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Justice, corruption, culture, systéme politique toxique : les défis de Javier Milei en Argentine

Les succès de la politique budgétaire de Javier Milei et ses conséquences immédiates, la baisse brutale de l’inflation sont de bon augure pour l’Argentine, mais ne suffisent pas à assurer à ce pays austral son entrée dans la cour des grands.

L’Argentine est certes un pays avec un grand potentiel, mais les obstacles sur sa route vers le développement économique restent nombreux.

Un potentiel démographique fracturé

Contrairement à ce que laisse croire une certaine historiographie, les Argentins ne sont pas tous venus d’Europe en bateau. Cette légende est confortée quand on voit le visage de l’Argentine publique, celle qui se pavane sur les plateaux de télévision, dans les quartiers chics ou sur les bancs des assemblées.

Certes, les Européens et leurs descendants représentent un petit tiers de la population. Les créoles hispaniques un tiers et le reste sont des populations d’origine indigène où l’apport de sang européen est réduit voir nul. Les Argentins les désignent d’un qualificatif peu amène : « los negros ».

Largement dominants dans les régions rurales, ailleurs que dans la pampa ou la Patagonie, ils sont longtemps restés dans leurs villages et c’est l’exode rural de ces cinquante dernières années qui les a conduits massivement dans les faubourgs des grandes villes, d’abord dans des bidon villes (villas miseria) puis dans ces urbanisations improvisées (villas) et ensuite dans des constructions de toute nature qui encerclent les villes.

C’est ce déplacement massif de population qui a changé la démographie urbaine. Il suffit de comparer une photo de l’avenida Corrientes à Buenos Aires de 2024 avec une de 1954 pour comprendre l’amplitude du changement démographique.

Ces trois populations qui font l’Argentine se côtoient mais ne se mélangent que peu. Je me souviens d’un séjour dans la petite ville de Magdalena, dans la province de Buenos Aires, où je me suis rendu à deux événements différents. Le premier, un match de foot où dominaient les habitants les plus pauvres. Le soir, à une réunion d’une société dédiée à l’histoire locale où je n’ai vu que des Européens et des Créoles. Les autres auraient pu parfaitement venir, mais ça ne les intéresse pas.

Cette stratification a des conséquences économiques. L’intégration dans la vie économique, l’entreprenariat est entre les mains des Européens et dans une moindre mesure des Créoles. Les autres sont absents, même des emplois salariés. Beaucoup vivent totalement en marge de la vie économique. Ce sont eux qui ramassent des cartons ou des bouteilles vides dans les rues pour survivre. Ce sont eux aussi qui dominent dans la criminalité violente où l’on tue une personne pour lui voler son téléphone portable. Ce sont eux qui encombrent les prisons et qui n’en sortent que pour récidiver.

La seule solution pour réduire l’abîme qui isole ces populations du développement économique est l’éducation des enfants, mais depuis l’avènement de la gauche au pouvoir voici vingt ans en Argentine, le système éducatif public a connu un effondrement sans comparaison avec d’autres pays comparables. À juste titre, le président Milei a fait de l’éducation une de ses priorités. Mais la marche est rude à franchir.

Un système judiciaire perverti

Un des grands freins au développement économique en Argentine est l’inefficience de la justice. Juges corrompus, un fonctionnement très lent, des lois faites pour préserver les situations acquises… L’état des lieux de la justice en Argentine est une catastrophe. Aucun citoyen n’a confiance dans le système et sait que son sort ne dépend pas de la justesse de ses arguments mais de l’influence de son adversaire.

Il existe heureusement des juges intègres, des procureurs opiniâtres, mais le reste de la boutique est pourri jusqu’à l’os. Ce sont de vastes écuries d’Augias et malheureusement Milei n’est pas un Hercules assez fort pour les nettoyer. 

Une corruption endémique

Le monde hispanique n’a jamais intégré la notion d’État telle qu’elle fut mise au point en France partir du XVIe siècle. Le modèle de société traditionnelle qui s’est développé durant la période monarchique avait intégré des contre-pouvoirs, notamment l’institution royale qui contrôlait ses représentants grâce à une surveillance des enrichissements illicites durant les mandats. L’irruption des républiques indépendantes au début du XIXe siècle a conduit à la disparition des contre-pouvoirs et à la mise en coupe réglée des ressources publiques par les gouvernants et par les personnes détentrices de l’autorité publique à tous les étages de la société. Le cas de l’Argentine est emblématique d’une corruption systématique, d’une mise en coupe réglée du pays par une classe politique parasitaire et aussi par des entrepreneurs prébendaires vivant en symbiose avec le monde politique, notamment tous ceux liés à des travaux publics.

