Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Sociétés fragiles, sociétés d’argile. Analyse des conséquences de la tempête Ciaran en Bretagne et propositions

Voici un point sur les constatations qu’un de nos lecteurs a effectuées suite au passage violent de la tempête Ciaran sur la Bretagne dans la nuit du mercredi 1er au jeudi 2 novembre 2023. Pour en tirer les conséquences, non sans quelques propositions immédiates, pour que chaque particulier, chaque famille, chaque foyer, chaque communauté, puisse s’organiser, à l’avenir.

Je ne parlerai ici que de l’essentiel (du « vital ») en écartant volontairement pour cette fois tout un pan de préparation plus fine résultant d’un processus de résilience approfondie.

La Bretagne, une région boisée. Quelles conséquences ?

Ce type de tempête, occasionne en Bretagne, région boisée, un nombre important d’axes routiers principaux mais surtout secondaires bloqués dû à des chutes innombrables d’arbres. A noter que deux mesures essentielles et prioritaires pourraient (auraient dû) être prises afin de limiter ces nuisances (les principaux fléaux de ces axes entravés, indépendamment du fait qu’ils isolent littéralement un certain nombre de villages est le ralentissement, à minima, de l’arrivée des secours d’une part, d’autre part le sectionnement des réseaux). Première mesure importante : l’abattage massif d’arbres ayant poussé en bord de route et menaçant de se coucher sur la chaussée à chaque coup de vent tonique. Il est de la responsabilité de chaque propriétaire de parcelle de faire entretenir son patrimoine vert (travail personnel , entraide, bûcheron, travail contre bois…). On pourrait aussi imaginer un coup de pouce des municipalités via leur service technique. Alors que nombre de talus ont littéralement été arasés depuis 50 ans, les arbres sur les accotements ont été épargnés : hérésie ! Seconde mesure : l’enfouissement des réseaux (électricité, téléphone, fibre). Oui la généralisation de ces enfouissements est un chantier titanesque mais il doit être pris à bras le corps par la puissance publique pour des raisons évidentes de maintien de l’activité professionnelle et privé, j’ajouterai également, plus accessoirement, afin de purger les airs de ces milliers de kms de câbles inesthétiques. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il reste quelques dizaines de milliers de bretons encore privés d’électricité et de réseaux, soit plus de 6 jours après le passage de la tempête. Certes les secteurs urbanisés (pour la plupart) ont eux bénéficié de ce type de travaux mais la Bretagne est composée d’un nombre important de (très) petites communes qui ne jouissent pas de la même prévenance des pouvoirs publics. Au boulot ! (NB : il existe ça et là quelques difficultés difficilement contournables : l’enrochement granitique du sol breton par endroit et la présence de zones inondables)

Indépendamment du savoir-faire qui ne s’achète pas, le kit à posséder pour ce premier point : tronçonneuse, chaînes affutées, mélange essence huile 2%, huile de chaîne. Testé à l’occasion de cet épisode tempétueux : un quad comme moyen de transport : idéal pour contourner les axes encombrés, passe-partout, rapide. Un homme + un quad + une tronçonneuse = une équipe mobile d’intervention rapide.

Dans le même état d’esprit de préservation de ce qui est construit et dans la mesure du possible, faire en sorte que son habitation soit « hors d’arbres ». A défaut de pouvoir éloigner tout arbre des garages, hangars ou autres dépendances, la protection de l’habitat doit être une finalité recherchée.

Manger, boire, se chauffe, communiquer…l’essentiel face à une catastrophe naturelle comme la tempête Ciaran

Une fois les réseaux coupés, aller à l’essentiel. Sans parler de confort de quoi avons-nous prioritairement besoin ?

Manger et boire.

Une réserve de « survie » d’une semaine minimum devrait être stockée par tout un chacun (quantité à déterminer en fonction du nombre d’occupants au foyer). Comprendre par réserve tout ce qui n’est pas frais étant entendu que réfrigérateurs et congélateurs sont rendus, par définition, inopérants. Les conserves de tous types remplissent un rôle à ne pas négliger. Ne pas oublier dans ses réserves l’eau (absolument vitale) dont la distribution est assujettie par endroit à l’électricité (pompage). Pourquoi des réserves alors que des supermarchés sont à disposition et ouverts juste à coté ? Erreur ! Cas d’école : l’électricité a été interrompue grosso modo vers 2H30 jeudi 2 au matin. Pour la plupart des commerces alimentaires, elle est réapparue en fin de journée / début de soirée soit 18 heures d’interruption. Bilan : magasins fermés au moins le jeudi = chaîne de froid interrompue c’est à dire : rayons frais + congélation à la benne ! Dès la réouverture (essentiellement le vendredi) ruée populaire avec son cortège de contraintes (bousculades, irritations de certains, pénuries sur certaines références…)

(Se) Chauffer.

