Publications scientifiques. L’Europe en tête, l’Afrique (très) loin derrière [MAJ]

Petit rappel au 20 avril 2020, alors qu’Emmanuel Macron s’est fendu d’un tweet surprenant au sujet de l’Afrique, un sujet qu’il maitrise visiblement très mal.

05/06/2017 – 08h00 Rennes (Breizh-Info.com) – Il y a quelques semaines, le média The Conversation reprenait une carte publiée à l’origine par le site Géoconfluences. Cette visualisation est l’oeuvre de Myriam Baron, professeur des universités en Géographie à l’Université Paris Est Créteil et de Laurent Jégou, maître de conférences en Géographie à l’Université Toulouse Jean Jaurès.

Cette carte insolite permet de visualiser la production mondiale d’articles scientifiques en grossissant ou diminuant chaque pays selon sa contribution.
L’Union européenne est en tête suivie des Etats-Unis-d’Amérique et de la Chine. L’Afrique est inexistante. Nos explications.

Une carte en anamorphose

Publications scientifiques Science Afrique

Baron, Myriam et Jégou, Laurent, 2016 – Géoconfluences

La carte est insolite en elle-même puisqu’elle combine deux techniques de représentations étonnantes. Premièrement, le monde n’est pas ordonné selon l’agencement conventionnel : il s’agit d’une projection Dymaxion, qui ne déforme pas les continents.
Par ailleurs, la carte fait voir la production mondiale d’articles scientifiques par anamorphose. La géométrie de chaque pays est ainsi modifiée pour obtenir une surface proportionnelle à sa production scientifique.

Les données ayant été utilisées pour obtenir cette carte proviennent du « Web of Science », la plus ancienne base de données sur la science et celle qui est considérée comme la plus complète.

L’Union Européene, les Etats-Unis et l’Asie en tête

Les Etats-Unis sont le premier pays à dominer la carte avec plus du quart des productions scientifiques au monde ! Cela représente près de 325 000 articles scientifiques. Mais c’est bien l’Union européenne qui vire largement en tête. Lorsqu’on additionne les publications scientifiques des états-membre, ce sont plus de 430 000 articles scientifiques rédigés, soit 34 % de la production scientifique totale !

Publications scientifiques Science Afrique

Tendances en matière de publications scientifiques dans l’Union européenne, 2005-2014

La Chine rattrape un retard conséquent de manière assez extraordinaire. A noter que plus de 32 500 articles sont parus dans la seule capitale du pays, Pékin.

L’Afrique, néant scientifique ?

La question peut paraître abrupte. Force est de constater qu’elle se pose clairement tellement le continent semble incapable de sortir du marasme scientifique.
Seuls les pays d’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud tirent leur épingle du jeu.

Publications scientifiques Science Afrique

Production scientifique en Afrique Australe

Un exemple sur l’incapacité de l’Afrique à produire de la matière scientifique : le très faible nombre de brevet dans de très nombreux pays.

Le  rapport de l’Unesco sur la science « Vers 2030 » est lapidaire : « Le Cameroun a enregistré quatre brevets d’invention en 2010, puis trois en 2012 et quatre en 2013 – une nette amélioration par rapport aux deux brevets déposés entre 2005 et 2009. »
Au Kenya, on compte « sept brevets d’invention [déposés] entre 2010 et 2013. »
En 2016, la France a compté près de 13 000 dépôts de brevets.

Dans une version abrégée de son rapport, l’Unesco est tout aussi direct : « Les pays de l’AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse), qui comptent pour 0,9 % des chercheurs du monde, ont coécrit 2,8 % des articles scientifiques du monde entier, soit davantage que l’Afrique dans son ensemble (2,6 %). » Sachant que la part de l’Afrique du Sud de la Tunisie ou de l’Egypte est énorme.

Bonaventure Mvé Ondo, recteur honoraire de l’université Omar Bongo en Afrique, professeur de philosophie, n’hésite pas à employer des termes très forts : « Cette situation est tellement grave aujourd’hui qu’on peut la qualifier, dans une certaine mesure, ‘d’apartheid scientifique’, qui, lui, découlerait de ‘l’apartheid économique’ » .
On le voit, selon le recteur honoraire de l’université Omar Bongo, l’explication est à chercher dans la crise économique structurelle qui sévit en Afrique.

Pour expliquer cette production scientifique inexistante, plusieurs arguments sont généralement évoqués. Le retard historique du tissu scolaire et universitaire comparé aux autres continents et la fuite des cerveaux. Certains évoquent même les idées reçues sur une Afrique incapable de « produire de la science de haut niveau ».
Toutes ces explications sont sans doute bonnes. Reste que, en bon scientifique, il est nécessaire de prendre en compte toutes les hypothèses, même les moins politiquement correctes.

NF

Crédit photos : Kenny Louie [CC BY 2.0] / Myriam Baron et Laurent Jégou, « Carte à la une : le monde selon… le Web of Science », Géoconfluences, 2016 / Captures d’écran du rapport de l’Unesco « Vers 2030 »
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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Une réponse à “Publications scientifiques. L’Europe en tête, l’Afrique (très) loin derrière [MAJ]”

  1. Pschitt dit :

    Dès qu’on dispose de valeurs mesurables, il est tentant de leur donner une valeur absolue. Pourtant, il ne faudrait pas surestimer la signification du nombre d’articles scientifiques. Il existe des foules de journaux scientifiques dans le monde, avec d’énormes différences entre eux, à commencer par les différences de disciplines : globaliser la linguistique et l’oncologie, la sociologie et l’astrophysique, la botanique et l’histoire n’est pas très satisfaisant intellectuellement. Et puis, les journaux ne se valent pas tous ; les meilleurs tentent de se distinguer grâce à des classements, des facteurs d’impact, etc. Beaucoup d’universités publient leurs propres journaux pour obtenir une visibilité, mais elles ne sont pas toutes aussi exigeantes quant à leur contenu. Quantitativement parlant, la Chine publie beaucoup d’articles ; qualitativement parlant, son rang est davantage discuté ! Peut-être l’Afrique a-t-elle renoncé à se lancer dans cette course à l’échalote pour se concentrer sur un besoin plus immédiat : la formation de ses étudiants ?

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