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Longère celte, penn-ti ou maison néobretonne. L’habitat breton et ses caractéristiques en images

En image de Une, vous voyez la reconstitution d’une “maison longue” de l’An 1000. Sous un toit de chaume descendant presque jusqu’au sol, un espace unique de 30 m2, dont environ 10 pour les animaux. Pas de cheminée, mais un foyer au milieu de l’abri. Pas de murs, mais un muret de pierre qui supporte la charpente. Il ne s’agit pas d’un habitat de marginaux, mais bien du modèle retrouvé dans toutes les fouilles de la Bretagne médiévale et auparavant à l’époque gauloise.

900 ans plus tard, la longère bretonne obéit toujours au même schéma : une salle unique de 30 à 50 m2, à même la terre. On y cohabite parfois encore avec les bêtes, mais c’est en recul rapide. Maison de Marie, à Arzano, datant du 17ème siècle, telle qu’elle était vers 1900.

A chaque espèce son pignon, son extrémité du rectangle, de part et d’autre de la porte unique, avec normalement une cloison de bois entre les deux. Les animaux occupent la partie basse, ce qui évite les écoulements de purin vers l’espace humain. Centré sur la cheminée, ce dernier est aussi compartimenté qu’un sous-marin : cabines de couchage, rangements astucieux, coin repas éclairé par l’unique hublot. Carte postale, vers 1900

Les Petits Palets à Dol-de-Bretagne, probablement la plus ancienne habitation bretonne encore debout : construite vers 1150, mais largement modernisée après 1600. L’étage, les lucarnes-pignon et la cheminée datent certainement d’une époque beaucoup plus tardive que la fondation de la maison – Wikicommons

Le Boberil, dans la campagne de Rennes. Construit vers 1330, c’est le plus ancien manoir breton, et il est toujours dans la famille d’origine ! Demeure de la petite noblesse, un manoir était aussi une ferme exploitant en direct ou avec un métayer une vingtaine d’hectares. Il dérive dans sa forme de la longère paysanne et influence à son tour l’habitat populaire. Le Boberil a été soigneusement restauré en 2017 avec un enduit blanc conforme aux traces retrouvées sur les murs (plusieurs excellents documentaires sur You Tube) – Wikicommons

Manoir de la Touche, dans l’ancienne campagne de Nantes. Construit vers 1430, il abrita les derniers jours du duc Jean V. Une “maison longue” assez sobre, mais anoblie par l’ajout d’une tour-escalier, selon une coutume qui s’est poursuivie jusqu’au 20ème siècle : De Gaulle a ainsi fait ajouter en 1946 une tour à sa longère champenoise de Colombey-les-Deux-Eglises. La Touche disposait d’une étuve (l’équivalent de notre salle de bains) et de toilettes intérieures raccordées à une fosse septique -Wikicommons

Comme d’autres demeures rurales aisées, La Touche avait un étage noble résidentiel, au-dessus d’un rez-de-chaussée occupé par les domestiques, à l’ambiance plus rustique.

On retrouve un schéma identique dans les maisons néobretonnes sur sous-sol : les pièces à vivre sont en haut, le garage en bas, avec le coin bricolage de Papi, la friteuse et la galetière de Mamie, bref tout ce qui est odorant et encombrant.

Malouinière de Jacques Cartier, dans la campagne de Saint-Malo. L’explorateur achète en 1541 une longère typique (bâtiment de gauche), à laquelle il fait ajouter le bâtiment de droite avec sa tour-escalier.

La partie ancienne abrite désormais les domestiques et les valets de ferme, qui logent dans le grenier, accessible en échelle par l’ouverture haute. L’ancienne crèche devenue écurie (porte rectangulaire toute à gauche) donne toujours sur l’ancienne salle commune devenue cuisine (porte à arcade et fenêtre).

Cartier et sa femme se réservent le nouveau bâtiment, aux finitions intérieures soignées. La distinction ferme / résidence se fait dans ce cas dans la longueur, de la gauche vers la droite.

