en 2024. Les chiffres fournis par la Chambre sont explicites :
- Résultat d’exploitation : –99 078 € (2021), –572 712 € (2022), –558 610 € (2023)
- Pertes cumulées fin 2023 : près de 1,5 M€, conduisant à des capitaux propres négatifs (–190 423 €)
Cette situation aurait dû entraîner l’ouverture d’une procédure de dissolution anticipée selon l’article L.223-42 du code de commerce, ce qui n’a jamais été fait, note la CRC
La Chambre critique également la dépendance de certaines stations à un très petit nombre de clients : en 2023, une seule entreprise représentait 83,5 % des ventes de la station de Tinténiac
Des comptes dégradés : résultat négatif depuis 2019 et capitaux propres affaiblis
La situation financière globale d’Énerg’iV est elle aussi préoccupante. La CRC rappelle que les résultats sont négatifs chaque année depuis 2019, malgré une hausse du chiffre d’affaires liée aux prestations de services.
Les capitaux propres ne représentaient plus que 64 % du capital social fin 2023, avant l’augmentation votée en 2024
La consolidation des comptes 2023 fait également apparaître des choix incohérents, comme l’intégration de BMGNV 35 alors que la SEM n’en est pas actionnaire direct, ce que la CRC qualifie d’erreur de périmètre
Les immobilisations financières (participations) atteignent 1,77 M€, dont certaines pourraient nécessiter des dépréciations que la SEM n’a pas encore provisionnées, alors même que la CRC le recommande explicitement
Deux recommandations majeures pour stabiliser la SEM
La Chambre régionale des comptes formule deux recommandations centrales :
- Aligner le pacte d’actionnaires sur les statuts, pour garantir la sécurité juridique de la gouvernance.
- Formaliser une méthode d’estimation de la valeur actualisée des actifs, et l’appliquer chaque année pour constituer des provisions en cas de dépréciation
Elle invite aussi à simplifier la gouvernance du réseau GNV et à sécuriser les relations financières entre Énerg’iV et les structures satellites.
Au terme de cette analyse, la CRC ne remet pas en cause l’importance du rôle d’Énerg’iV dans la transition énergétique bretonne. Elle reconnaît même que la SEM est engagée dans des projets structurants, en soutien des collectivités.
Mais le message est clair : sans correction rapide de la gouvernance, de la structure financière et du pilotage du réseau GNV, la SEM court le risque d’un affaiblissement durable.
L’année 2025 sera décisive : la loi impose aux actionnaires de présenter, dans les douze mois, les mesures prises pour répondre aux observations de la Chambre.
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