Un système politique toxique

Vingt ans de vie politique dominée par l’extrême gauche ont conduit l’Argentine à la faillite et au chaos, non seulement par les politiques économiques clientélistes suicidaires des gouvernements kirchnéristes successifs, mais aussi par le développement de structures militantes d’extrême gauche qui grâce à leur rôle dans l’a distribution des subsides de l’État aux plus pauvres ont mis en coupe réglée des populations entières, gagnant ainsi le surnom de « gérants de la pauvreté ».

L’élection de Javier Milei à la présidence est un pas en avant, mais il lui manque encore les appuis parlementaires pour pouvoir mener son programme. Des nouvelles élections en 2025 entérinant un renouvellement partiel du parlement lui facilitera la tâche mais guère plus 

Une bataille culturelle à mener

Le principal atout de Javier Milei est d’avoir compris que rien ne pourra se faire en Argentine s’il ne gagne pas la guerre culturelle d’abord. Le kirchnérisme a pu obtenir le soutien de la gauche et de l’extrême gauche et durer car il a imposé leurs thèmes en censurant tous les autres. Avec cynisme, le kirchnérisme s’est emparé de toutes les obsessions woke, les unes après les autres, et les a introduites de force dans l’espace public sans que la droite libérale ose lui contester ce terrain.

Javier Milei a au contraire, pris des positions publiques qui s’attaquaient aux vaches sacrées du progressisme. Il a fermé l’institut de lutte contre les discriminations, fermé l’institut du cinéma, coupé le robinet du financement public aux gérants de la pauvreté et mille autres mesures.

Toutefois, l’exemple le plus patent de cette guerre culturelle que mène le président est son refus du mythe des trente mille disparus que les héritiers de la guérilla marxiste ont imposé à partir des années 1990 et qui leur sert de fondement moral pour conserver la domination culturelle et morale. 

Fermer les plaies de la guerre civile

On peut parler d’une véritable guerre qui a opposé les combattants communistes aux Forces armées. Sur le modèle de la révolution castriste à Cuba, les guérilleros ont commis des atrocités au nom de leur idéologie pour renverser un gouvernement élu par le peuple puis le régime militaire. Quelques chiffres : 4380 attentats à la bombe et 17 382 victimes dont 1094 assassinats, 758 enlèvements et 2368 blessés.

Ce furent des années terribles : toutes les cinq heures un assassinat, toutes les trois heures un attentat à la bombe. Chaque matin, les Argentins avaient peur d’apprendre qu’un ami, un parent, un voisin avait été tué par la guérilla. Finalement, avec l’aide de la population, l’Armée et la police sont venues à bout de cette horde fanatique.

Comme dans toutes les guerres, l’inhumanité règne en maître. Aux crimes horribles de la subversion ont répondu les crimes des forces de l’ordre, une situation que les Français ont bien connue dans leur propre histoire. En 1986, le président Raul Alfonsín fait voter deux lois cherchant à pacifier le pays en promouvant la concorde nationale en tirant un trait sur le passé, tant pour les militaires et les policiers que pour les subversifs. En 1989, le président Carlos Menem suivant l’exemple français de l’après-guerre, fait voter une large mesure d’amnistie.

En 2003, un gouvernement opportuniste présidé par Nestor Kirchner, pour avoir le soutien de la gauche, a annulé la loi de pacification et, immédiatement, sous l’impulsion des organisations dites des « droits de l’homme » des juges carriéristes ont multiplié les procédures contre des militaires qui sont allés en prison sans même une condamnation ferme. Il en reste aujourd’hui 109 en prison, tous entre 80 et 100 ans d’âge. On put à bon compte considérer ces vieillards comme des prisonniers politiques parce que, pour satisfaire les héritiers du terrorisme et les renvoyer devant un tribunal, l’État argentin a dû violer, déformer et « manipuler » toutes les garanties et droits constitutionnels, créant une situation juridique illégale et totalement éloignée des principes les plus élémentaires du droit. Voici quelques points saillants : Ils ont été jugés par des tribunaux incompétents et illégaux. Ils ont été poursuivis et condamnés lors de procès illégaux et irrémédiablement nuls.
Ils ont subi un nouveau jugement après avoir déjà été acquittés avec un jugement définitif pour les mêmes faits. Ils sont accusés en regroupant de manière généralisée les cas pour tous les accusés, simplement parce qu’ils étaient membres des forces armées au moment des faits, sans nécessiter de preuve concrète de leur participation réelle.

Le seul Code pénal en vigueur au moment des faits prétendument jugés, qui était le Code de justice militaire, a été inconstitutionnellement écarté pour leur jugement.
Il y a eu une violation systématique et répétée des garanties constitutionnelles du principe d’égalité et du droit à un procès équitable.
Les condamnations sont basées sur des preuves qui ne respectent pas les formalités légales. Les détentions préventives dépassent largement les limites fixées par la loi.

Non seulement les militaires et les policiers ayant combattu la subversion ont fait l’objet d’une parodie de justice, mais les anciens terroristes ont été grassement indemnisés et obtenu des sinécures bien payées. En revanche, les victimes ont été oubliées. Non seulement non seulement elles ont été complètement ignorées, mais elles n’ont pas été indemnisées et leurs bourreaux ne sont pas poursuivis.

Ce mythe des trente mille disparus durant le régime militaire (environ huit mille morts sont identifiés, y compris aux tombés les armes à la main ou exécutés par leurs camarades révolutionnaires) est la clef de voûte de la légitimation de la gauche argentine. En s’y attaquant, le président Milei et la vice-présidente Victoria Villarruel font preuve d’un courage politique certain. Ils ont déjà commencé en arrêter les indemnisations colossales aux « victimes » du régime militaire et demandent le remboursement des sommes indûment perçues.

L’Argentine à la croisée des chemins

Pour vaincre les obstacles sur sa route, l’Argentine doit d’abord changer de culture sociale et politique. C’est la force de Javier Milei de l’avoir compris et de mener tous les jours cette lutte. A titre d’exemple, il a décidé de se rendre au meeting de campagne des élections européennes du parti espagnol Vox, totalement ostracisé en Espagne par l’establishment politique et médiatique. Il y fera probablement la connaissance d’Eric Zemmour et de Marion Maréchal car Reconquête est associé à ce parti espagnol.

Javier Mileil va-t-il gagner son pari et transformer l’Argentine ? Il est encore trop tôt pour le dire mais le fait d’avoir compris que la guerre se gagne d’abord dans les têtes est son meilleur atout pour réussir.

 Trystan Mordrel

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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6 réponses à “Justice, corruption, culture, systéme politique toxique : les défis de Javier Milei en Argentine”

  1. Bernard-Marie CHANTREAULT de GUILDARE dit :

    Très bel article et très juste (vrai ).

  2. Gaï de Ropraz dit :

    Toutes mes félicitations à Trystan Mordrel.

    Une telle écriture, saupoudrée d’une telle justesse analytique, on en redemande !…

  3. GROLLEAU dit :

    Un très bon article. Il est important d’analyser les situations politiques au vu de la réalité de chaque pays et non des jugements à charge des médias mondialistes engagés. La situation de l’Argentine était catastrophique et faut-il à son nouveau dirigeant une force de conviction hors normes pour pouvoir appréhender la tâche de redressement du pays.
    Merci pour cet article.

  4. Henri dit :

    “Ce mythe des trente mille disparus” me fait penser à un mythe communiste créé en 1944 et resté vivace quatre-vingt ans après ! L’historien Claude Pennetier, dans “Les fusillés 1940-1944”, écrit : « Les communistes ont repris le nombre (75.000 fusillés communistes) à la Libération, avant de prendre conscience qu’il était déraisonnable. Le nombre de fusillés atteindrait un peu plus de 4000, en bonne partie communiste, 80% environ ; si on prend la totalité des fusillés, exécutés ou des massacrés, on arrive plutôt à 20000 Et en comptant de façon large, sur ces 20000 fusillés et massacrés, 5000 étaient communistes ! le nombre de 75000 est un mythe entretenu ».

  5. patphil dit :

    milei s’attaque à la corruption et impose des lois sensées, le peuple argentin en redemande

  6. Raphaël dit :

    Voilà l’homme politique qui a la plus grosse paire de burnes de la planète.
    Les politicards de tous bords devraient le prendre en exemple : la tronçonneuse et Fuera !

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