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Jean-Yves Le Drian : sa signature de ministre aurait rapporté 425 millions de dollars à Bernard Arnault

Le 12 septembre dernier, Bernard Arnault, troisième fortune mondiale, reçoit une missive officielle du Quay d’Orsay, signé du ministre des Affaires étrangères en personne : « Comme vous le savez, le gouvernement américain a décidé de mettre en place un droit de douane supplémentaire à l’importation de certains produits français, notamment des produits du luxe, en réaction à l’adoption par la France d’une taxe sur les services numériques, les États-Unis en reportant l’application jusqu’à 6 janvier 2021…(En conséquence), vous devriez reporter la fermeture de la transaction Tiffany en cours jusqu’au 6 janvier 2021 ».(1)

Les dessous d’une lettre ministérielle

Traduit en français non diplomatique cela pourrait donner : « en vertu des pouvoirs souverains qui me sont conférés par la République française, je vous interdis à vous, citoyen Arnault, actionnaire principal de LVMH, numéro un mondial du luxe, d’investir le moindre kopeck dans le joailler américain Tiffany, du moins tant que l’administration Trump fera des misères aux entreprises tricolores. »

Or si l’on en croit Marianne, il ne faut pas prendre ce ton solennel pour autre chose que de la comédie à destination des Américains. Selon l’hebdomadaire qui en révèle l’existence, la lettre officielle aurait été sollicitée par Bernard Arnault lui-même. Il en serait venu à estimer que dans le contexte économique COVID, les 16 milliards de dollars promis pour Tiffany, c’était trop cher payé. Grâce à ce soutien diplomatique, il a échappé aux pénalités prévues par le contrat. Mieux : la transaction s’est finalement faite, et les vendeurs ont consenti un rabais de 425 millions de dollars. Même pour Arnault, qui pèse 76 milliards de dollars selon le magazine Forbes, c’est plus qu’un pourboire !

Ce qui est bon pour LVMH est bon pour la Macronie (et réciproquement)

Rien de contraire à l’intérêt national dans cette histoire (2), mais des implications politiques intérieures évidentes.

LVMH en effet ne déteste pas le pouvoir actuel. En 2019, l’entreprise a embauché Ismaël Emelien, conseiller du président à l’Elysée et toujours chargé de préparer le projet présidentiel 2022, dans une ambiance, on le voit, pas très Gilet Jaune.

A coup de dizaines de millions, LVMH s’ingère aussi dans la vie démocratique en investissant à perte dans les médias conformes : les Echos, le Parisien, Challenges, Radio Classique, qui n’ont pas la réputation d’être des foyers d’opposants à la République en Marche (3).

Enfin, la conjonction d’intérêt affleure dans la grosse affaire du moment : le renflouage-dépeçage en cours du groupe Lagardère, multinationale de la communication (Europe 1, le Journal du Dimanche, Paris Match…), du spectacle (Bataclan), de l’édition (Hachette), de la distribution en gares et aéroports (Relay, Aelia Duty Free…), en tout 4000 points de vente dans les points névralgiques de la mondialisation.

De Bolloré ou d’Arnault, qui va emporter les meilleurs morceaux de Lagardère ?

Baby Shark égaré parmi les squales, ayant décidé de prendre la vie par le bon côté, Arnaud Lagardère a réussi en trois décennies à couler le conglomérat international que son père Jean-Luc avait bâti presque à partir de rien.

Au fil des années, il a dû se résoudre à faire de la place à des investisseurs plus ou moins amicaux : l’Emirat du Qatar (à la recherche d’une influence sur les décideurs français), Ambers Capital (un fonds vautour anglo-saxon qui espère de grosses plus-values en bazardant le groupe), Vincent Bolloré (qui cherche à en prendre le contrôle) … Jusqu’ici, Arnaud Lagardère était parvenu à les contenir en les opposant les uns aux autres. Mais aujourd’hui, selon le Financial Times, ses dettes personnelles sont supérieures à ses actifs. Bernard Arnault est le dernier sur la liste des investisseurs appelés au secours : il assure maintenant les fins de mois d’Arnaud Lagardère en échange du contrôle effectif des opérations.

La bataille boursière n’est pourtant pas finie. Deux camps se dessinent : d’un côté Ambers (20 % des actions) et Bolloré (26.6 %) contre Arnault (7.75 %) soutenu par Lagardère (7.26 %) et par le Qatar (13 %). Contrairement aux apparences, c’est Bernard Arnault qui a la main, car Arnaud Lagardère est avantagé par son statut de « gérant et associé commandité » (même minoritaire, il est assuré de la direction de l’entreprise).