Chauffer afin de cuisiner, faire chauffer de l’eau (boissons chaudes, toilette sommaire).

Equipement primordial : une cuisinière à gaz avec un stock de bouteilles idoines. A défaut de gazinière, un réchaud fera l’affaire ou une cuisinière à bois (nous parlerons du combustible dans un point à venir). Les cuisinières électriques ou autres plaques induction ou vitro-céramiques sont sûrement très efficaces mais ne peuvent se concevoir sans un moyen de cuisson autonome complémentaire.

Le terme « chauffer » s’applique également au chauffage de nos intérieurs. Tous nos systèmes étant indexés sur l’électricité, il est important d’être équipé de moyens autonomes. A noter que les tempêtes sévères ont quasiment toujours lieu en période automnale / hivernale. Parler de moyens autonomes de chauffage c’est penser poêle à bois, cheminée avec insert ou non (dans lesquelles, l’on peut, accessoirement cuisiner aussi à minima), chauffages au gaz. Dans tous ces cas penser au combustible (évoquer plus haut concernant les cuisinières à bois qui, quant à elles, ont une double fonction) : stocker du bois sec prêt à brûler et / ou du gaz.

Communiquer.

1 / Recevoir l’information. Afin d’être tenu informé sans électricité une solution : une radio FM à piles (avec le petit stock de piles qui va bien avec). Les radios à dynamo ou celles fonctionnant sur batteries feront très bien l’affaire également. Pour celles fonctionnant à batteries, être équipé de batteries autonomes chargées appelées « power bank ».

2 / Transmettre l’information. Une fois les câbles sectionnés ou les relais non alimentés il est compliqué d’utiliser nos GSM. Un début de solution : être équipé de plusieurs téléphones (à prix modiques) et de lignes de différents opérateurs (pour quelques petits euros on peut en obtenir une). Retour sur le point précédent : alimentation des téléphones également via des batteries autonomes.

(S)’Eclairer.

Pour des questions pratiques évidentes mais aussi pour garder un moral intact et abaisser l’angoisse liée à un environnement sombre puis noir, il est nécessaire de pouvoir éclairer nos logements. Il existe toute une panoplie de systèmes : lampes, torches, lanternes, lampes-tempête… L’essentiel est d’en posséder quelques-unes pour éclairer les zones de vie courantes du logement. En parallèle un accessoire quasi indispensable : la lampe frontale. Pratique puisqu’elle vous laisse les deux mains libres et suit votre regard. Là encore comme pour les radios ou les téléphones mobiles penser aux piles ou aux batteries. Les traditionnelles bougies sont aussi un moyen complémentaire : privilégier celles possédant une autonomie importante.

Carburants.

Pourquoi stocker du carburant ? La situation est simple : les stations-service ne fonctionnent pas sans électricité. Moralité : stockage jerricans ou assimilé nécessaire. Pour quels usages : compléter nos réservoirs auto / moto, alimenter les groupes électrogènes, faire fonctionner nos outils thermiques (dont les fameuses tronçonneuses).

Hygiène.

Vu plus haut : certains secteurs géographiques sont dépendants du réseau électrique pour l’approvisionnement en eau courante. Pas d’eau = pas de vidange des WC. Option : en complément du trou au fond du jardin, des WC basiques de type « pot de chambre » (pour le confort, de la litière pour animaux au fond ou sciure de bois pour éponger, des sacs poubelle sont également adaptés pour cet usage).

Espèces.

Plus que jamais en cas de rupture, même simple, de la normalité, les espèces sont le seul moyen de paiement unanimement accepté. Les terminaux de paiement (pour cartes bancaires) sont hors service dès lors que les réseaux sont eux mêmes défaillants. Vu dans l’ensemble des commerces ces derniers jours : seules les espèces étaient acceptées (+ chèques pour ceux qui l’autorisent encore). Alors à vos boîtes à biscuits et autres doublures de matelas !