De façon typique, les ouvertures sont dispersées sur la grande façade sud, selon la hiérarchie des pièces. Le mur dépasse du toit (chevronnière) : à l’origine, la couverture devait être de chaume -Wikicommons

Vue de Rennes, 1543. Les maisons sont déjà aux “couleurs de la mouette” : blanche et bleue-grise. Manuscrit de la Vilaine, Gallica, Bibliothèque nationale de France. Attention : représentation idéalisée.

Vue de Rennes, 2019. Depuis le Moyen Age, l’étendue de la capitale bretonne a été multipliée par 500 (de 9 à 5000 hectares), sans compter l’agglomération – Pymouss, Wikicommons

Vue du pont de Messac, 1543. Les longères rurales du pays de Rennes ont ici une couleur ocre. Elles étaient souvent en terre et recouvertes d’un enduit qui pouvait mélanger terre, paille et même bouse de vache. Egalement utilisée, la chaux donnait un rendu plus blanc. Manuscrit de la Vilaine, Gallica, Bibliothèque nationale de France

Vue du pont de Messac, 2004 – Wikicommons

En 1702, Yvon Cornec, un agriculteur aisé, fait construire cette longère, agrandie d’une extension en façade (apoteiz, sur la partie droite). Cela reste avant tout une ferme : le rez-de-chaussée est une grande salle partagée au quotidien avec vaches et cheval. Sous l’escalier, une soue : le cochon a été historiquement le premier à être exclu de la salle commune.

L’escalier à auvent est fréquent dans les maisons traditionnelles aisées comme plus tard dans les contemporaines. Ti Cornec à Saint-Rivoal dans les Monts d’Arrée -Wikicommons

Bretonne contemporaine à apoteiz. Le mur dépasse des ardoises formant une “épaule de toit” (chevronnière) ; la porte est en arcade ainsi que la niche à côté ; les ouvertures sont dissymétriques et mises en valeur, imitant les anciennes chaumières, dans une recherche esthétique et identitaire. Des crossettes sur l’apoteiz, un chaînage de granit sur l’angle et une lucarne-pignon complètent le dispositif architectural – capture d’écran du site “de la lande au jardin”

Animaux jouant bombarde et biniou au-dessus d’une fenêtre, ferme de Lisquily (1722), Guerlédan – Wikicommons

La fenêtre reste un élément décoratif dans l’architecture bretonne contemporaine. Ici un format oeil-de-boeuf (lomber).

Maison du 18ème siècle, dont l’enduit blanc s’écaille. Ce dernier servait à masquer la terre ou les pierres grossières, alors qu’on laissait bien visibles les pierres taillées.

Le port de Quimper en 1857, Eugène Boudin. Le ports bretons affichaient une ligne d’horizon bleue et blanche. La maison néobretonne a sauvegardé ce type de panorama dans la plupart des petites villes actuelles.

Penn-ti (“bout de maison”). C’était la longère typique des paysans sans terre jusqu’au 20ème siècle. Egalement surnommé “Manoir des Trois Trous” : une porte, une fenêtre, une cheminée.

Par comparaison aux fermes plus aisées, il est plus basique et n’a pas de cour ni de bâtiments extérieurs. Pour ce qui est de l’habitat proprement dit, il n’y a pas de si grandes différences : vers 1900, même des paysans moyens se contentent d’une pièce unique pour toute la famille -Wikicommons

Maison natale de Per-Jakez Hélias à Pouldreuzic.

Paysan et cantonnier, le grand-père de l’écrivain commence par être locataire d’un penn-ti qu’il partage avec ses 8 enfants, un cochon et une vache.

Coup de chance exceptionnel pour l’époque : en 1902, il obtient un prêt et accède à la propriété d’une “maison entière” beaucoup plus confortable : le bâtiment ci-dessus aux volets marrons. Elle dispose d’un appentis (outils, lapins et toilettes), d’une cour et d’une crèche extérieure (où sont relogés les animaux).

