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Saint-Brieuc. Le cours d’Armor, un projet d’école hors-contrat à la rentrée

23/05/2016 – 07H00 Saint-Brieuc (Breizh-info.com) – L’association Le Cours d’Armor va ouvrir une école hors-contrat pour la rentrée scolaire 2016-2017, à Saint-Brieuc. L’initiative – portée par François Chabanel – est encouragée par La Fondation pour l’école.  Le projet est né il  y a deux ans dans l’esprit de ce passionné, ingénieur, professeur agrégé de mathématiques, brillant enseignant, ayant exercé dix-neuf ans à différents niveaux du secondaire et du supérieur.

Devant le manque de motivation de trop nombreux élèves et la confusion des programmes et pédagogies en vigueur, il a réfléchi à d’autres modalités d’enseignement possibles et a démissionné de l’institution, persuadé que « pour faire du vin nouveau il faut des outres neuves ». Les récents souhaits de Najat Vallaud Belkacem, ministre de l’Éducation nationale et d’Eric Ciotti (LR) de restreindre les possibilités d’école hors-contrat ne le feront d’ailleurs pas reculer.

Photo François Jardin

François Chabanel, professeur du cours d’Armor

François Chabanel – qui recherche actuellement des fonds afin de permettre aux familles de limiter les frais annuels de scolarité, estimés à 3500 euros – compte mettre en place une formation allant de la sixième à la seconde. Une formation qui – et c’est là aussi son originalité, ne se réclame pas des traditionnelles pédagogies que l’on retrouve souvent dans les écoles hors-contrats, de Montessori à Steiner en passant par les écoles catholiques traditionnelles.

Le professeur et porteur de projet – que nous avons rencontré – souhaite en effet proposer une nouvelle approche, innovante, de la scolarité de niveau collège. Il serait en effet le seul instituteur et professeur au sein d’une classe multi-niveaux, allant de la 6ème à la seconde. « Dans plusieurs pays, et notamment en Italie ou en Allemagne, des professeurs de collège enseignent plusieurs matières et cela se passe très bien » nous confie-t-il. Pour permettre la réussite et l’épanouissement de chaque élève, le nombre total est limité à 16 pour une année scolaire, qui se retrouveront dans les locaux de l’association, mis aux normes pour accueillir un public scolaire. Des locaux situés 2 rue Emile Souvestre, à Saint-Brieuc.

Voici comment se présenteront les principaux enseignements :

  1. Les mathématiques, le français et l’anglais seront enseignés sous forme de modules permettant à l’élève, d’une part d’aller à son rythme et d’autre part de savoir sur quel point concentrer son effort à un moment donné.
  2. L’histoire sera enseignée chronologiquement.
  3. Dans l’ensemble des matières, on insistera sur l’importance de la mémorisation de données factuelles (définitions, structure du cours, vocabulaire, poésies, auteurs etc.).
  4. Les élèves seront fréquemment amenés à préparer des exposés en groupe.
  5. On invitera régulièrement des intervenants extérieurs de tous horizons à partager leur passion et leur expérience
  6. On proposera comme LV2 : l’Espagnol, L’Allemand, le Russe

A la question que nous avons posé à François Chabanel, de savoir si un professeur agrégé de mathématiques pouvait parvenir à enseigner aussi bien le Français que l’Histoire-Géo ou les Sciences Naturelles à des scolaires, ce dernier répond : « aujourd’hui, la spécialisation de chaque professeur sur une seule matière au collège comporte des inconvénients, dont sans doute une ouverture d’esprit moindre. Un enseignant polyvalent de collège, comme je souhaite mettre en place, se doit d’être curieux, pédagogue, et d’intéresser les élèves à toutes les matières pour assurer leur réussite ».
Pour l’enseignement d’histoire – François Chabanel compte se servir du livre en cours d’éditions de Dimitri Casali – auteur déjà remarqué d’un Altermanuel d »Histoire de France qui souhaite redonner à cette discipline majeure ses lettres de noblesses, souvent écorchées par les nouveaux programmes officiels.

