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Emmanuel Macron ne devrait pas dire tout et son contraire !

Dire que le climat social de notre pays est tendu relève de l’euphémisme. Dans cette situation « explosive » certaines paroles ajoutent davantage de confusion qu’elles n’apaisent les choses et Emmanuel Macron devrait en tenir compte. Ce ne fut pas tout à fait le cas récemment, lorsqu’il affirma : « La Russie ne peut et ne doit gagner cette guerre ! ».Ces propos sans appel ont été prononcés par le Président de la République lors de la visite à Paris du Premier ministre britannique le 10 mars 2023. Cette simple phrase va anéantir une analyse précédente pourtant remarquable.

Le 28 aout 2019, le même Emmanuel Macron, prononçant à Paris un discours devant notre représentation diplomatique avait tenu les propos suivants : « C’est pourquoi en toute chose, je voulais très rapidement partager avec vous au fond une espèce de tableau rapide du monde et de ses désordres et dans ce contexte, de nos priorités. Parce que je crois que c’est ce qui très profondément doit inspirer notre action en France, en Europe et à l’international.

Nous le vivons tous ensemble ce monde et vous le connaissez mieux que moi, mais l’ordre international est bousculé de manière inédite mais surtout avec, si je puis dire, un grand bouleversement qui se fait sans doute pour la première fois dans notre histoire à peu près dans tous les domaines, avec une magnitude profondément historique. C’est d’abord une transformation, une recomposition géopolitique et stratégique. Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde. Nous nous étions habitués à un ordre international qui depuis le 18ème siècle reposait sur une hégémonie occidentale, vraisemblablement française au 18ème siècle, par l’inspiration des Lumières ; sans doute britannique au 19ème grâce à la révolution industrielle et raisonnablement américaine au 20ème grâce aux 2 grands conflits et à la domination économique et politique de cette puissance. Les choses changent. Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises, par les choix aussi américains depuis plusieurs années et qui n’ont pas commencé avec cette administration mais qui conduisent à revisiter certaines implications dans des conflits au Proche et Moyen-Orient et ailleurs, et à repenser une stratégie profonde, diplomatique et militaire, et parfois des éléments de solidarité dont nous pensions qu’ils étaient des intangibles pour l’éternité même si nous avions constitué ensemble dans des moments géopolitiques qui pourtant aujourd’hui ont changé. Et puis c’est aussi l’émergence de nouvelles puissances dont nous avons sans doute longtemps sous-estimé l’impact.

La Chine au premier rang mais également la stratégie russe menée, il faut bien le dire, depuis quelques années avec plus de succès. J’y reviendrai. L’Inde qui émerge, ces nouvelles économies qui deviennent aussi des puissances pas seulement économiques mais politiques et qui se pensent comme certains ont pu l’écrire, comme de véritables États civilisations et qui viennent non seulement bousculer notre ordre international, qui viennent peser dans l’ordre économique mais qui viennent aussi repenser l’ordre politique et l’imaginaire politique qui va avec, avec beaucoup de force et beaucoup plus d’inspiration que nous n’en avons. Regardons l’Inde, la Russie et la Chine. Elles ont une inspiration politique beaucoup plus forte que les Européens aujourd’hui. Elles pensent le monde avec une vraie logique, une vraie philosophie, un imaginaire que nous avons un peu perdu. Et donc tout ça vient nous bousculer très profondément et rebattre les cartes. Je ne parle pas évidemment de l’émergence africaine chaque jour confirmée et qui se traduit aussi là par une recomposition profonde et j’y reviendrai aussi. Le risque dans cette grande bascule se double également d’une bascule géopolitique et militaire, nous sommes dans un monde où les conflits se multiplient et où je vois 2 principaux risques.

Le premier, c’est que ces conflits font de plus en plus de victimes civiles et changent de nature. Regardez les théâtres d’opérations partout dans le monde. Et la deuxième chose, c’est que l’ensauvagement est reparti et là aussi, l’ordre sur lequel reposaient parfois nos certitudes et notre organisation est en train de disparaître. On abandonne les traités de contrôle des armements qui venaient là aussi de la fin de la guerre froide, chaque jour dans l’innocence et le silence. Tout ça doit nous poser des questions profondes. D’abord, nous faire constater que les habitudes et données qui étaient les nôtres ne sont plus valables. Et ensuite, ça doit nous conduire à interroger notre propre stratégie parce que les 2 qui ont aujourd’hui des vraies cartes en main dans cette affaire, ce sont les États-Unis d’Amérique et les Chinois. Et ensuite, nous avons un choix par rapport à ce grand changement, ce grand basculement : décider d’être des alliés minoritaires de l’un ou l’autre ou un peu de l’un et un peu de l’autre ou décider d’avoir notre part du jeu et de peser ».

