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Retour de Crimée, province ukrainienne ou russe ?

Le parti Russie Unie, единаи россиа, a invité en Crimée pendant 4 jours une importante délégation de journalistes venus d’Asie, d’Afrique et d’Europe. Une journaliste de Breizh-info était du voyage. Une occasion exceptionnelle de prendre le pouls d’une région dont l’appartenance est disputée entre la Russie et l’Ukraine. Rien de tel, en effet, que de se rendre sur place pour tenter de comprendre la réalité de la situation.

La Crimée vue du ciel. Crédit photo : DR

L’objectif de cette rencontre était de présenter la Crimée comme une province historique de la Russie. Pour United Russia, le parti de Vladimir Poutine, les Criméens considèrent leur province comme une province russe. Cette initiative a également permis de connaître l’opinion sur l’état du monde des journalistes des autres pays : Inde, Kenya, Afrique du Sud, République du Congo–Brazzaville, Vietnam, Italie, Slovaquie, Serbie, Portugal, France, Ouzbékistan.
L’élément le plus notable est la vision globalement partagée par les journalistes extra-européens. Très pessimistes sur l’avenir de l’Union européenne, ils ont au contraire une vision positive de la Russie car, d’après eux, elle respecte les droits des peuples de chaque pays et n’intervient pas dans leurs affaires intérieures.

Des journalistes venus du monde entier. Photo : Breizh-info.com

La Crimée, une province russe

Pour mieux comprendre la position de la Russie, quelques rappels historiques ne sont pas inutiles.
La Crimée, haut lieu de la mémoire russe, fait partie intégrante de la Russie depuis la grande Catherine II, en 1784. Cela a été confirmé par la paix de 1791, signée entre Russes et Ottomans. Par ce traité, la flotte russe a bénéficié de la libre circulation en mer Noire. L’impératrice russe Catherine II décida alors de construire le port d’Odessa, base militaro-navale stratégique sur la mer Noire, porte de la Méditerranée.
En 1953, Nikita Khrouchtchev, Russe originaire d‘Ukraine, successeur de Staline, décida de transférer la Crimée à l’Ukraine. Comme c’était alors un des États de l’Union soviétique, cela n’avait pas de conséquence immédiate sur la sécurité de la Russie. D’autant plus que la Russie conservait le contrôle du port de Sébastopol.
C’est l’éclatement de l’URSS dans les années 1990 qui va rompre cet équilibre avec la sortie de l’Ukraine du bloc soviétique et la volonté occidentale de la rattacher à l’OTAN. Aussi, dès 1992, le peuple de Crimée, à dominante russe, demanda son indépendance de l’Ukraine.

Palais Livadia, ancienne résidence d’été des Romanov, où ont été signés les accords de Yalta,. Photo : Breizh-info.com

Yalta. 04/11 février 1945 : Staline, Roosevelt, Churchill se partagent l’Europe… Photo Breizh-info.com

La révolution orange de février 2014, dite aussi révolution de Maïdan, va accélérer le processus. Le nouveau gouvernement issu de cette révolution soutenue par les USA et l’UE mettra en œuvre une politique hostile à la Russie. Conséquence pratique : l’interdiction, par exemple, de parler russe, la langue natale de la majorité des Criméens. Le non-respect du statut spécifique de la Crimée, renforcé par le chaos ukrainien, va pousser les Criméens à redemander un référendum pour obtenir leur indépendance et leur rattachement à la Russie.
En effet, la Constitution ukrainienne reconnaît le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. L’article 69 de la Constitution, ainsi que l’article 138.2 de la Juridiction autonome de Crimée, autorise le peuple de Crimée à recourir au référendum.

Sébastopol. La garde d’honneur. Photo Breizh-info.com

Finalement, cette indépendance de la Crimée et son rattachement à la Russie seront actés à la suite du référendum d’autodétermination du 16 mars 2014. Il se tint en présence de 2 500 journalistes venus du monde entier et des représentants d’organismes internationaux. Le taux de participation au référendum fut de 89,5 %. 96,77 % des électeurs votèrent en faveur de l’indépendance de la Crimée.
Le rattachement de la Crimée a donc été voté démocratiquement, sans conflit militaire, dans le respect des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les sondages réalisés un an après le référendum de 2014 confirment la très large adhésion de la population locale au rattachement à la Russie.