Afin de couvrir les frais de scolarité, le Cour d’Armor lance un appel à des mécènes intéréssés par ce projet pédagogique, mais aussi à des donateurs particuliers : plus les dons seront élevés, moins les familles auront à supporter le coût de la scolarité hors contrat. Les dons ouvrent par ailleurs droit à déduction fiscale, l’association étant reconnue d’intérêt général.

Une bonne dizaine de familles sont intéressées, certaines d’entre elles n’ayant pas les moyens financiers suffisants pour payer les 3500 € annuels de frais de scolarité et d’autres ont pris contact : « le Cour d’Armor ouvrira quel que soit le nombre d’élèves inscrits pour la première rentrée » indique François Chabanel, qui est prêt « à attendre un peu pour pouvoir me rémunérer correctement ».

M. Chabanel est par ailleurs en train de rédiger un livre dans lequel il explique sa démarche, courageuse, qui a consisté à démissionner de l’Education nationale (et à perdre tous ses avantages en tant que fonctionnaire d’État) pour enseigner autrement aux élèves. En voici, ci dessous, un extrait :

« La classe de première S m’attend. Ils sont joyeux, contents d’être ensemble. Quelques-uns font les fous dans le couloir. Certains collègues ne supportent pas ça ou le supportent de moins en moins. Quant à moi, je supporte de plus en plus. Je dirais même que ça me fait du bien. L’enseignement qu’on leur délivre est inadapté et globalement inintéressant et nos évaluations sont devenues totalement hypocrites, alors s’ils peuvent se ménager quelques fenêtres de joie toute simple, cela me réjouit. Je peste souvent intérieurement contre les programmes car ils n’apportent rien à la majorité des élèves. Cependant, lorsque je suis sur le point d’entrer en classe, je tente d’oublier tout ça, je me rappelle que j’aime expliquer et faire découvrir. J’entre alors en scène aussi vaillamment qu’un fantassin sort de sa tranchée.

Nous en sommes à corriger les premiers exercices sur ce fameux « produit scalaire ».  Je fais un petit tour dans la classe. Presque la moitié d’entre eux n’a rien cherché à la maison. Trop dur ! Pas eu le temps ! On prépare l’oral du bac blanc de français !

Nous sommes dans une classe de première S dans l’académie de Rennes, une des académies qui se vante d’être à la pointe de la réussite au bac. Je me souviens de l’année des manifs anti CPE. Les élèves avaient manqué quasiment deux mois de cours. Les résultats au Bac avaient été aussi bons que d’habitude. Dans le journal Ouest-France, le journaliste félicitait les élèves qui malgré les difficultés de l’année, avaient accompli un courageux travail en rattrapant deux mois de cours. Personne ne s’était interrogé sur la valeur du Bac.

Je dis aux élèves que s’ils démarrent ce chapitre en travaillant aussi peu, rien ne sera acquis lorsque je ferai une interro.

Un premier élève envoyé au tableau applique correctement les principes de base. Un autre lève la main :

« Pourquoi il trouve 1 à la fin ? »

« Regarde la ligne précédente : 2 x 0,5. Cela t’étonne que 2 x 0,5 ça fasse 1  »

La calculatrice est mise dans leur main et ne les quitte plus depuis le CM2. Voilà le résultat !

Les élèves cherchent ensuite chacun de leur côté d’autres exercices. Je passe auprès d’eux. J’aime tenter de me faire une petite place dans le cerveau de chacun. J’espère en agissant ainsi faire la remarque qui fait mouche et déclenche un petit déclic. Je n’attends pas forcément que l’élève soit en mesure d’accomplir tout le cheminement. D’ailleurs, que l’élève parvienne à reproduire la rédaction d’un exercice sans ne rien y comprendre est un objectif qui ne m’intéresse pas. Par contre, si une discrète allusion de ma part l’aide à y voir plus clair sur les objets qu’il manipule, contribue à leur donner du sens dans son esprit, alors là je suis satisfait.