Nicolas Sarkozy, Benoît Hamon…une bataille boursière qui est aussi très politique

Selon Marianne, Arnault a aussi le soutien de l’Etat LREM dans cette affaire. En effet, à deux ans de la présidentielle, Emmanuel Macron ne souhaiterait pas voir tomber les journalistes Lagardère dans l’escarcelle de Bolloré.

Le plus riche des Bretons a en effet une image politique fâcheuse. La dynastie Bolloré est pourtant sans peur et sans reproche, l’oncle Gwenn-Aël ayant débarqué en Normandie dans le commando Kieffer (4). Dans les années 80, le neveu Vincent sauve l’entreprise familiale basée à Quimper en la transformant de fond en comble – il travaille alors main dans la main avec les socialistes et la CGT du Finistère ! Dans les années 2000, le caméléon prend une coloration droitiste : c’est sur son yacht que le président Sarkozy vient fêter sa victoire en 2007. En 2014, Bolloré met la main sur Vivendi, c’est-à-dire sur Canal Plus, CNews, C8, Editis (le troisième éditeur français), Universal Music, l’agence de publicité Havas, l’Olympia, Gameloft (jeux électroniques) …En 2019, Bolloré accueille Zemmour sur CNews et le miracle s’opère : à peu de frais (des journalistes discutant autour d’une table), la chaîne double son audience (de 0.8 % en 2019 à 1.8 % en novembre 2020). C’est précisément ce succès qui crée la polémique, pas vraiment spontanée.

Mal vu de Macron, du moins s’il faut suivre Marianne, Bolloré ne devrait pas trop non plus compter sur son ami Sarkozy, qui est membre du conseil de surveillance de Lagardère et donc a son mot à dire. Car Arnaud Lagardère est également son ami. De plus l’ancien leader LR se rapproche de plus en plus d’Emmanuel Macron …

Bolloré ne peut davantage miser sur la solidarité bretonne. Il est au plus mal avec son compatriote du 29 Benoit Hamon. Interrogé par Public Sénat, le Brestois a récemment mis en garde : « Monsieur Bolloré, capitaine d’industrie à la tête d’une télé d’extrême droite est un de ceux qui est en train de mettre de l’essence partout et d’allumer tranquillement des feux partout avec Zemmour, Praud et compagnie (…) Ça, c’est la pensée dominante, Zemmour c’est la pensée dominante financée par les gros cachets de Bolloré. Un jour, ces capitaines d’industrie, faudra qu’ils rendent compte ».
Pour son retour en politique, l’ancien élu de Trappes ressort les imprécations de la gauche morale, et cela sans nuire à la carrière de sa femme, cadre de haut niveau chez LVMH…

E.P.

  1. « L’ombre de Macron sur Lagardère », Emmanuel Schwartzenberg, Marianne 20 au 26/11/2020
  2. Marianne ne donne de l’épisode que son aspect franco-français. En réalité, cette fermeté à l’égard de l’Amérique est aussi à mettre en regard avec l’inflexion en 2020 de la diplomatie française vers plus de muscle. A la même époque, la France de Macron s’est mise en travers de la route du Turc Erdogan, seule parmi les puissances européennes à refuser une paix munichoise en se tenant aux côtés des Grecs.
  3. En 2019, Bernard Arnault a recapitalisé le Parisien à hauteur de 89 millions d’euros, une somme qu’il ne reverra sans doute jamais, étant donnée la baisse tendancielle de la diffusion du titre (aujourd’hui 100 000 lecteurs individuels, dont les 2/3 sont numériques, c’est-à-dire qu’ils ne rapportent à peu près rien).
  4. Gwenn-Aël a été vice-président du groupe Bolloré et l’une des figures des Editions de la Table Ronde. Il rompra dans les années 60 avec le gaullisme à propos de « l’armistice-abandon » avec le FLN. Une trajectoire qui évoque celle d’Hélie de Saint Marc (et de quelques autres).

Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

 

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Une réponse à “Jean-Yves Le Drian : sa signature de ministre aurait rapporté 425 millions de dollars à Bernard Arnault”

  1. Aghir dit :

    Le débile Benoit Hamon n’a curieusement pas été gêné quand les “capitaines d’industrie” comme Arnault, Berger et Cie ont mis au pouvoir l’inénarrable Macron tout droit sorti de chez Rothschild….C’est quand même ballot pour un socialo!!!!!

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