La situation actuelle

Rencontre avec les parlementaires. Photo Breizh-info.com

Les représentants des élus de l’assemblée de Crimée qui nous ont reçus – en particulier Sergey Tsekov, Vladimir Bobkov, Sergey Askyonov, Vladimir Konstantinov, mais aussi les représentants des différentes  communautés ethniques de Crimée – dont Albert Kangiev et Yuriv Gempel, déplorent les « fake news » répandues par les media anglo-américains, repris tels quels en Europe de l’Ouest. Ils regrettent aussi les sanctions imposées par la communauté européenne dès mars 2014. Alors que les règles démocratiques et celles des Nations unies ont été respectées, certaines sanctions touchent directement les citoyens criméens :

1. Des sanctions économiques :
  • L’interdiction des importations de biens en provenance de Crimée ou de Sébastopol, sauf s’ils sont accompagnés d’un certificat d’origine ukrainien.
  • L’interdiction d’investir en Crimée. Les entreprises européennes ou installées dans l’UE ne sont plus autorisées à acheter de l’immobilier ou des entités en Crimée. Elles ne peuvent pas non plus financer des entreprises de Crimée ou leur offrir leurs services. En outre, il leur est interdit d’investir dans des projets d’infrastructure dans six secteurs.
  • Une interdiction d’offrir des services touristiques en Crimée ou à Sébastopol. Les bateaux de croisière européens ne peuvent plus faire escale dans la péninsule de Crimée, sauf urgence. Cette décision s’applique à l’ensemble des navires appartenant ou sous contrôle d’Européens, ou battant pavillon d’un État membre de l’UE.
  • Une interdiction d’exportation, vers des entreprises de Crimée ou pour un usage en Crimée, de biens et technologies relatifs aux secteurs des transports, des télécommunications et de l’énergie ou utilisés dans l’exploration pétrolière, gazière et minérale.
  • Une interdiction de donner des services d’assistance technique, de courtage, de construction ou d’ingénierie relatifs aux infrastructures.
  • Les gels d’avoirs et de circulation de certaines personnes.
2. Des sanctions diplomatiques dont certaines touchent aux libertés :
  • L’impossibilité pour les Criméens d’obtenir un visa pour un pays de l’UE…

Sergey Askyonov. Photo : Breizh-info.com

Se référant à la « Grande guerre patriotique de 1941-1945 », nos interlocuteurs affirment que ces sanctions n’empêcheront pas  le peuple russe « de se battre et de vaincre ».

De nombreux  investissements russes et étrangers – hors UE –, en particulier dans le tourisme, les infrastructures, l’agriculture sont réalisés. Une Free Economic Zone (FEC) a été créée. Le taux de croissance brute de la Crimée a atteint 10 % l’an dernier. La Crimée a su gagner en cinq ans son indépendance en matière énergétique. Elle a également résolu ses difficultés pour les ressources en alimentation et en eau. Enfin, plus d’un demi-million d’Ukrainiens – sur un total de 6,8 millions de vacanciers – viennent passer leurs vacances en toute liberté en Crimée. Leur nombre augmente chaque année…
Au final, pouvant s’inspirer du philosophe français Blaise Pascal, « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », le sénateur Andrey Klimov revendique l’appartenance historique de la Crimée à la Russie. Pour lui, « le peuple de Crimée a voté : donc où est l‘annexion dénoncée par les Occidentaux ? Ont-ils fait voter les Serbes avant d’imposer l’indépendance du Kosovo. Ont-ils demandé aux Allemands de l’Est, en 1989, s’ils désiraient se joindre à l’Allemagne de l’Ouest ? »
Par la politique de sanctions, l’Europe se punit elle même car, dans tous les cas, la Crimée et la Russie réagiront : les sanctions, par exemple, ont accéléré le développement de l’agriculture russe. Selon nos interlocuteurs, la Russie entend bien défendre son identité culturelle, ses frontières La mère Patrie »), le bien-être et la liberté du peuple russe. Pour les Russes, la Russie possède d’autres opportunités comme le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du  Sud). À l’Union européenne de définir et d’assumer ses choix.

Marceline Galirel

Photos : Breizh-info.com et DR
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