A vrai dire, j’ai tout de même appris une certaine modestie. En début de carrière, je pensais vraiment que mon grand enthousiasme et ma grande sympathie pour les élèves me rendraient capable de rentrer dans leur cerveau au point de comprendre leurs blocages et de pouvoir y remédier. Petit à petit, j’ai pris conscience du fait que les choses ne sont pas si simples, qu’un esprit peut être encombré de blocages dont je n’ai pas idée.

Ceci dit, même si mes ambitions pédagogiques sont moins utopiques qu’en début de carrière, je conserve intacte cette joie de présenter une notion nouvelle pour les élèves de manière claire, progressive et structurée.

Les programmes me posent tout de même de sérieux soucis. Je vois en effet à quel point ils sont hypocrites. Comment par exemple aborder la fonction exponentielle avec des élèves qui n’ont même pas la notion de quantité, de multiplication et encore moins la notion de fonction ?

Il faut le dire, un concept comme celui-là n’a rigoureusement aucun intérêt pour une proportion non négligeable d’élèves. Pas étonnant qu’ils n’aient pas envie de se livrer à une gymnastique qui ne prend aucun sens. Ce qui me perturbe le plus dans tout ça, c’est qu’une fois qu’ils planchent sur un sujet de Bac, l’énoncé se charge d’être suffisamment dénué de sens pour que finalement chacun puisse grappiller des points pour le fameux examen.

C’est très grave. L’élève, voyant qu’il a eu bon, pense qu’il a compris quelque chose alors que ce n’est pas le cas du tout. Autrement dit, ces sujets distordent la notion même de « compréhension ». Les sujets d’examens portent avec eux cette tromperie.

Un élève tout à coup me pose une question révélant qu’il n’a absolument rien compris et qu’il est bien loin d’y comprendre quoi que ce soit. Cela arrive à chaque séance sur un peu tout  type de sujet. Les maths sont impitoyables et les programmes sont pitoyables. Pas étonnant que certaines interventions puissent paraître délirantes.  C’est notre prouesse « à la française » de maintenir vaille que vaille dans la barque, dans des zones de plus en plus agitées, des élèves qui depuis longtemps ont le mal de mer et ne profitent plus du tout de la traversée. En Angleterre,  à peine 40% des élèves continuent à faire des maths au lycée. En France, c’est un principe intangible : on fait des maths. Si l’élève n’en veut plus, s’il n’en peut plus. Tant pis, il faut avancer. Mieux encore, il faut faire mine d’avancer. C’est plus efficace. Au menu du lycée : fonctions, trigonométrie, probabilités, suites, statistiques, fonctions dérivées, primitives et intégrales, fonctions exponentielle et logarithme etc.

On devrait dire : vernis sur les fonctions, notions de trigonométrie survolées, vocabulaire savant de probabilité pour résoudre, armé de sa calculatrice, des exercices de niveau CM2 prenant des allures de mathématiques de haute volée, situations pseudo concrètes mettant en jeu des suites qui pourraient avoir un intérêt si on n’utilisait pas systématiquement la calculatrice, acquisition d’automatismes sur les calculs de dérivée, de primitives et d’intégrales évacuant rapidement le sens profond et difficile de ces concepts, mascarade dans laquelle nos deux héroïnes « exponentielle » et « logarithme » notées aussi « exp » et « ln » peuvent être fantasmées par l’élève de bien des manières sans que cela n’ait de réelles conséquences sur la réussite aux exercices. ln serait-il un nombre mystérieux ? Ou bien l’écriture SMS du prénom « Hélène » ?   

En ce qui me concerne, je n’aime pas faire mine. J’aime enseigner. Dans cette classe de première, il y a des choses qui passent. Avec le théorème d’Al Kashi que je présente aujourd’hui j’impressionne tout de même certains élèves. Deux côtés d’un triangle et la mesure d’un des angles et hop ! Je peux calculer la mesure du troisième côté. Puissante formule ! »

Pour soutenir le projet et apporter une contribution financière, c’est ici

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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