Un peu plus loin, il ajoute, parlant de la France : « La première chose, c’est que pour parvenir à cet objectif dans ce désordre, je crois que ce que nous devons faire très profondément, c’est jouer notre rôle, au fond, de puissance d’équilibre. Puissance d’équilibre, c’est d’acter que nous sommes une grande puissance économique, industrielle même si nous avons perdu, quand je regarde les dernières décennies, sur beaucoup de points, que nous avons à rebâtir et que nous devons rebâtir pour pouvoir rester cette puissance-là. Ce rôle de puissance d’équilibre, c’est celui que nous devons jouer dans les grandes crises et les situations de conflit. Je ne veux pas tous ici les détailler. Je parlerai de l’un d’entre eux : l’Iran. Nous l’avons vu ces derniers jours à Biarritz, en créant les conditions nécessaires à une désescalade. Le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l’Économie et des Finances impliqués aussi dans cette affaire ont conduit pendant 2 jours un travail extrêmement fin mais après plusieurs semaines, plusieurs mois d’initiatives, pour essayer non simplement de peser dans cette situation, mais construire les conditions d’une désescalade et d’une solution ». 

Enfin, au sujet de la Russie : « Je pense en plus que pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres grandes puissances comme la Chine, qui ne serait pas du tout notre intérêt ». 

Comment le président Macron peut-il, à trois ans d’intervalle, tenir de tels propos ? Autant les paroles de 2019 sont celles d’un homme d’État, conscient de la marche du monde et de son évolution prévisible, qui cherche à agir dans l’intérêt de la nation conformément au contrat moral inhérent à son élection en 2017, autant ces derniers sont en totale contradiction avec du 10 mars 2023. Que s’est il passé qui puisse justifier ce revirement spectaculaire ?

Une géopolitique nouvelle

Tout ce qu’il annonce en août 2019 est conforme à la réalité. Le rejet de l’Occident, et en particulier celui dû à la politique étrangère américaine, s’est accentué. Les BRICS et l’OCS ont affirmé leur volonté de s’émanciper du dollar, vu comme un instrument de domination financière, et de plus en plus de pays sont tenté de les rejoindre dans leur démarche.

La guerre en Ukraine a montré la ligne de clivage entre l’Occident et le reste du monde. L’épidémie de la COVID a accentué ce qu’il est convenu d’appeler « le processus de démondialisation », qui s’oriente vers une régionalisation de la planète, déjà présente dans l’exposé de Mark Carney à Jackson Hole, quelques jours avant la prise de parole d’Emmanuel Macron le 28 août à Paris.

Sur le fond, rien n’a donc changé et ce qui était entrevu à l’époque est devenu réalité. Il est difficile de comprendre pourquoi le discours n’a pas été suivi des actions qu’il appelait.

Le moins compréhensible et le plus inquiétant, pour nous qui avons la faiblesse de croire encore à la France, c’est cette soumission aveugle à l’OTAN et à nos « amis américains » qui s’exprime dans : « La Russie peut et doit perdre la guerre ».

Cette simple phrase invalide tout le discours, qui était l’un des meilleurs du quinquennat et montrait le regard que portait sur le monde le président Macron.

La position très gaullienne d’une France « puissance d’équilibre » aurait été légitimée par un large consensus, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur et, même si elle témoignait une certaine prise de distance avec sa vision euro-fédéraliste, elle n’était pas en contradiction avec celle d’une Europe des Patries et des Nations.

Or, on ne peut prétendre à jouer un rôle d’équilibre si on est partie prenante engagée dans un conflit entre les deux parties dont on veut justement maintenir cet équilibre et encore moins si l’enjeu de ce conflit risque de compromettre le devenir de notre pays :  « Je pense en plus que pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres grandes puissances comme la Chine, qui ne serait pas du tout notre intérêt » précisait Emmanuel Macron.

