Nantes. Les trois mousquetaires : LFI et les autres…

Une métropole comme Nantes possède une sociologie bien particulière. D’où une multiplication des listes d’extrême gauche. Souvent sans espoir d’obtenir des élus mais pour témoigner…

Nantes est une ville formidable : actuellement, quatre listes d’extrême gauche sont en préparation pour les élections municipales de mars 2026. Notons tout de suite que cela signifie trouver 276 candidats (69 x 4)… et de l’argent. A tout seigneur tout honneur commençons par LFI. Les têtes de liste sont connues : William Aucant, conseiller régional des Pays de la Loire, et Erika Cadersah, une « activiste antiraciste et décoloniale » d’origine guadeloupéenne arrivée à Nantes en 2019 ; ils incarnent, disent-ils,  « l’alternative populaire, écologique et sociale dont Nantes a besoin ». Pour ce faire, ils porteront  « un projet de rupture » contenant plus de 650 propositions issues pour la plupart « des quartiers populaires » (Presse Océan, vendredi 10 octobre 2025) Mais l’entente au sein du binôme n’a pas duré longtemps. En effet depuis la placardisation de Marina Ferreruela, il paraît que « William est enclin à un sentiment de paranoïa et voit partout des gens voulant le remplacer. De fait, il ne laisse que très peu de place à Erika Cadersah, dont la désignation a pourtant suscité l’enthousiasme chez les militant(e)s insoumis. » Voilà ce qu’explique “une voix en interne“. Quant à la « décoloniale », elle prévient : « J’ai du caractère. S’il y a des choses à régler, je le ferai. Je ne suis pas une femme qui a peur de quoi que ce soit. » (Presse Océan, mercredi 26 novembre 2025) Il règne donc une “bonne ambiance“ dans le binôme…

Le retour de la reine Margot

A coup sûr, les choses se compliquent depuis que Margot Medkour évoque la création d’une liste autonome; nous avons affaire à une revenante qui avait dirigé en 2020 une liste intitulée « Nantes en commun » (6 479 voix, 8,95 %) ; ce mouvement “citoyen“ était soutenu par les Insoumis. Evidemment, ce résultat empêchait la “citoyenne“ d’être présente au second tour. Au soir de ce premier dimanche (15 mars 2020), Julie Laernoes (EELV, 14 181 voix, 19,58 %) avait proposé une alliance à trois avec Johanna Rolland (PS, 22 713 voix, 31,36 %). “ Johanna Rolland n’y est pas hostile. « Impossible », réplique Medkour. Laquelle considère que cette élection sous coronavirus « n’a pas de sens » (61,32 % d’abstention à Nantes) “ (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 16 mars 2020) Son discours a le mérite de la clarté : « Nous ne ferons pas d’alliance. On ne veut pas participer à une majorité  avec Johanna Rolland. Nos projets sont trop incompatibles. On ne peut pas travailler ensemble. » (Presse Océan, lundi 16 mars 2020) En 2025, avec le collectif “Nantes populaire“, elle annonce des propositions fortes comme la mise en place d’une « agence municipale du logement » chargée  d’instaurer le plafonnement des loyers. D’où une liste autonome : « On est là pour faire bouger les lignes et faire avancer la bataille des idées », réplique-t-elle (Presse Océan, vendredi 5 décembre 2025). Il ne restait plus qu’à lancer l’opération. « On a besoin d’une rupture franche, claire et sans compromission avec la politique menée par Johanna Rolland depuis 2014 (…) Il est clair qu’on ne fusionnera pas au second tour avec l’équipe de Johanna Rolland et des écologistes », insiste Margot Medkour lors de l’annonce de la participation du collectif “Nantes populaire“ aux élections municipales (Presse Océan, vendredi 12 décembre 2025).

Les trotskistes sont toujours présents

Voilà une concurrence redoutable pour la liste « la Nouvelle Nantes »(LFI) car les deux programmes se ressemblent fort et s’adressent évidemment à la même clientèle. William Aucant ne peut que botter en touche : « Il n’est plus à démontrer que LFI est l’incarnation nationale, et locale, de ce qu’est la gauche de rupture », mais, comme il ne faut pas insulter l’avenir, on rappelle que LFI a « vocation à réunir toutes les personnes qui souhaitent un vrai changement de cap » (Presse Océan, vendredi 5 décembre 2025)

