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Solitude en baie d’Audierne [chronique]

Il est des tempéraments comme le mien que la compagnie des autres ennuie vite. Vanité des conversations, vanité de dire qui l’on est, vanité d’être estimé pour ce que l’on est et vanité d’estimer nous-mêmes l’altérité par travers d’orgueil ou incapacité à comprendre cette même altérité.

Quand on est atteint de ce syndrome de solitude qui ne confine pas toujours à la misanthropie mais plutôt à un besoin impérieux d’être avec soi parce que l’on aime son intériorité, on recherche assez naturellement une retraite «spirituelle», un lieu dans lequel on recouvrera une certaine sérénité.

Alphonse Daudet se claquemurait dans son Moulin provençal (et même une fois au phare des Sanguinaires*) pour noyer sa déréliction, se redonner la force d’affronter le monde mesquin qui l’entourait (en dehors de sa famille); sa joie, là-bas, c’était de s’oublier pleinement, se fondre dans une nature qui lui faisait oublier qu’il était un animal pensant et souffrant…redevenir léger quand la vie passe son temps à nous lester de plomb.

Sur la fin de sa vie, Clemenceau, en vieil homme désabusé et usé par une existence remplie de combats politiques et d’honneurs, ne supportait plus la vue de ses contemporains. Il eut aussi la lucidité d’admettre du fin fond de sa Vendée que l’opinion publique d’alors devait partager son sentiment « au lieu de parler à mes contemporains qui ne m’ont que trop entendu, je converse avec des herbes, des fleurs, la mer, avec la brise parce qu’il n’y pas d’examen et que chacun se comprend sans parler».

J’ai pris ces deux exemples de grande solitude assumée au hasard d’une humanité qui en compte tant pour vous amener à l’échelon incongru de ma modeste solitude. J’aime la ressentir à pleins poumons en Baie d’Audierne.

De ma Touraine j’y vais pour les vacances, avec la joie rentrée de me dire que les flux de vacanciers parisiens poussent rarement la guimbarde jusqu’en pays bigouden, ils se dispersent bien avant, dans le golfe du Morbihan pour la plaisance, obliquent vers Rennes, s’en vont dans les Côtes d’Armor où le TGV donne argument à bon nombre de Franciliens d’y faire un peu de villégiature.

Je n’ai rien contre le Francilien, après tout ce malheureux apatride n’est bien souvent qu’un déraciné qui revient à la terre de ses origines quand il le peut, c’est seulement que je préfère la Bretagne autochtone.

Durant mon séjour, les Bigoudens, je ne ferai que les saluer dans les commerces, échanger à l’extrême rigueur une politesse, un propos aimable de circonstance, c’est tout. Je suis chez des gens de caractère, qui travaillent dur pendant que je farniente et puis le fossé culturel est grand mais c’est ce que j’aime, on peut aimer les gens rien qu’à les regarder, s’y sentir bien sans faire partir de leur communauté, c’est ce que je ressens quand je vais à Treogat.

La merveille de Treogat ce sont les marais de Trunvel, préservés par le conservatoire du littoral qui gère cette zone humide depuis qu’elle l’a rachetée. Les amateurs d’ornithologie pourront peut-être un jour de chance surprendre dans sa roselière le fameux phragmite, petit oiseau en voie d’extinction qui aime se reposer sous cette latitude avant de repartir en automne pour l’Afrique du Nord. La promenade côtière aménagée de concert par les agents du conservatoire et les membres d’une association locale fend la roselière qui ourle la baie de Plovan à Treogat, l’immersion est totale, des petites passerelles enjambent les eaux stagnantes jusqu’aux observatoires aux oiseaux. Seule tache dans ce tableau de nature, les déchets immondes que laisse derrière elle une minorité de surfeurs décérébrés, avides de consommer leurs vaguelettes et de pique-niquer comme des gorets sur le haut des galets. Certes, la mer charrie à chaque marée son lot de plastiques mais elle est loin d’être l’unique fautive. Qu’on se rassure tout de même, le civisme de bien des badauds et des locaux, la vigilance du conservatoire qui a aménagé des points de ramassage à déchets empêchent la baie d’Audierne de tourner au cloaque, la fréquentation d’un tourisme confidentiel est aussi son premier garde-fou.

Sur l’estran de Treogat à chaque vacances de printemps, je m’équipe caméra au poing puis pars pour des prises sur le vif, avec la lumière, le temps et l’humeur du moment. J’y tournerai le clip qui agrémentera mon dernier titre. Juste avant, un petit rituel cliché, ouvrir ma cage thoracique, étendre les bras et respirer très fort.

Antoine

*Phare bâti sur l’archipel des Sanguinaires qui marque l’entrée du golfe d’Ajaccio

 

Crédit photo : Jean-Louis Potier/Flickr (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine. 

 

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