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La fraude sociale se chiffre en milliards d’euros en France : « Il y a une forme de tolérance vis-à-vis des fraudeurs »

En 2019, les principaux organismes sociaux ont détecté un milliard d’euros de préjudice de fraudes aux prestations. Un montant en constante augmentation ces dernières années, auquel il faut ajouter 700 millions de fraudes aux cotisations. Au-delà des constats, la fraude aux prestations sociales est mal évaluée, la CAF seule se livrant à des estimations (2,3 milliards sur la branche famille). La fraude aux cotisations a fait l’objet d’une évaluation, estimée entre 7 et 25 milliards d’euros.

Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a jugé « possible d’assécher à la source une grande partie des risques de fraude » en croisant en tous sens les fichiers sociaux, fiscaux, bancaires, mais aussi consulaires et scolaires, afin de vérifier les identités et les revenus des bénéficiaires. L’Assurance maladie est en particulier priée de faire le ménage parmi ses quelque trois millions d’assurés résidant moins de six mois par an dans l’Hexagone, et parmi les 152 000 détenant encore « plusieurs cartes Vitale actives ».

Ci-dessous, l’économiste Philippe Murer commente le récent rapport de 176 pages délivré par la Cour des comptes (à télécharger ici) qui témoigne d’une hausse des fraudes aux prestations sociales en France. Si la juridiction financière n’a pas fourni de chiffres exacts, l’invité de RT France explique en quoi les contrôles ne sont pas réellement efficaces.

Récapitulatif des recommandations

Mesurer l’ampleur de la fraude aux prestations

2. Procéder régulièrement à une estimation chiffrée de la fraude aux prestations couvrant le champ le plus étendu, mettant en œuvre une organisation rigoureuse et reposant sur des méthodes statistiques robustes (ministères chargés de la sécurité sociale et du travail et de l’emploi, CNAM, CNAV, Pôle emploi).

Tarir les possibilités systémiques de fraude

3. Prévenir les détournements de versement de prestations en mettant en œuvre un rapprochement automatisé des coordonnées bancaires communiquées par les assurés, allocataires, professionnels de santé et autres tiers (bailleurs) avec le fichier Ficoba des comptes bancaires ouverts en France, y compris sur le stock d’identités bancaires antérieures à la mise en œuvre de ce rapprochement (ministères chargés de la sécurité sociale, du travail et de l’emploi et de l’économie, ensemble des organismes nationaux de protection sociale).

4. Réduire les fraudes et les autres irrégularités liées aux actes et prestations facturés à l’assurance maladie :
• en rendant obligatoire la dématérialisation de l’ensemble des prescriptions médicales, y compris en établissement de santé ;
• en individualisant chaque acte et prestation dans les nomenclatures tarifaires ;
• en mettant en place des contrôles automatisés de l’application des règles de compatibilité et de cumul des actes et prestations facturés, ainsi que de conformité aux décisions du service médical ;
• en prévoyant une obligation d’intégration de ces contrôles aux logiciels de facturation des professionnels et établissements de santé ;
• en maintenant une facturation individualisée par professionnel de ville, même salarié ;
• en permettant aux caisses d’assurance maladie de consulter les données d’horodatage dans les logiciels de facturation des professionnels de santé ;
• en assurant l’information des caisses sur les remplaçants des professionnels de santé via leurs ordres professionnels ;
• en autorisant les caisses d’assurance maladie à déroger à la garantie de paiement sous sept jours pour les professionnels sanctionnés pour fraude ou pour faute (ministère chargé de la sécurité sociale, CNAM).

5. Réduire les fraudes et les autres irrégularités liées à l’activité préalable et aux salaires pour les allocations chômage et les indemnités journalières, à la carrière pour les retraites, ainsi qu’aux prélèvements sociaux en mettant en œuvre un rapprochement automatisé permanent entre les assiettes de prélèvements sociaux déclarées de manière globale par les employeurs de salariés aux URSSAF, d’une part, et les salaires, quotités horaires et périodes travaillées déclarés de manière individualisée par salarié par ces mêmes employeurs, d’autre part (ministères chargés de la sécurité sociale et du travail et de l’emploi, ACOSS, CNAV, CNAM, Pôle emploi).

6. Exploiter en masse les données du dispositif ressources mutualisé afin de réduire les fraudes et les autres irrégularités portant sur l’attribution et le versement des prestations familiales, des minima sociaux, de la complémentaire santé solidaire, des indemnités journalières, des pensions d’invalidité et des allocations chômage imputables à l’absence ou à la sous-déclaration de ressources, de revenus professionnels et de reprises du travail faisant suite à un arrêt de travail ou à une inactivité forcée (ministères chargés de la sécurité sociale et du travail et de l’emploi, ensemble des organismes nationaux de protection sociale).

7. Déterminer dans un calendrier rapproché l’ampleur exacte du surnombre de droits ouverts à une prise en charge des frais de santé par l’assurance maladie dans le cadre de la protection universelle maladie (PUMa), la nature et l’importance relative des facteurs explicatifs de ce surnombre et les évolutions à apporter au périmètre et aux modalités des contrôles de la PUMa afin de le résorber (ministère chargé de la sécurité sociale, CNAM).

8. Réduire les fraudes sociales et fiscales aux aides au logement :
• en introduisant les références des logements concernés parmi les données devant être déclarées par les bailleurs privés en tiers payant et les locataires qui perçoivent les aides (sur communication de leurs bailleurs) et en rapprochant ces mêmes données des données sur les logements détenus par la DGFiP (nouveau répertoire national des locaux et, ultérieurement, fichier des propriétaires de locaux affectés à l’habitation) ;
• en assurant l’information de l’administration fiscale sur les aides versées afin de lui permettre de fiabiliser les revenus fonciers déclarés (ministères chargés de la sécurité sociale, du logement et du budget, CNAF, DGFiP).