Si ces quelques rappels / recommandations / conseils vous sont (seront) utiles sachez qu’en toute circonstance votre meilleur allié sera votre mental. J’ai vu trop de personnes perdues, hagardes, paniquées au bout de 30 heures sans électricité / réseaux. Si nos sociétés sont fragiles et dépendantes tâchons de moins l’être…

PS : la question du groupe électrogène n’a pas été traitée volontairement. Un retour d’expérience sera proposé ultérieurement.

M.P

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

4 réponses à “Sociétés fragiles, sociétés d’argile. Analyse des conséquences de la tempête Ciaran en Bretagne et propositions”

  1. Philippe Burguburu dit :

    Avoir chez soi un onduleur à brancher sur la batterie de la voiture. C’est l’équivalent d’un petit groupe électrogène dont le moteur est celui du véhicule. D’une puissance de l’ordre de quelques dizaines de Watts il permet d’utiliser quelques lampes à diode, de recharger les appareils portables. Ne pas oublier de faire tourner de temps en temps le moteur du véhicule pour garder une batterie chargée.

    • kaélig dit :

      En faisant tourner le moteur en permanence au ralenti, on peut atteindre 1 000 W, de quoi faire tourner les outils. J’en ai un moi-même qui remplace mon groupe électro.
      En effet, l’alternateur qui fait office aussi de chargeur de batterie produit de 50 à 60 Ampères.

  2. Franck dit :

    Bel article. Avec les technologies de nos jours les gens ont oublié que la nature demeure malgré tout la plus forte, une mer déchainée est capable de faire d’un super tanker un torchon adossé à des rochers ou de dévaster une côte, les gens sont étonnés qu’il neige en hiver et qu’il fasse chaud en été, que les rivières fassent des crues dans des endroits que nos anciens ont soigneusement évité par le passé. On s’inquiète d’une tempête dans le Finistère, mais il y a cinquante ans c’était tous les ans, il arrivait souvent que les bateaux de pêche restent des semaines, voire des mois au port. On voit des bois et des talus abbandonés à leur sort, on n’entretient pas les forêts et on s’étonne d’avoir des incendies en été. Plutôt que de donner des milliards à l’étranger on ferait mieux de les employer pour entretenir notre pays, il y a surement un tas de gens qui aimeraient travailler dans la nature pour l’entretenir.

  3. Maignien dit :

    Excellent article. Mais surtout : les conditions de maintenances et de reparations des reseaux techniques , electriques et de telecom sont devenus obsoletes ! Fragilité, vétusté et vulnérabilité ne sont absolument pas pris en compte par Enedis et Telecom (qui ,?) . Ces entreprises sont devenues des operateurs commerciaux et financiers. Et plus du tout des operateurs techniques. Cette maintenance est reduite a une cascade de sous traitances opaque et sterile. Des millions de personnes sont victimes et otages de cette situation aberrante. Alors qu il faudrait un veritable plan ORSEC regional pour mettre a niveau ces infrastructutes essentielles.

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Culture & Patrimoine, Patrimoine

A la découverte des Saints Bretons. Le 28 avril, c’est la St Loudiern

Découvrir l'article

Social

Plus de 600 000 logements indignes en Bretagne administrative : la Fondation Abbé Pierre tire la sonnette d’alarme

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine, Sociétal

« La Bretagne c’est l’histoire d’un vieil homme qui ne cesserait pas de vivre ». Le 69ème numéro de la revue War raok vient de paraitre

Découvrir l'article

A La Une, Sport

En 2022, la Bretagne administrative compte 6 300 clubs de sport et recense 609 000 licences sportives

Découvrir l'article

Insolite

Cobac Parc va réouvrir en pays de Saint-Malo. En avant l’aventure !

Découvrir l'article

Santé

Cancers en Bretagne administrative : les chiffres clés et les disparités régionales

Découvrir l'article

Culture & Patrimoine, Patrimoine

Pèlerinage des Bretonnants à Sainte-Anne d’Auray le 7 avril : Un rendez-vous incontournable

Découvrir l'article

Santé

Reiñ ar gwad. Donner son sang – 4 Munud e Breizh

Découvrir l'article

Culture & Patrimoine, Dinan, Histoire

Dinan : Une lettre rare d’Anne de Bretagne exposée à la bibliothèque

Découvrir l'article

Economie, Social

4 e trimestre 2023 : en Bretagne administrative, l’emploi augmente plus qu’ailleurs et le taux de chômage reste bas

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky