Faut-il continuer à étudier l’histoire romaine ? [tribune libre]

Si l’on regarde les programmes des écoles, collèges et lycées on peut s’alarmer. Depuis vingt ans au moins, l’histoire de Rome (comme celle des cités grecques) est réduite à la portion congrue. Au terme de leur parcours scolaire, les élèves (coupés de tout apprentissage, même élémentaire, des langues anciennes) n’auront en tête que quelques personnages, des rares monuments, de tous petits tronçons d’œuvres littéraires. De quoi prendre pour argent comptant les néo-péplums importés des « States »…

Avec tout le risque de côtoyer l’anachronisme, il existe bel et bien des similitudes ou plutôt des points d’accord entre l’histoire de Rome, étirée sur un millénaire et celle de l’Europe après 843 (traité de Verdun). De la dislocation de l’empire carolingien naît la configuration actuelle de notre continent qui ne connut plus jamais de réunion impériale de ses parties, à l’exception de l’essai non transformé de Napoléon (1799-1814) et de celui, encore plus court et catastrophique du Reich national-socialiste.

Paru en 2013, l’essai de l’historien belge David Engels, « La crise de l’Union européenne et la chute de la république romaine. Quelques analogies » a fait un certain bruit. Un travail sans doute inabouti, à cause même de son érudition, mais stimulant en diable. Sur un mode plus raisonné, il en est de même pour cette toute fraîche biographie de l’empereur Hadrien écrite par Joël Schmidt  (Perrin). Un travail savant mais plaisant à lire qui puise aux sources avec de longues citations des auteurs anciens.

Successeur de Trajan qui l’avait adopté et choisi, Hadrien régna de 117 à 138. Mettant un terme aux conquêtes, il s’employa à consolider l’immense conglomérat soumis à la « pax romana ». L’empire romain avait vocation « universelle», il s’étirait de l’Ecosse à l’Irak en passant par la Roumanie, l’Egypte et le Maroc. Avec cette difficulté majeure de soumettre une multitude de peuples à la règle commune, sans trop les spolier, sans trop les châtier. Et cela en usant moins de l’outil militaire qu’on l’a dit. L’armée romaine était d’un format restreint et sa seule présence ne suffisait pas à garantir la tranquillité de l’empire. Il fallait convaincre, séduire. Ce qui fut le plus souvent le cas en Gaule, en Germanie, en Espagne, dans les Balkans, en Syrie et même en Egypte et en Afrique du nord. Seuls les Juifs payèrent cher leur refus de Rome : Hadrien les réprima en 133, rasa Jérusalem pour fonder à sa place Aelia Capitolina

Cet empereur, polyglotte, admirateur de la pensée grecque, se voulait ouvert à toutes les cultures qu’il étudiait dans le détail, avant même de les frapper ou de les persécuter comme il le fit pour les chrétiens. Le paradoxe est là et Schmidt s’y arrête longuement.

Si l’histoire romaine est aussi essentielle pour notre temps c’est que pour la première fois elle propose une règle universelle codifiant le « vivre ensemble » avec les risques d’en périr. Le règne d’Hadrien, écrit Paul Veyne « fait passer l’Empire d’une hégémonie romaine (ou italienne) à un empire unifié, œcuménique… ». Comme la Rome du IIème siècle, l’Europe a elle aussi engagé une terrible mutation. Elle a tout à perdre dans son état actuel de conglomérat marchand régi par un conseil d’administration irresponsable. Le retour à l’empire s’impose, du moins si l’on entend redonner force à tout ce qui constitue son génie originel. Les choix d’Hadrien nous donnent à réfléchir.

 Jean HEURTIN

Photo : Brigitte Boudier/Wikimedia (cc)
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