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Des commerçants de Bouvron (44) : « tout ne décline pas, mais on a un immense sentiment d’abandon »

26/10/2017 – 06H00 Bouvron (Breizh-info.com) – L’article que nous avons écrit fin août sur la situation de Bouvron, bourg du centre-nord de la Loire-Atlantique situé sur la RN 171 entre Blain et Savenay, et son déclin commercial, a suscité beaucoup de réactions. Surtout, il a eu le mérite de rouvrir le débat dans cette commune un peu endormie dont le maire et conseiller général PS, Marcel Verger, s’est fait réélire en 2014 sans opposition… mais avec 45% de bulletins blancs et la moitié du corps électoral aux abonnés absents.

Des quatre coins de la commune, par divers canaux, nous avons eu de nombreuses réactions. Des habitants s’élèvent contre le laisser-aller général de la commune, qu’on peut voir d’ailleurs à peu près partout : les rues sont défoncées, le patrimoine rural (croix, puits, fours) n’est guère entretenu – alors que Campbon, Blain et ses villages ou Fay-de-Bretagne en prennent soin – les mares communales seraient vides, le coin du mur entre la chapelle Saint-Julien et la route a pris un gnon et se dégrade, le cœur ouvert entre les pierres, les herbes folles poussent dans le cimetière – pour cause d’amélioration de l’écologie, la déchetterie est ouverte à tous vents et ses abords une décharge… même les camions de la commune auraient plus que besoin d’un petit coup de peinture. Çà tombe bien, le vert est à la mode.

Dominique Birgand : « Trouvez-moi une pharmacie du coin qui a un robot ! »

Dans la pharmacie, située sur la route de Fay face à l’abribus, au bout de la place, la première chose qui saute aux yeux, c’est l’immense robot qui range, trie et livre les médicaments au bout de son toboggan derrière le comptoir. Dominique Birgand, le pharmacien, refuse énergiquement l’idée que son commerce décline. « Trouvez moi une pharmacie du coin qui a un robot ! », clame-t-il avec une fierté légitime. « Je l’ai installé il y a trois ans et à l’époque j’étais le dixième en France à mettre en place ce modèle. C’est quand même extraordinaire, il classe, range, retire les médicaments périmés, et on peut toujours être en contact avec le client, ce qui est tout de même notre travail ».

Il nuance cependant : « toutes les pharmacies ont un peu de mal, car le désert médical progresse ». Certes, avec trois médecins, Bouvron n’est pas vraiment dans la situation du Centre-Bretagne ou du centre de la France, mais ce nombre est un trompe l’oeil, explique le pharmacien. « Il y a deux médecins qui sont associés, donc quand il y en a un qui exerce, l’autre n’est pas là. Et il y en a un troisième qui n’est jamais vraiment là. Donc on a trois médecins théoriques, mais en pratique, c’est un et un quart ».

Moins de médecins, donc moins de prescriptions, et moins d’ouverture : « depuis des années je ferme le samedi, et depuis 2001 le mercredi après-midi parce qu’il n’y a aucun médecin qui travaille ». Par ailleurs, « la population vieillit et s’appauvrit. Elle a moins de moyens pour aller au médecin, à la pharmacie, à la supérette – qui d’ailleurs a fermé ». Et la déviation – qui devrait être achevée en 2020 – l’inquiète : « l’été, la clientèle de passage sur la nationale, c’est jusqu’à 5% de mon chiffre, alors qu’une pharmacie, c’est pourtant un commerce vraiment pour les locaux. Avec la déviation, ils ne passeront plus, ce sera autant de perdu ». Cependant, du potentiel il y en a, « ma pharmacie trouvera preneur, j’ai régulièrement des gens qui veulent l’acheter mais je refuse d’arrêter pour l’instant ».