9. En ce qui concerne les cartes Vitale :
• mettre en place une carte dématérialisée et individualisée par assuré, y compris au titre des enfants, permettant aux professionnels et aux établissements de santé de facturer à l’assurance maladie à partir de la situation à jour des droits des assurés sociaux dans le système d’information de cette dernière ;
• dans l’immédiat, éteindre le stock de cartes Vitale excédentaires par rapport aux assurés habilités à en détenir et rappeler aux assurés le caractère strictement personnel de la détention de la carte, exclusif de toute remise à un tiers, quel qu’il soit (ministère chargé de la sécurité sociale, CNAM, autres régimes d’assurance maladie que le régime général).

10. Continuer à améliorer les procédures d’immatriculation des assurés nés à l’étranger, en généralisant les numéros identifiants d’attente (NIA), en mutualisant l’information sur les tentatives déjouées de fraude et en développant les convocations physiques des demandeurs en cas de doute sur les justificatifs produits (ministère chargé de la sécurité sociale, CNAV, autres organismes sociaux).

Mieux prévenir, intensifier et faciliter la recherche de fraudes

11. Prévoir dans la prochaine génération de conventions d’objectifs et de gestion avec l’État une hausse significative des effectifs affectés à la lutte contre les fraudes, afin de développer les contrôles sur place et les investigations qui leur sont liées (ministères chargés de la sécurité sociale et de l’économie, CNAF, CNAM et CNAV).

12. Créer une unité spécialisée transversale à l’ensemble des organismes sociaux, de lutte contre les fraudes externes et internes en bande organisée, faisant intervenir des schémas sophistiqués ou opérant sur internet, composée d’agents spécialisés dans la répression des agissements criminels et la cybercriminalité (ministères chargés de la sécurité sociale, de l’économie et du travail et de l’emploi, ensemble des organismes nationaux de protection sociale).

1. Pour l’exercice de leurs missions de lutte contre les fraudes, accorder aux organismes sociaux la possibilité de consulter et d’analyser les données pertinentes du Registre national des Français établis à l’étranger, celles des bases élèves et, dans le respect du secret médical, celles de l’assurance maladie portant sur les soins réalisés à l’étranger et sur les prises en charge de dépenses de santé d’assurés dépassant un certain âge ; s’agissant spécifiquement de Pôle emploi, lui permettre de consulter la base des travailleurs détachés en France et, comme les organismes de sécurité sociale, d’exercer le droit de communication auprès de tiers et de consulter le fichier Ficovie (ministères chargés de la sécurité sociale, du travail et de l’emploi, du budget, de l’économie, de l’éducation nationale et des affaires étrangères).

Sanctionner plus efficacement les fraudes sur le plan financier

13. Constater les indus liés à des fraudes sur la totalité de la période de cinq années précédant leur prescription d’ordre public, et non plus uniquement sur une partie de celle-ci (ministère chargé de la sécurité sociale, CNAF et CNAM).

14. Prendre les textes réglementaires d’application de l’article L. 162-15-1 du code de la sécurité sociale (déconventionnement en urgence d’un professionnel de santé) et de l’article L. 162-1-14-2 du code de la sécurité sociale (extrapolation des indus mis en recouvrement en cas de fraude à partir des résultats de contrôles opérés sur des échantillons) et étendre le champ d’application de ce dernier aux actes médicaux et paramédicaux et aux séjours tarifés par les établissements de santé (ministère chargé de la sécurité sociale).

15. Instaurer un déconventionnement d’office, d’une durée variable en fonction de la gravité des faits, des professionnels de santé sanctionnés à deux reprises par la voie pénale ou administrative au titre de fraudes qualifiées et ayant épuisé leurs voies de recours (ministère chargé de la sécurité sociale).

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

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2 réponses à “La fraude sociale se chiffre en milliards d’euros en France : « Il y a une forme de tolérance vis-à-vis des fraudeurs »”

  1. Vince dit :

    J’ai 60 ans. Quand j’avais 15 ans environ, je travaillais l’été à la Sécurité Sociale en tant que fils d’agent. Mon père était au Service ACCIDENTS du travail (les A.T.). Ses collègues et lui-même dénonçaient déjà une forme d’évasion d’argent vers l’étranger, plus particulièrement le Maghreb. En effet, là-bas, il n’y a pas à fournir de certificat de décès et les comptes bancaires continuent d’être utilisés “en famille”. C’est ainsi qu’ils s’apercevaient DÉJA A L’ÉPOQUE que de nombreuses personnes (hommes essentiellement) avaient plus de 100 ans et touchaient encore des rentes etc etc

    ILS N AVAIENT ET ILS N EN ENCORE PAS DE MOYENS DE VÉRIFICATION (encore moins coercitifs bien sûr) SUR CES CAS !

    Pour ma part, j’ai eu à dénoncer au Parquet un fait manifeste d’escroquerie à la Sécurité Sociale à savoir qu’un homme d’une petite soixantaine d’années se présentait partout avec une voire deux cannes et prétextait avoir de grosses difficultés à se mouvoir.
    Un jour, je le croise faisant ses courses, poussant son caddie comme vous et moi.
    J’ai saisi le Procureur de la République qui, après consultation de spécialistes, y compris de médecins Sécu, m’a dit que rien ne pouvait être fait car le simple fait qu’il dise en entretien médical avoir des douleurs … l’inverse était improuvable !!! …

    A méditer … !

  2. Aghir dit :

    “Il y a une forme de tolérance vis-à-vis des fraudeurs “…..principalement quand cette fraude est commise par de gens issus de l’immigration! Si vous êtes français de souche, la moi s’appliquera immédiatement…!!!!

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