L’habitation proprement dite a 2 pièces de part et d’autre d’un couloir central : l’une est la salle commune de la famille ; l’autre est mise en location, avant d’être plus tard transformée en chambre des filles. Il y a aussi un grenier double à l’étage, où sont stockées les récoltes et où sera aménagée après 14-18 une chambre supplémentaire, celle de l’écrivain. Dans sa petite enfance, l’auteur du Cheval d’Orgueil avait commencé à partager avec son grand-père un lit-clos au rez-de-chaussée. Wikicommons

Une néobretonne classique des années 1970, mix entre le penn-ti et les manoirs d’antan. Elle est proposée sur catalogue par les promoteurs, avec plus ou moins d’options, mais le choix final appartient aux futurs propriétaires. Ces derniers ont très majoritairement voté pour la tradition modernisée, suscitant l’incompréhension des architectes d’avant-garde.

Immeuble de style néobreton. En Bretagne, la maison individuelle reste majoritaire à 70 %. “Gwelloc’h un ti bihan bouedeg evit un ti bras aveleg”, dit un proverbe : “Mieux vaut une petite maison (bien) nourrie qu’une grande maison (traversée) de courants d’air !”

Récapitulatif des 16 caractéristiques de la maison populaire bretonne à travers les âges

  • le plan rectangulaire (ti hir) : la maison bretonne appartient au type de la longère, maison traditionnelle au plan rectangulaire, dominante dans le nord-ouest de la France, dans le Massif Central, et au-delà : jusqu’en pays de Galles, où elle prend le nom de ty-hir (“maison longue”, ce qui donnerait ti hir en breton).

    Le plan en longueur avait pour finalité la cohabitation hommes-animaux sous un même toit : aux premiers le “haut-bout” (penn-krec’h), aux seconds le “bas-bout” (penn-traon).

    Cette cohabitation dans des maisons rectangulaires est très ancienne et a des antécédents celtes (exemple parmi beaucoup d’autres : la ferme gauloise de Keralio à Pont Labbé, vers -500). Après l’intermède romain, elle revient en force au Moyen Age, aurait été encore dominante vers 1700, avant de commencer à disparaitre à partir de 1850. Dans les années 1930, elle est toujours attestée à Bulat-Pestivien, dans la Bretagne intérieure (Meiron-Jones), et les ultimes souvenirs la concernant en divers endroits de Bretagne datent de 1950 environ (Patrick Hervé).

  • penn-ti ou “maison entière” : même après le départ des animaux, la division en deux du rectangle reste dans les habitudes : le côté de la cheminée concentre toute la vie, tandis que l’ancien côté des bêtes devient un débarras ; au moment des veillées, c’était le coin des femmes, où elles s’isolaient pour papoter, selon une observation de l’écrivain et ethnologue Anatole Le Braz (1859-1926).

    Par la suite, le “bas-bout” est transformé en laiterie (1), en pièce de réception ou en chambre supplémentaire. Selon P.J. Hélias, cette deuxième pièce distingue “la maison entière” du simple penn-ti (“bout de maison”). Mais le penn-ti se différencie aussi et surtout comme étant “sec”, c’est-à-dire sans cour, sans bâtiments annexes, sans terres, donc réservé à des ouvriers agricoles qui n’en sont que locataires.

    Penn-ti ou pas, la pièce unique est longtemps caractéristique de l’habitat rural breton : elle est courante vers 1900, y compris chez des agriculteurs relativement riches, on la mentionne ici ou là jusqu’à la modernisation agricole des années 1960. (2)

  • la porte en arcade au centre de la grande façade : c’est par une porte unique que bêtes et humains entraient pour rejoindre leur zone respective. Elle devait donc nécessairement se situer vers le centre d’un des côtés longs (en général celui exposé au sud).

    La porte bretonne est mise en valeur par un encadrement en granit, souvent en arcade romane. Le but est de supporter la structure en un point délicat (un vide), d’en imposer au visiteur et peut-être de protéger magiquement la famille contre les dangers venant de l’extérieur, contre le monde de la nuit.

    Le seuil (treuzou) représentait une frontière symbolique. En journée, la porte restait souvent ouverte, mais le visiteur devait marquer un temps d’arrêt en-deçà de la pierre de seuil, en attendant d’être invité à entrer. Dépasser les bornes se dit ainsi en breton aller “par-dessus le seuil” (dreist an treuzou) et parler sans cachotterie, “ne pas avoir de seuil à sa porte”.

    Le Braz rapporte même une coutume ancienne qui voulait que dans une maison nouvellement construite, le premier à franchir le seuil soit un animal : car la mort l’emporterait fatalement dans l’année. A l’inverse, il fallait ouvrir la fenêtre pour laisser partir l’âme d’un défunt.

  • les fenêtres asymétriques encadrées de granit : idéalement orienté nord, le long mur arrière est en général aveugle (c’est contre ce mur que s’appuyait la rangée d’armoires et de lits clos) ; aveugles également les deux pignons est et ouest.

    Rares mais se multipliant au fil des siècles, les fenêtres se concentrent donc sur la grande façade sud, autour la porte, dont elles partagent l’encadrement granitique pour les mêmes raisons pratiques et symboliques.

    Dans les plus anciennes maisons, leur forme, leur taille et leur répartition sont dissymétriques : elles sont en effet réduites au maximum côté animal et augmentent en fonction de la hiérarchie des pièces.

    La plupart des maisons contemporaines reprennent cette irrégularité baroque pour son cachet esthétique. C’est aussi une manière de donner une individualité à des habitations choisies sur catalogue.

  • le toit triangulaire : métaphoriquement, le toit breton évoque les grandes vagues de l’océan (en langue figurée,”toenn mor” = “toit de mer” = vague de tempêtes). Son inclinaison peut aller en effet jusqu’à 60 degrés, 2 à 3 fois plus que les mas provençaux.

    Une pente évidemment destinée à affronter les pluies atlantiques, pente d’autant plus forte que les couvertures étaient anciennement en matière végétale : elles auraient pourri en cas de stagnation de l’eau.

  • de la chaume à l’ardoise : l’emploi de l’ardoise (maen glas, la pierre bleue) est une innovation médiévale, d’abord réservée aux églises et aux châteaux, puis aux villes et aux maisons rurales les plus aisées. C’est seulement après 1800 que la chaumière (ti plouz) est progressivement supplantée par la maison d’ardoise (ti sklent). En 1856, la majorité des maisons de Callac (dans la Bretagne intérieure) sont encore sous chaume. En 1900, 20 % des maisons bretonnes auraient été encore couvertes de chaume (Patrick Hervé). Aujourd’hui, cet dernier est résiduel, on le trouve encore en Morbihan et en Brière et de façon très ponctuelle ailleurs.

    Il faut aujourd’hui compenser la disparition du chaume par une isolation des combles. La couche végétale était en effet un isolant naturel (toutefois deux fois moins efficace à épaisseur égale que la laine de verre actuelle). Isolants également, les murs en terre-paille, à la différence de la pierre.

  • vraie pierre ou parpaing : à partir des Romains, la pierre maçonnée est devenue le matériau le plus prestigieux : pierre de taille (maen-ben), ou à défaut des moellons (maen -boued) petits et grossiers mais moins coûteux, plus récemment le parpaing, bloc de pierre reconstituée (brikenn c’hris, “brique grise”).

    Mieux adaptés à nos climats, la terre, la paille et le bois étaient davantage employés par les Gaulois et les Bretons médiévaux. Ils font aujourd’hui un timide retour dans le cadre du développement durable : maisons à ossature bois, bardage extérieur des murs pour isoler les néobretonnes, en bois mais aussi en pvc, ce qui fait moins gaulois.

  • la couleur blanche : elle recouvre le parpaing comme elle recouvrait les moellons et la terre, un peu comme un cache-misère.

    On trouve dans la documentation peu de données sur la couleur des maisons bretonnes dans le passé. Les photos et peintures du 19ème siècle montrent une réalité double, soit pierres grises apparentes soit teintes plus claires, ces dernières semblant plus courantes dans les villes et sur la côte.

    Un document de 1543 suggère que les couleurs de la mouette (bleu-gris des toits, blanc des murs) étaient déjà courantes dans la région de Rennes, où la tradition de l’habitat en terre et bois s’est maintenue plus longtemps. Les murs y étaient badigeonnés d’enduits plus ou moins clairs selon leur composition.

    Plus anciennement encore, de l’argile blanche était employée dans les maisons gauloises en terre, celles-ci n’avaient donc pas forcément l’aspect brut de décoffrage qu’on imagine.

  • les contours en granit : sur la plupart des maisons anciennes et contemporaines, la grande pierre bien taillée est absente pour des raisons économiques ou se trouve seulement là où elle est utile : encadrement des ouvertures, angles et partie basse des murs, sommets des pignons, haut des cheminées (souche).

  • le chaînage d’angle : ce sont les pierres de taille qui assurent la solidité de la jointure entre pignons (côtés courts du rectangle) et longères (côtés longs).

  • les épaules de toit (skoaz toenn) : appelées également chevronnière, ce sont les pierres de taille qui forment la limite supérieure des pignons. Etant plus grandes que les moellons, elles ont besoin proportionnellement de moins de joints, ce qui limite les risques d’infiltration. Elles dépassent parfois le toit : cela permettait de protéger le chaume contre le vent.

  • les coins-chapes (korn chap) : appelées aussi crossettes, ce sont les pierres taillées les plus basses de la chevronnière, descendant plus bas que le toit. Elles servaient à protéger la couverture de chaume, qui débordait du toit. Autrefois sculptées, elles représentaient souvent des têtes d’hommes dévisageant le passant (comme pour le mettre en garde contre de mauvaises intentions).

  • une cheminée à chaque pignon : dans l’habitat populaire médiéval, le foyer se trouve au centre de la salle unique et l’évacuation de la fumée se fait par la porte et à travers le chaume.

    La canalisation de la fumée par un conduit de cheminée est une technologie qui se diffuse dans l’habitat populaire seulement après 1500. Selon Gwyn Meiron-Jones (spécialiste des architectures vernaculaires galloise et bretonne), il faut même attendre le 19ème siècle pour qu’elle soit totalement généralisée en Bretagne.

    Dans cette nouvelle configuration, le foyer est déplacé vers le pignon, côté haut-bout, le conduit pouvant s’y appuyer sur la maçonnerie. La cheminée devient le point le plus haut de la maison ; trois pierres blanches de quartztite disposées en pyramide dans la maçonnerie du pignon étaient censées protéger l’habitation de la foudre.

    Dans un deuxième temps, le pignon du bas-bout a été lui aussi équipé d’une cheminée, du moins dans les maisons les plus aisées, quand une nouvelle pièce chauffée a remplacé la crèche des animaux.

    Dans les maisons contemporaines, la double souche de cheminée est systématique, peut-être par souci de symétrie.

  • les combles aménageables : d’abord simple muret supportant la charpente et empêchant les remontées d’humidité, la maçonnerie n’a cessé de gagner en hauteur au fil des siècles. Cela a relevé le toit, créant ainsi un vaste espace sous les combles.

    Selon Meiron-Jones, la création d’un plancher (solier) intermédiaire entre la salle du bas et la charpente est aussi tardive que l’arrivée de la cheminée (c’est-à-dire entre 1500 et 1850). Cette petite révolution a permis la mise en place d’un grenier (grignol, réserve des grains et des autres récoltes). Cet étage sous les combles (2ème sens du mot solier) abritait à l’occasion, dans une bonne odeur de foin, les siestes crapuleuses prises à l’écart de la salle commune (solieran, “monter à l’étage”, euphémisme pour faire l’amour).

  • lucarnes d’orgueuil ou simples vélux : on accédait au grenier par une échelle extérieure à travers une ouverture basique (oued).

    Par la suite, cette ouverture est travaillée de façon plus soignée pour devenir une véritable fenêtre en lucarne, surtout quand l’étage est aménagé en chambre. Elle pouvait être en pierre sculptée ou plus simplement en bois.

    Reproduction à petite échelle de la maison toute entière, la lucarne-pignon, aux formes rectangulaires parfois élancées, est le modèle le plus répandue, hier comme aujourd’hui. Moins classe mais plus abordable, le vélux fait aussi l’affaire.

  • “sur sous-sol avec garage” : les manoirs et les fermes les plus aisées s’étendaient en hauteur, avec l’ajout d’un étage supplémentaire entre le rez-de-chaussée et les combles. Ce nouvel espace était souvent un “étage noble” (réservé au propriétaire), tandis que le rez-de-chaussée restait la pièce des travailleurs de la terre.