« Le maire, c’est un pauvre type mais il y a personne en face »

Dominique Birgand est né à Bouvron. Ce qui n’est pas le cas du maire Marcel Verger, né à la Chevallerais. « Mais il pourrait avoir la curiosité de se renseigner sur sa ville au lieu de prendre des décisions qui démontrent qu’il n’y connait rien à rien. La salle Horizinc [polyvalente, à la sortie du bourg dans la direction de Savenay] a été construite sur une ancienne mare, ce que savaient les anciens. Dès qu’ils ont posé le plancher, ils ont du tout enlever et refaire car il y a eu des remontées d’eau », liste le pharmacien. « Le permis accordé au bout du bourg sur la route de Campbon l’était sur un terrain qui a accueilli un ancien garage, puis a été remblayé avec des vieilles ferrailles. Le terrain était rigoureusement inconstructible et tout le monde le savait… sauf l’acheteur et le maire ». La mairie a fini par acheter le terrain pour indemniser l’acheteur, qui avait fait beaucoup de foin mais n’a pas obtenu son permis de construire. La liste est longue…

« Le maire, c’est un pauvre type », tranche Dominique Birgand. « Le problème, c’est qu’il n’y a personne en face, personne qui veut s’organiser pour donner un autre avenir ». Il regarde le fond de la place, avec ses immeubles abandonnés, anciens – il y a même toute une pièce des XVIe-XVIIe siècles, conservée dans son état historique –, que la mairie veut faire raser pour les remplacer par des bâtiments écolos, et soupire. « Verger, quand il dit que ça sera un centre commercial, il rigole ou quoi ? Il y a des années, j’avais proposé que ça soit un cabinet médical. Il m’a dit devant tout le monde qu’il en était hors de question. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas lui qui a eu l’idée, c’est tout ».

Pour le pharmacien, « tout ne décline pas ici, mais on a un immense sentiment d’abandon. La mairie n’aime pas les commerçants, qui se sentent livrés à eux-mêmes ». Et manquent terriblement d’unité, contrairement à d’autres communes alentour où ils ont su se réunir et parler d’une même voix, par delà les dissensions et les intérêts particuliers – à Blain par exemple avec le CERB (Club des entrepreneurs de la région de Blain) créé en 2009. Le nouveau projet de la place – avec dix places de stationnement seulement devant (et dix autres derrière) alors qu’elle est censée accueillir la supérette – montre clairement que les commerçants ne se font pas entendre et que leurs intérêts ne sont pas pris en compte par la mairie.

« Dix places seulement, c’est de la folie », souffle un commerçant du village. « Si les gens n’arrivent pas à se garer devant, ils ne viendront pas. Puis à la supérette ils vont prendre des packs d’eau, des trucs encombrants… ce n’est pas pour les porter à bras plusieurs dizaines de mètres jusqu’à la minoterie ou le parking derrière l’église ». Il était venu à la réunion « participative » censée permettre aux habitants de réaliser le projet avec la mairie : « on avait bien compris que pour les places de parking, c’était décidé d’avance et on ne pouvait pas le changer ».

Pour Dominique Birgand, l’inimitié du maire envers les commerçants, ça s’explique. « Il se dit ingénieur, mais en fait il était inspecteur de la DSV ». Le service censé inspecter l’hygiène des locaux commerciaux (et des commerçants ambulants) ou des fermes, reconnu pour son esprit très tatillon, ses méthodes discutables et ses contrôles à géométrie variable. Ainsi, certains commerçants du marché de Saint-Joseph de Porterie, au nord de Nantes, y ont eu droit trois à fois dans l’année… tandis que d’autres n’ont jamais fait l’objet de l’attention de la DSV et il faut un jour de grosses chaleurs ainsi que la vigilance de leurs collègues pour découvrir qu’ils empoisonnent leurs clients.

« Il embêtait tellement les bouchers qu’un jour ils l’ont mis dans une remorque frigorifique et ils ont téléphoné à sa boîte pour leur dire de venir le récupérer sur la route de Rennes. Une autre fois il s’est fait enfermer dans une cave à Fay-de-Bretagne par un commerçant excédé ». Ce qui ne l’a pas empêché de profiter de la désunion des listes de droite pour devenir maire et y rester. Il a tenté sans succès de se faire investir député, cochant toutes les cases – socialiste, maire d’une commune rurale, écolo avec l’argent du contribuable, capable de parler tant aux partisans qu’aux opposants de l’aéroport puisque il est l’un des chefs de file des élus qui doutent de la pertinence du projet mais se garde bien de faire campagne dessus – mais n’est resté que conseiller départemental, réélu la dernière fois (alors que le maire centre-droit de Blain se voyait déjà à son siège… trop peut-être ?) en tandem avec une écolo.