Cette phrase prend aujourd’hui tout son sens, mais celle de mars 2023 l’anéantit complètement. Un des problèmes que pose le président Macron est la variation très rapide de ses convictions, mais est-il réellement lui-même convaincu de ce qu’il dit ?

Vers un changement rapide ?

Le bouleversement de la géopolitique mondiale semble s’accélérer au cours des derniers mois, poussant chacun des pays à « choisir son camp ». La régionalisation qui conduirait à un monde multipolaire articulé sur les différents continents, qui pourrait assurer une sorte d’équilibre « Westphalien », ce qui serait souhaitable, est peu compatible avec le maintien de l’Occident en tant qu’entité politique et économique. Le continent Europe n’est viable économiquement et que s’il s’étend « de l’Atlantique à l’Oural ». L’ancrage de la Russie d’un côté ou de l’autre (Europe ou Asie) conditionne le futur de l’Europe et du monde. Avons nous la certitude aujourd’hui de ce que feraient les Etats-Unis dans cette nouvelle donne ?

L’hégémonie de ces derniers tient en grande partie sur le dollar. Elle est fortement remise en question aujourd’hui. La faiblesse du dollar est son manque de valeur « intrinsèque », qui lui impose une situation de monopole dans les échanges commerciaux internationaux ; la venue d’une monnaie qui, elle, posséderait une valeur par elle-même, comme l’or ou d’autres métaux rares, ôterait à terme toute valeur au dollar, qui ne vaut que par la dette que représente son émission.

Le « Struggle for Life » de l’élite financière mondialiste

Qu’on ne s’y trompe pas, la « mère de toutes les batailles » est celle-là et de son issue dépendra le contrôle de la planète. Le rapport des forces ne semble pas favorable à l’Occident, devenu une sorte de « colosse au pieds d’argile » ayant déjà perdu le leadership industriel et, peut-être pire encore, foi en lui-même en perdant les valeurs qui lui avaient donné son rayonnement, avant qu’elles ne soient corrompues par une financiarisation mortifère. La création monétaire sans limite et à partir de rien ne peut se poursuivre indéfiniment et les pays qui en ont été victime depuis des décennies le savent. Ceci explique probablement la radicalisation du camp occidental qui se bat dorénavant « le dos au mur ».

Jean Goychman

Crédit photo : Jeso Carneiro (Flickr) (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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10 réponses à “Emmanuel Macron ne devrait pas dire tout et son contraire !”

  1. Vincent dit :

    Notre président a une manie douteuse d’utiliser l’adjectif « profond », et tous ses dérivés, et d’en parsemer ses discours comme autant d’indices laissé par un fautif en cavale.
    Certaines révélations lui pendent au nez…

  2. Pschitt dit :

    Vous aurait-il échappé que, entre 2019 et 2023, le statut international de la Russie a changé, et ce n’est pas du fait d’Emmanuel Macron ? La Russie a refusé la main tendue, Vladimir Poutine a choisi la violence militaire. Un choix qu’il assume avec même une ironie provocatrice et manifestement aucun désir de recoller les morceaux. Au printemps 2022, Emmanuel Macron a tenté à plusieurs reprises, au-delà du raisonnable peut-être, de renouer les ponts avec l’autocrate, qui l’a écouté sur le registre du « cause toujours ».
    Cela dit, M. Macron avait probablement tort dès 2019. Comme beaucoup d’entre nous, il a préféré rester aveugle aux multiples signaux impérialistes de Poutine, que ce soit sa propagande intérieure de plus en plus belliciste, ses interventions violentes dans les pays de l’ex-URSS, sa stratégie énergétique européenne et son mépris du droit international (y compris des traités signés par son propre pays).

    • gaudete dit :

      Encore une fois et au risque de me répéter si macron et la merkel avaient fait leur job il n’y aurait pas eu de guerre. Mais comme c’est une larve de biden ainsi que merkel, ils n’ont rien fait et c’était voulu. Et si macron n’est pas un autocrate c’est pire c’est un dictateur. Alors soyons sérieux et regardons un peu plus loin que le bout de la lorgnette BFMTV ou LCI oU A2 OU TF1 . merkel et hollandouille l’ont confirmé ils voulaient eux la guerre. Alors qu’elle aurait pu être évitée en prenant la Russie du côté de l’Europe et en arrêtant la politique impérialiste des amerloks.