Une autre complication pour LFI surgit avec l’annonce d’une liste présentée par le NPA-Révolutionnaires ; nous avons affaire à une famille trotskiste, distincte du NPA-anticapitaliste de Philippe Poutou et Olivier Besancenot qui se sont alliés avec LFI. En effet, suite à une scission et des démêlés judiciaires, la marque “NPA“ appartient à deux groupes différents (désaccord sur la stratégie). Faute d’avoir pu trouver un accord « au niveau national avec Lutte ouvrière », Sarah Ferron et Alexandre Gauvin vont donc monter une liste ; ils placent cette élection municipale sous le signe de l’affrontement « contre la droite et l’extrême droite, mais aussi la gauche gestionnaire, qui a abandonné les milieux populaires depuis longtemps » (Ouest-France, Nantes, mercredi 3 décembre 2025). Une précision importante : « Même si on travaille parfois sur des sujets en commun, on est radicalement différent des Insoumis », précise le tandem (Presse Océan, mercredi 3 décembre 2025) Rappelons qu’en 2020, une liste NPA « Anticapitalistes et révolutionnaires ! » conduite par Riwan Chami avait obtenu 638 voix (0,88 %). Ce dernier avait eu ce commentaire amusant : « Si l’on ajoute les voix de LO, l’extrême gauche est autour de 2 % sur Nantes, ce qui démontre qu’il y existe une volonté d’alternance, ici comme dans le pays d’ailleurs. » (Presse Océan, lundi 16 mars 2020)

Les 10 % feront le ménage

Bien entendu, les militants de Lutte ouvrière (autre famille trotskiste) présenteront une liste. Ces gens organisés et sérieux, très présents dans les entreprises – souvent en tant que délégués syndicaux Force ouvrière -, possèdent les moyens humains et financiers (cotisations des militants) pour participer à cette élection municipale à Nantes. En 2020, leur liste « Faire entendre le camp des travailleurs » conduite par Nicolas Bazille avait obtenu 442 voix (0,61 %). Lequel soulignait le travail militant : « Nous avons, il est vrai, fait un score modeste, mais ce n’est pas rien. Et cela comptera pour l’avenir. On a fait le boulot malgré la faible ou l’absence d’exposition médiatique. Nous avons rencontré beaucoup de Nantais dans les quartiers et cela va compter. » (Presse Océan, lundi 16 mars 2020). Rebelote en 2025. « Notre liste peut permettre un sursaut de dignité pour lutter contre ce patronat féroce qui nous entraîne vers la guerre. Leur seule préoccupation est de défendre leurs intérêts », expliquent Hélène Defrance et Nicolas Bazille. Ils ajoutent : « Ce qui compte, c’est que les travailleurs découvrent nos idées, qu’ils voient qu’on a les mêmes problèmes (la précarité, les petits salaires) et les mêmes intérêts Notre liste compte 69 noms, que des travailleurs et des retraités fiers de défendre ces idées (Presse Océan, samedi 13 décembre 2025)

On peut donc considérer qu’à Nantes, en ce moment quatre listes d’extrême gauche sont sur la ligne de départ pour ces élections municipales, ce qui ne peut qu’inquiéter les cadors de LFI qui croyaient certainement bénéficier du monopole de la clientèle “gauchiste“ et franchir la barre des 10 %, ce qui permet d’accéder au second tour et d’obtenir quelques élus. Cela dit, Aucant et ses copains peuvent se baser sur les élections européennes (9 juin 2024) où la liste conduite par Manon Aubry s’était classée deuxième à Nantes (16 373 voix, 15,42 %), derrière celle dirigée par Raphaël Glucksmann (25 234 voix, 23,77 %). Mais, à ces élections municipales, il ne sera pas possible de compter sur l’effet Nupes ou Nouveau Front populaire qui avait permis l’élection de Ségolène Amiot (LFI) et d’Andy Kerbrat (LFI).

La « rupture » risque de ne pas payer

Cette multiplication des listes inquiète Andy Kerbrat. Il y a donc urgence de tenter une médiation : « Les positions de Nantes populaire sont très proches des nôtres, on ne va pas se mentir. Les gens ne comprendraient pas que l’on n’essaie pas de s’entendre ». Et d’ajouter : « Si Margot Medkour se lance dans la campagne de son côté, c’est suicidaire pour notre bloc politique qui incarne la gauche de rupture. Ce serait une défaite pour elle, comme pour nous. A la fin, elle ne fera pas 10 %. Et nous pareil. » (Presse Océan, mardi 2 décembre 2025) Dix jours plus tard, Margot Medkour annonce qu’elle va déposer une liste… « A quoi sert une candidature de rupture de plus pour les classes populaires », interroge William Aucant (Presse Océan, mardi 2 décembre 2025). Il le saura au soir du premier tour (15 mars)… Il saura si la thèse multiculturaliste, défendue par Jean-Luc Mélenchon, de la « nouvelle France », c’est-à-dire un « peuple urbain et créolisé » est plus payante que la “lutte des classes“… En attendant, si la liste de William Aucant ne parvient pas à obtenir des conseillers municipaux, Johanna Rolland (PS) ne pourra que s’en réjouir… et remercier Margot Medkour pour sa collaboration efficace !

Bernard Morvan

Crédit photo : Selbymay/Wikimedia (cc)
[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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