Nombreux sont les commerçants qui déplorent que le maire ne vient pas les voir. Il ne vient guère sur le marché non plus, nous dit-on. Marché relégué sur la place de la Minoterie – plutôt que la place centrale au cœur du bourg qui serait plus logique – qui est l’ombre de lui-même depuis que la poissonnière ne vient plus. Cela dit, sans l’aide du maire, le projet de reprise du café-tabac (qui est devenu un tabac-bar-restaurant qui ne désemplit pas) n’aurait pas pu voir le jour, puisque la repreneuse n’aurait jamais pu décrocher des aides qui lui ont été fort utiles.

Dominique Gaudin (les délices du Fou du Roy) : « Non, on n’est pas en déclin, même s’il y a des problèmes »

Juste à côté, à l’emplacement ancien de la fleuriste, Dominique Gaudin est la gérante de l’atelier-épicerie fine Les délices du Fou du Roy. C’est un salon de thé, un atelier de fabrication de gâteaux nantais – près de 400 par semaines – et une boîte à idées pour redynamiser le bourg, primée d’ailleurs pour sa créativité par l’initiative « Mon commerce a des idées » de la CCI de Nantes –Saint-Nazaire au printemps 2016.

Installée primitivement dans la zone industrielle de Fay, à l’est du bourg, elle est venue à Bouvron ensuite. Elle salue l’ouverture du Bouvronnais : « ils sont motivés, c’est déjà très bien ! On en a besoin, comme on a besoin des deux autres bars » (L’Escale qui est aussi un PMU et le Bretagne qui fait restaurant à midi qui, eux, peinent à trouver un repreneur). Pour sa part, elle refuse l’étiquette de commune en déclin pour Bouvron. « Non, on n’est pas en déclin ! Je travaille avec des restaurateurs, des épiceries fines, j’ai des clients sur Nantes ! ».

Ou encore la laiterie toute proche : Bouvron semble cependant lui tourner le dos, alors qu’elle représente un gros potentiel. « Pas tellement parce que seuls 10% des ouvriers habitent ici, les autres viennent de loin, même des environs de Saint-Nazaire », nuance-t-elle. Cependant, « de tout le pays de Blain, il n’y a que deux communes ou bourgs qui ont des sites d’économie réelle, qui crée de la richesse au lieu d’en consommer – c’est à dire dans les secteurs primaires et secondaires », remarque un bouvronnais de passage. « Il y a Saint-Omer avec sa carrière et la ferme Péard, et Bouvron avec sa laiterie. Blain qui est le gros pôle local n’a pas d’usine : les plus gros employeurs sont les supermarchés qui vont se mettre à réduire à tours de bras avec l’automatisation dans leur secteur, on y arrive, et l’hôpital psychiatrique dont l’avenir est menace à moyen terme. Il n’y a plus d’industrie depuis la fermeture des abattoirs ».

Dominique Gaudin ne nie pas cependant que la commune rencontre des problèmes. Et que les commerçants n’arrivent pas toujours à se faire entendre de la mairie. « Pour les places de parking qu’ils veulent supprimer sur la nouvelle place, j’ai avisé la CCI », explique-t-elle. Sans avoir eu de retour pour l’instant. Elle essaie de relancer l’association des commerçants : « la CCI a un service pour ça, mais il faut qu’ils viennent dans la commune, trouvent une salle pour réunir les commerçants, bref ils ont besoin de l’autorisation du maire. Ils ont donc envoyé plusieurs courriers et ils n’ont jamais eu de réponse ». C’est dire…

Louis-Benoît Greffe

Crédit photo : DR
Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.

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2 réponses à “Des commerçants de Bouvron (44) : « tout ne décline pas, mais on a un immense sentiment d’abandon »”

  1. Désobligeant... dit :

    Sans vouloir commenter l’ensemble des éléments de cet “article”, si on peut l’appeler ainsi, il y a un sacré mensonge concernant les médecins de Bouvron. Il y a trois médecins, correspondant d’un point de vue du travail effectué (allez vérifier avant de publier des âneries), à DEUX médecins. Le reste n’en est pas moins désobligeant. Un travail de journalisme, ça ?

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