      • Pschitt dit :

        Soyons sérieux en effet : du jour où l’Ukraine refusait de redevenir une colonie russe façon Biélorussie, la guerre était inévitable. Poutine n’allait pas se soumettre à la volonté du peuple ukrainien.

    • Merlin dit :

      Chaque ligne de votre message amène la contestation. Il n’y a jamais eu de main tendue à l’égard de Poutine. Au contraire, Merckel et Hollande ont feint l’empathie pour dissimuler le besoin de gagner du temps de leur poulain, l’Ukraine et son armée en cours de restructuration à l’époque.
      Poutine ne souhaitait donc pas l’option militaire et on peut dire que son soutien aux accords de Minsk en était le reflet.
      Par contre, je vous rejoins pour estimer ironique et provocatrice l’attitude de Poutine à l’égard des dirigeants des États occidentaux. Il a l’attitude du mari trompé qui après avoir longtemps aimé sa femme est passé à la colère et la rancune.
      Quant au caractère impérialiste de l’attitude de Poutine, il est aussi extrêmement contestable. Il ne se fonde que sur les annexions territoriales faites au détriment de l’Etat ukrainien. Or ces annexions, hormis le fait qu’elles n’étaient pas planifiées, ont résulté de situation administratives et culturelles très particulières. L’hypothèse de volontés d’annexions Baltes est une invention de « Youg leadres » à l’usage de leur propre peuple qu’il s’agit ici de tromper comme est trompé et anéanti le peuple ukrainien.

    • Jean Goychman dit :

      Cher Pschitt, je crains que vous ne soyez abusé par les médias qui occultent l’ essentiel.
      La guerre d’Ukraine n’est (hélas pour ceux qui la subissent) qu’un épiphénomène destiné à monter l’opinion publique des pays occidentaux contre la Russie.
      La vraie guerre est celle qui oppose les Etats-Unis au reste du monde qui ne veut plus de la dictature des USA au travers du dollar « qu’ils ne tient qu’à eux d’imprimer » disait de Gaulle.
      Pour conserver cette arme « absolue », le « deep state » est prêt à tout.
      Nous, les Français, nous n’avons que des coups à prendre en suivant les Etats-Unis dans cette affaire.
      Nous devrions, au contraire, comme le dit Macron dans son discours « incarner la puissance d’équilibre » et ne pas tourner le dos à la Russie qui sera le pivot de l’avenir de l’Europe.

      • Pschitt dit :

        Vous écrivez : « La guerre d’Ukraine n’est (hélas pour ceux qui la subissent) qu’un épiphénomène destiné à monter l’opinion publique des pays occidentaux contre la Russie. » Quel pervers que Poutine, alors ! Cela dit, il a parfaitement réussi : en attaquant l’Ukraine, il a monté l’opinion publique des pays occidentaux contre son propre pays.

  3. patphil dit :

    ça n’est pas nouveau, il a toujours dit quelque chose et son contraire la semaine suivante! et pourtant il a été réélu , « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »

  4. Hadrien Lemur dit :

    Je pense qu’en 2019 Macron devait avoir de bons conseillers en géopolitique et en diplomatie. En 2023 il n’en fait plus qu’à sa tête et ça donne ces raisonnements de tambour crevé. Cet homme n’a rien d’un chef d’état, il nous l’à encore prouvé récemment en Afrique. Son discours se voulait lucide en 2023 et « en même temps » il faisait le constat de notre perte de souveraineté et des dégâts que lui mème et ses complices nous avaient infligés. Chapeau l’artiste !

  5. gautier dit :

    Poutine à eu raison ! Macron et Merkel « via l’amerique, il ne faut pas le dire tout haut ! ) n’ont jamais voulu la pais, Merkel l’a dit lors des sommets, les accords de Minsk n’ont ete faits que pour laisser à l’Ukraine le temps de s’armer par avec l’OTAN pour entrer en guerre avec la russie, n’oublions pas que les Ukrainiens ont bombardé le Dombass depuis 2014 une grande partie de leur peuple faisant des atrocités avec prés de 17 000 morts, femmes enfants vieillards, ce sont des Ukrainiens vivants en France qui le disent, mais chutt !!!! quand on a rien à dire on ferme sa grande sa .. bouche !

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