    Ce schéma se retrouve se poursuit jusqu’à nos jours. Hélias remarque que vers 1920 encore, construire une maison à étages était signe de réussite. On accusait alors l’heureux propriétaire de “péter entre ses épaules” (= plus haut que son cul), avec peut-être le double sens du mot épaule en breton.

    Dans nombre de maisons bretonnes contemporaines, les pièces à vivre sont en hauteur, surplombant un espace en sous-sol où est relégué ce qui est encombrant : les outils, la chaudière à mazout, la machine à laver, la friteuse, la galetière…

    L’escalier extérieur menant à cet étage était également un signe de richesse. Il était mis en valeur, par exemple par un auvent en pierre, élément de distinction adoptée par certaines bretonnes contemporaines. Dans les demeures moins riches, plus modestement, l’escalier a été installé en intérieur, face à la porte d’entrée, au point de jonction entre les deux bouts de la longère : c’est la “maison à couloir central” (correspondant à la maison natale de P.J. Hélias).

  • l’extension en façade (apoteiz) : après 1600, des longères des Monts d’Arrée sont agrandies en surface, côté haut-bout, par une avancée perpendiculaire à la façade et se terminant par une fenêtre. Cette extension permet de créer, au sein de la grande salle commune, un coin repas dédié appelé kuzh taol (“cache-table”).

    On retrouve ce type d’extension dans de nombreuses maisons bretonnes contemporaines.

Enora

Pour aller plus loin :

  • “Maisons paysannes en Bretagne”, Patrick Hervé, Skol Vreizh, 1991
  • “Le Cheval d’Orgueil”, P.J. Hélias, 1975 : pages 16, 27, 33-36, 321,328, 486, 502.

1) Jean-Paul Simon,”Fils du Trégor”, 2022.

2) Marie-Paule Gicquel a encore connu la pièce unique dans les hameaux du Porhoët des années 50. Dans les bourgs au contraire, la maison à étage avec des pièces différenciées était déjà dominante. (“En finir avec la honte de nos racines paysannes”, 2023)

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8 réponses à “Longère celte, penn-ti ou maison néobretonne. L’habitat breton et ses caractéristiques en images”

  1. louis dit :

    tres bon article bien documenté

  2. Durandal dit :

    Bonjour,

    Les enduits ne sont pas décoratifs. Le décoratif était forcément utile à cette époque. Les enduits servent toujours à protéger les murs de terre et même les jointures. Pas très nécessaires sur certaines maisons de granit, je suppose qu’il faut y voir le poids des habitudes.

    Très bon article.

    M.D

  3. E G dit :

    Excellent

  4. balaninu/pontaven dit :

    Merci beaucoup pour cet article fort bien documenté.

  5. kaélig dit :

    Très bonne description technique et pédagogique.

  6. Erwan Berric dit :

    Très intéressant, malheureusement j’ai renoncé à lire la totalité de l’article. Comme d’autres lecteurs ont dû vous le faire savoir, votre nouvelle présentation est une catastrophe pour les yeux des plus de cinquante ans.
    Le choix de la police de caractères est incompréhensible car elle est absolument illisible.
    Quel était le problème avec l’ancienne formule?
    Rendez nous Breizh Info, s’il vous plaît !

  7. Dir Ha Tan dit :

    Erwan Berric: vous pouvez agrandir la taille des caractères en appuyant sur les trois boutons en haut à droite de l’écran et en augmentant le pourcentage. Cela devrait rendre le texte plus lisible pour vous.
    vous pouvez essayer :
    Utilisez le zoom de votre navigateur : La plupart des navigateurs web vous permettent de zoomer sur une page web en utilisant la combinaison de touches Ctrl + Molette de la souris. Vous pouvez également utiliser la fonction de zoom avant du navigateur, généralement accessible via l’icône “loupe” dans la barre d’outils.
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    Ctrl + “+” pour agrandir la taille des caractères.
    Ctrl + “-” pour réduire la taille des caractères.

  8. Alain de Saint-Sauveur dit :

    Article passionnant, très documenté et exhaustif. Très intéressants, ces allers-retours entre l’ancien et le contemporain montrant la persistance de la tradition. Et que l’on ne nous dise plus qu’il n’y a pas ce culture bretonne !

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