Prochaines élections municipales à Nantes : ils veulent « rassembler »

Dès maintenant  la droite nantaise s’agite en vue des élections municipales de 2026. Sa cible : Johanna Rolland (PS), ancienne assistante parlementaire de Jean-Marc Ayrault, puis première adjointe de Patrick Rimbert de juin 2012 à mars 2014 et devenue maire en avril 2014. Les chapeaux à plumes de la droite ne veulent pas que Mme Rolland fasse un troisième mandat.

En politique, on trouve toujours des gens soucieux de jouer un rôle – historique de préférence – sans être candidat. C’est le cas de Frédéric Aubry à Nantes. Notre homme a créé un collectif citoyen « Les Nantais parlent aux Nantais » (sic) qui ambitionne de travailler à l’accouchement d’une liste unique  – droite et centre – aux élections municipales de 2026. Aubry est un vieux de la vieille puisqu’il a été adhérent du RPR en 1981, deux fois colistiers aux municipales en 1995 et 2001 ; on l’a retrouvé suppléant du candidat  Anthony Béraud (LR) aux dernières législatives. Avec son bâton de pèlerin, il fait le tour des candidats potentiels et des leaders pour leur vanter les mérites de l’union ; on pense tout de suite à Laurence Garnier (LR), sénateur de Loire-Atlantique, Mounir Belhamiti (Renaissance), député de Nantes-Orvault, Sarah El Haïry (MoDem), député de Nantes-Carquefou (actuellement ministre délégué à l’Enfance, à la jeunesse et aux familles), et Julien Bainvel (LR), conseiller municipal et régional.

Les membres  du collectif « Les Nantais parlent aux Nantais » y croient ou font mine d’y croire. « L’idée, c’est de laisser les ego et les querelles du passé de côté ! », dit l’un. « L’avenir nous le dira. Mais nous y croyons. Le coup est jouable cette fois de battre la gauche si on part unis ! », dit un autre. Avec les cadres de la droite nantaise, on n’est jamais déçu : « Vouloir battre Johanna Rolland est une chose. Mais cette union ne peut se faire que sur un programme discuté et partagé ». Les plus réalistes songent à mesurer les chances de la ministre déléguée au moyen d’un sondage : « Seul un parti a les moyens de mettre 15 000 euros sur la table pour le commander » (Ouest-France, Nantes, lundi 13 mai 2024). Il n’y a pas que les partis capables de fournir les fonds nécessaires… les milieux d’affaires sont également habitués à « subventionner » la politique et les politiciens prometteurs… Surtout s’ils escomptent un renvoi d’ascenseur !

Le programme de la droite : virer Johanna Rolland

Pour l’instant,  chaque « chef » sort sa petite musique. Ainsi Laurence Garnier qui veut « initier une démarche collective en vue de rassembler tous ceux qui  sont prêts à s’engager pour sauver Nantes du déclin. » Sa méthode : « Pour l’instant, notre boulot va consister à sélectionner les meilleurs joueurs. Et ensuite, seulement, on désignera le capitaine. Moi, ce qui m’intéresse, c’est que l’équipe gagne. » (Presse Océan, mercredi 21 février 2024). Sarah El Haïry ambitionne également de rassembler : « Il faut une autre voie pour Nantes. Avec mon groupe, nous continuerons à travailler et à rassembler. Le sujet n’est pas de savoir tout de suite qui, mais comment proposer une alternative. » (Presse Océan, samedi 23 décembre 2023). On retrouve un discours comparable chez Mounir Belhamiti : « La première étape, c’est de rassembler les bonnes volontés, tous ceux qui partagent le même constat et le même objectif, à savoir que Johanna Rolland et son équipe ne soient plus aux responsabilités en 2026. La question de l’incarnation, de la tête de liste viendra après. » (Presse Océan, lundi 12 février 2024). Mais il faut compter avec le second couteau Foulques  Chombart  de Lauwe (LR) qui va droit au but avec un objectif simple : « Virer Johanna Rolland » car « la coupe est pleine. Que ce soit sur les sujets d’insécurité, sur la question de l’écologie, la fiscalité, le stationnement payant… Et aucun projet n’aboutit à Nantes » (Le Télégramme, vendredi 22 décembre 2023). Ce conseiller municipal a donc décidé de se jeter à l’eau ; il va monter une liste aux prochaines élections municipales. « La politique c’est une intuition, un leadership. Je pense que j’ai ça en moi », explique-t-il. « Je vais consacrer 200 % de mon énergie à cela, poursuit-il. A Nantes, en politique, il faut qu’on arrête l’eau tiède. Ma mission, clairement, c’est de redresser Nantes, de faire en sorte que chaque Nantais puisse être fier, à nouveau, de cette ville que j’aime tant et où  je suis né. Et pour ça, il faut virer Johanna Rolland. On a trois ans pour se préparer. J’ai du monde autour de moi et je vais continuer à agréger. » Mais l’union n’est pas la tasse de thé de « Foulques », il ne soutient pas Laurence Garnier : « Je pense effectivement, pour être clair, qu’il faut une nouvelle tête. J’ai déjà eu l’occasion de le lui faire savoir. Pour Laurence, je pense que ce serait le combat de trop. ». Ou plus exactement, il voit l’union autour de sa personne : « J’enrichis l’offre politique nantaise. Je veux rassembler ma famille autour de ça. »  (Presse Océan, jeudi 12 octobre 2023) Voilà qui ne facilitera pas la tâche de Frédéric Aubry qui souhaite organiser « une rencontre, en juin, après les élections européennes, avec chacun des candidats potentiels et les différents patrons de partis au niveau local ; un premier programme en septembre et la désignation d’une tête de liste en mars 2025 » (Ouest-France, Nantes, lundi 13 mai 2024) « L’union est un combat », soulignait Georges Marchais lorsqu’il était secrétaire général du Parti communiste…

La gauche est majoritaire en voix

Tout cela est bel et bon mais tous ces personnages ont l’air d’oublier les résultats des élections municipales de mars 2020. Au premier tour : en tête Nantes en confiance (Johanna Rolland, PS) avec 22 713 voix (31,36 %) ; en seconde position Mieux vivre à Nantes (Laurence Garnier, LR) avec 14 437  voix (19,94 %) ; en troisième Nantes ensemble (Julie Laernoes, EELV) avec 14 181 voix (19,58 %) ; en quatrième Nantes avec vous (Valérie Oppelt, LREM) avec 9 418 voix (13 %) ; en cinquième  Nantes en commun (Margot Medkour, gauche radicale soutenue par LFI) avec 6 479 voix (8,95 %) ; en sixième Le bon sens pour Nantes (Eléonore Revel, Rassemblement national) avec 3448 voix (4,76 %). Au second tour : la liste Ensemble Nantes en confiance (Johanna Rolland, Ronan Dantec, Julie Laernoes, Florian Le Teuff) l’emporte facilement avec 34 107 voix (59,67 %) ; en numéro deux Mieux vivre à Nantes (Laurence Garnier) avec 15 781 voix (27,61 %) ; en numéro trois Nantes avec vous (Valérie Oppelt, Mounir Belhamiti, Sarah El Haïry) avec 7 267 voix (12,71 %). Certes, on enregistrait une abstention record : 61,33 % au premier tour et 69,04 % au second, d’où un titre qui résumait bien la situation dans Presse  Océan (lundi 29  juin 2020) : « Johanna Rolland : une victoire en trompe-l’œil ». Ne perdant pas de temps, Laurence Garnier prend date pour 2026 : « Je m’inscris clairement dans cette perspective-là, tout simplement parce que je crois au projet que nous avons porté et qu’il y a plein de belles choses à faire à Nantes. Nous serons présents dans les semaines, les mois et années à venir, avec une équipe renouvelée. » (Presse Océan, lundi 29 juin 2020)

Bien sûr, si on tient compte du niveau de l’abstention, la droite peut considérer qu’une réserve  de voix existe. Pourtant, récupérer ces abstentionnistes est une autre affaire car la ville de Nantes est sociologiquement de gauche – comme Rennes. Et rares sont les personnages capables de créer une dynamique et de mobiliser ces abstentionnistes – notoriété et popularité ne se trouvent pas chez tous les aspirants au job de maire. Une seule solution pour Frédéric Aubry et ses copains : échanger la bourgeoisie de gauche (monde  enseignant, fonctionnaires, militants associatifs, professions intellectuelles,  d’une manière générale celles et ceux qui constituent les « nouvelles classes moyennes urbaines » chères à Jean-Claude Michéa) – c’est-à-dire la base électorale de Johanna Rolland – contre une bourgeoisie de droite (petits patrons, cadres du privé, rentiers). Le grand remplacement !

Bernard Morvan

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