Alcool en France : un fléau discret mais massif qui tue chaque jour en silence

Santé publique, addiction, jeunesse, violences : la nouvelle note publiée par l’OFDT en novembre 2025 dresse un constat accablant sur la consommation d’alcool en France. Malgré une baisse apparente chez les plus jeunes, l’alcool reste un tueur invisible et un facteur de désagrégation sociale massif.

Alors que les politiques de santé publique multiplient les campagnes médiatiques sur la cigarette ou les menus végétariens, l’alcool continue de tuer chaque jour près de 120 personnes en France, dans une relative indifférence. C’est le principal enseignement de la dernière note publiée par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), un document de référence de 20 pages fondé sur les données 2022-2024, qui mérite qu’on s’y attarde.

L’alcool tue plus que toutes les drogues réunies

41 000 décès attribuables à l’alcool ont été enregistrés pour la seule année 2022, selon l’estimation de Santé publique France. Cancers, cirrhoses, maladies cardiovasculaires, troubles psychiques… mais aussi accidents de la route, noyades, suicides ou homicides : les dommages sont multiples et traversent tous les âges, tous les milieux.

Loin d’être une consommation anodine, la consommation d’alcool reste en France l’un des principaux facteurs de morbi-mortalité évitables. Elle est responsable de plus de 9 % des cancers, 5 % des décès cardiovasculaires et plus de 15 % des morts par violence.

En moyenne, près d’un adulte sur dix consomme de l’alcool quotidiennement (9 % des 18-75 ans), avec une surreprésentation nette chez les hommes (14 % contre 5 % pour les femmes). Les personnes de plus de 65 ans sont les plus concernées par la consommation quotidienne.

Chez les plus jeunes, si la consommation régulière diminue, les ivresses ponctuelles explosent : près d’un lycéen professionnel sur deux déclare avoir déjà été ivre au moins une fois dans sa vie. L’ivresse ponctuelle importante (plus de 5 verres en une occasion) devient la norme lors des fêtes ou des sorties, particulièrement chez les jeunes hommes.

L’alcool, moteur des violences

La note de l’OFDT consacre une section entière aux liens entre alcool et violences. Sans surprise, près d’un quart des auteurs d’homicides ou de coups et blessures volontaires sont sous emprise de l’alcool au moment des faits. Le phénomène est aggravé par la banalisation des consommations festives et par l’association fréquente avec d’autres produits comme le cannabis, les benzodiazépines ou la cocaïne.

Dans le cadre conjugal, l’alcool joue aussi un rôle dramatique : dans près de 30 % des homicides conjugaux recensés, l’un des protagonistes était alcoolisé.

Selon les dernières estimations disponibles, le coût social de l’alcool dépasserait 100 milliards d’euros par an. Ce chiffre, rarement évoqué dans les médias dominants, inclut les dépenses de santé, de justice, de sécurité, de perte de productivité et d’années de vie perdues.

Pourtant, les politiques publiques restent frileuses, voire complices, face au lobby de l’alcool, toujours puissant dans un pays où vin et champagne sont au cœur du marketing identitaire. Les campagnes de prévention restent timorées, et la taxation de l’alcool n’a pas évolué de manière significative depuis des années, contrairement à celle du tabac.

Une sobriété en trompe-l’œil

Certes, les chiffres globaux montrent une baisse de la consommation moyenne annuelle d’alcool pur (de 12,7 litres en 2000 à 10,5 litres en 2022 par habitant), mais les inégalités sociales de consommation s’accentuent : les publics les plus fragiles socialement sont aussi ceux qui consomment le plus et subissent les dommages les plus lourds.

L’étude note également une hausse préoccupante de la consommation féminine, autrefois marginale : chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans, la fréquence des ivresses rejoint désormais celle des hommes.

Alors que l’OFDT tire la sonnette d’alarme, la France continue de traiter l’alcool avec une indulgence coupable, entre attachement culturel et poids économique. La guerre contre la drogue semble parfois ne viser que les substances illégales, alors même que la drogue la plus meurtrière est parfaitement légale, vendue partout, promue dans les publicités et tolérée dans les cercles de pouvoir.

Pourtant, comme le rappelle la conclusion de la note : « Réduire la consommation d’alcool en population générale est un levier majeur pour améliorer la santé publique et réduire les inégalités sociales de santé. » . Mais tout comme les anti-dépresseurs, ou la drogue, l’alcool permet de maintenir un peuple sous clé. Peut être pour cela que les autorités n’ont jamais réellement pris le problème à bras le corps ?

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2022-5, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Sociétal

Cocaïne : la France bascule dans l’ère du « tsunami blanc »

Découvrir l'article

Santé

Santé – Menopause, arthrose, toux chronique : la revue Prescrire élargit sa liste noire de médicaments « à éviter »

Découvrir l'article

Santé

Vaccins Covid et décès d’enfants : une note interne de la FDA américaine relance la controverse

Découvrir l'article

Santé, Sociétal

Étude choc – les tatouages augmenteraient de 29 % le risque de cancer agressif de la peau

Découvrir l'article

International

Débat en Écosse : un rapport sur la réforme de la loi sur l’avortement ravive les tensions politiques et éthiques

Découvrir l'article

International

Allemagne : les drogues du viol désormais assimilées à des armes dans les enquêtes

Découvrir l'article

Santé

Vos os se souviennent des cigarettes que vous avez fumées

Découvrir l'article

GUINGAMP

Guingamp : le petit Wyatt, un nouveau symbole des conséquences des maternités qui ferment en Bretagne

Découvrir l'article

Santé, Sociétal

Une nouvelle étude démontre qu’aucune quantité d’alcool n’est sans risque pour le cerveau

Découvrir l'article

Economie, Santé

Vers une génération sans tabac ? Un député écologiste veut interdire la vente de cigarettes aux personnes nées après 2014

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky