Alors que la Russie est placée sous des sanctions massives de l’Union européenne, visiter ce pays reste relativement facile. M’étant rendu en Estonie, à Narva, une ville peuplée de russophones et située sur la frontière russe, j’ai pu rejoindre la patrie de Pouchkine, sans encombre, en traversant à pied la zone de démarcation.
Passage de frontières
Narva, en Estonie, et Ivangorod, en Russie, sont séparées par la rivière Narva. Le passé a laissé à chacune des deux entités une fortification, toutes deux situées à côté du pont qui enjambe le cours d’eau. L’Estonie étant membre de la zone euro, j’ai retiré de l’argent au distributeur automatique situé dans un centre commercial en face du rond-point près de la route qui conduit au pont frontalier. Je me suis ensuite rendu au poste de douane estonien où j’ai fait la file, sous un soleil de plomb, durant sept heures, aux côtés de nombreux russes et de quelques touristes occidentaux aux origines russes désirant se rendre dans leur pays natal.
Lors du passage dans le bâtiment estonien, les ressortissants de l’Union européenne et les Russes sont séparés. Pour ces derniers, un contrôle des bagages et des passeports s’impose alors que, pour les premiers, seul un passage au travers d’un portique électronique a lieu. Le citoyen pose son passeport ouvert sur un scanner et appuie sur ce document avec sa main droite, alors qu’une caméra se concentre sur son visage afin de déterminer si ce dernier correspond à la photo biométrique. La porte automatique s’ouvre.
Je marche et emprunte le pont qui est fermé à la circulation automobile par des blocs en béton posés du côté estonien et par des infrastructures moins spartiates du côté russe. Après une nouvelle longue attente sur le pont, j’entre dans le bâtiment russe où mes bagages sont passés aux rayons X. L’employée des douanes vérifie mon passeport et regarde dans le système informatique si mon visa obtenu en quatre jours par voie électronique pour 50 euros est bien en ordre. L’employée me demande seulement : « Tourisme ? » Je réponds : « Oui ». Un cachet est apposé sur mon passeport et une petite feuille est jointe à ce dernier. Je quitte le bâtiment et marche en direction du premier carrefour. Des bus longue distance de différentes compagnies y attendent. J’emprunte un de ces véhicules en direction de Saint-Pétersbourg où je suis déposé près de la gare ferroviaire. Je change mes euros en roubles au sein d’un bureau de change et loge dans les environs de cet endroit dans un hôtel dont l’adresse a été trouvée sur Internet.
Saint-Pétersbourg
La perspective Nevski, avenue principale de Saint-Pétersbourg, est longue de 4,5 km. Elle est parsemée de nombreux magasins et restaurants. Le musée de l’Ermitage en est proche, ainsi qu’un musée qui accueille des œufs de Fabergé. La nuit, les ponts sur la rivière Neva sont levés. Le croiseur Aurora peut être vu : lors de la révolution d’Octobre, une salve à blanc tirée depuis ce bateau avait signalé le début de l’attaque contre le palais d’Hiver.
Les environs de Saint-Pétersbourg
Kronstadt est une ville fortifiée située sur l’île de Kotline, à 25 km de Saint-Pétersbourg. Elle est connue, avant tout, par le soulèvement, en 1921, des marins, réprimé par le pouvoir bolchévique.
Le palais de Peterhof est situé à la même distance de Saint-Pétersbourg et se trouve sur la côte. Il est bordé d’un parc comprenant de nombreuses fontaines.
Toujours à la même distance, mais cette fois au sud de Saint-Pétersbourg, la ville de Pouchkine, autrefois dénommée Tsarskoïe Selo, voit se dresser le palais Catherine abritant la célèbre chambre d’ambre. La matière composant cette pièce ayant disparu durant la Seconde Guerre mondiale, la chambre d’ambre a été reconstituée avec cet « or de la Baltique ».
Moscou
Les attractions touristiques moscovites sont peu nombreuses et situées dans le centre de la ville, entre le bâtiment du FSB – Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie –, place de la Loubianka, et le Kremlin, qui comprend des cathédrales et des palais : le centre commercial huppé GOUM, la place Rouge, le tombeau de Lénine momifié, les statues de différents dirigeants de la défunte Union soviétique parmi lesquelles figure celle de Staline, le théâtre Bolchoï, le bâtiment de la Douma.
Un voyage sans encombre
Au cours de ce séjour dans l’ancien empire des tsars, je n’ai rencontré aucune difficulté et la population, bien que ne parlant pas anglais – sauf le personnel de la réception des hôtels et les guides touristiques lors des excursions en car –, a été très prévenante à mon encontre. La société russe semble vivre dans la normalité complète. L’économie apparaît performante et l’absence de touristes internationaux est compensée par la présence de Russes venus d’autres parties du pays ainsi que de quelques visiteurs en provenance du Maghreb. Les marques qui se sont retirées du pays, comme Coca-cola ou Mac Donald, sont remplacées par des versions locales et proches de leurs produits. Les nombreuses voitures qui roulent dans Saint-Pétersbourg sont de cylindrées et de volumes supérieurs à celles en circulation en Europe occidentale. Le boom économique annoncé par le Français vivant en Russie Alexandre Latsa dans ses vidéos apparaît être une réalité tangible.
Les seuls éléments visibles de l’implication du pays dans la guerre en Ukraine sont les affiches publicitaires de grand format pour le recrutement dans l’armée, qui parsèment les rues des villes. Sinon, j’ai aperçu à Pouchkine une affiche avec un « Z » sur la vitre d’un véhicule de police et à la frontière russo-estonienne un chauffeur de taxi arborant sur son t-shirt un « Z ».
La frontière entre l’Estonie et la Russie est un des éléments du nouveau rideau de fer tombé entre le monde occidental libéral mondialiste ravagé par des idéologies socialement destructrices comme le woke, le LGBTQA+, l’oikophobie – sentiment de rejet de la culture de son pays dénoncé par le philosophe conservateur britannique Roger Scruton – et d’autre part une Russie devenue encore plus illibérale suite au départ de nombreuses entreprises multinationales dont les sièges se trouvent en Occident.
Reste à savoir si, dans cette lutte à mort entre le libéralisme mondialiste et l’illibéralisme défendant l’État-nation – ou, dans le cas de la Russie, l’Empire –, les sociétés d’Europe occidentale disposent encore en leurs tréfonds des ressources nécessaires afin de triompher du libéralisme mondialiste et de mettre fin au supranationalisme de l’Union européenne tout en se débarrassant des idéologies mortifères qui l’accompagnent et de l’immigration de masse. Quant au devenir de la partie orientale de l’Union européenne, il est très incertain et il est trop tôt pour le déterminer. La Pologne sombrera-t-elle dans le libéralisme mondialiste, à la suite du changement de gouvernement, ou les fiers Polonais, ayant tant lutté pour la survie de leur identité et pour la restauration de leur État-nation, terrasseront-ils la version libérale mondialiste de l’Union européenne, soit pour liquider cette dernière, soit pour la remplacer par une Europe des nations souveraines ? Les autres anciennes démocraties populaires suivront-elles cette voie ? Rien n’est encore joué, mais la Russie s’est débarrassée, à partir de l’an 2000, du libéralisme qui y avait fait des dégâts gigantesques afin de commencer à suivre une politique de redressement illibéral.
Lionel Baland
Crédit photo : DR
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4 réponses à “Tourisme. Dix jours en Russie”
Article intéressant grâce à la présentation naturelle des lieux traversés et des populations rencontrées. La neutralité de ton génère une froideur inattendue dans ce compte rendu de voyage. Comportement habituel de l’auteur ou peur d’être accusé de russophile ? L’analyse politique simple de la transformation des mentalités polonaises est fine et intelligente. Elle met en exergue la question essentielle de la survie nationaliste de la Pologne située au carrefour du wokisme occidental mortifère et du respect des traditions qui ont fait la grandeur de ce pays de combattants paisibles mais aux réactions imprévisibles en cas de danger mortel.
Visiter la Russie est “relativement facile”… quand on y va à pied moyennant sept heures d’attente sous le soleil ! Le problème, pour aller en Russie, ce sont les moyens de transport. Si vous n’avez visité que Moscou et Saint-Pétersbourg, il est normal que vous n’ayez rien vu de la guerre : le pouvoir laisse tranquilles ces villes de privilégiés et d’intellectuels où les fonctionnaires et les oligarques sont nombreux. Les jeunes y sont théoriquement mobilisables, mais la police ne va pas les chercher chez eux ; beaucoup se sont d’ailleurs exilés par précaution. Les victimes de cette guerre de grignotage du terrain très coûteuse en hommes sont prélevées dans les petites villes, notamment dans le Caucase et en Sibérie. Le régime craint manifestement que la guerre finisse par susciter un mouvement de rejet comme pour l’Afghanistan, dont l’URSS s’est retirée à la suite non d’une défaite militaire mais d’une rébellion des familles. Bien entendu, vous n’avez pas entendu parler de la guerre, surtout si vous ne parlez pas russe : croyez-vous que les gens livrent le fond de leur pensée à un inconnu, toujours susceptible d’être membre du FSB ?
Un bon commentaire. Mais pour ceux qui connaissent, ou simplement visitent “la Russie de Poutine”, il n’y a rien d’étonnant, sinon la vision d’un changement drastique comparé à la Russie d’antan cloîtrée au tourisme international. Toutefois, cette reconvertion moderne du pays est surtout notable dans la “Russie Européenne”. L’Est, c’est à dire au-delà de l’Oural, est encore à un stade “primaire”, à l’exclusion de certaines villes comme Vladivostok, proches des frontières des pays asiatiques. J’ajoute, en connaissance de cause, que la barrière de la langue peut s’averer être un handicap. Cela ne se remarque peut-être pas tellement à Moscou ou à Saint-Petersbourg, mais cela l’est dans le reste du pays. A cet égard, j’ajoute que les “piriviotchiky” (Traducteurs en russe) qui d’autorité accompagnent les groupes de Touristes sont toujours présents. Autrefois (Avant Poutine) ils faisaient partie d’une milice, et leur présence consistait à “surveiller” les visiteurs, éviter tout “écart” du touriste, et bien entendu faire un rapport par la suite. Pour moi qui suis Russe de langue maternelle, je n’en ai pas vraiment souffert, mais j’ai ressenti à plus d’une reprise une certaine gêne de la part de notre “Accompagnateur” lorsque je m’adressais, ou posais des questions pertinentes à certaines personnes de la population. Toutefois, pour résumer, je dirais simplement que “l’Ere Poutine” à gommé quelque peu cet aspect un rien gênant, (“Bolchevique” diront certains) envers tout visiteur de la Russie moderne.
Récit de voyage pratique, objectif et intéressant, merci à vous Lionel Baland.
Commentaires intéressants aussi, hormis la tirade qui remet en cause le bien-fondé de l’opération militaire spéciale menée par la Russie.