Sur les rives du quai des Ardennes, ce dimanche, on aurait cherché en vain l’âme frémissante d’un Monument. Car à voir Tadej Pogacar régler Liège-Bastogne-Liège comme on règle une horloge suisse, l’amateur de frissons dut se contenter d’un spectacle aussi prévisible qu’un lever de soleil dans un ciel sans nuages.
Que reste-t-il de la Doyenne, sinon l’illusion de son prestige ? Longtemps, cette course fut une épreuve de funambules, d’hommes ivres de vent et de boue. Elle est devenue, sous les coups de pédales d’un Slovène insolent, un défilé ordonné, une répétition générale où l’on connaît d’avance le nom du premier violon.
Tadej Pogacar, à peine descendu de sa fusée UAE, a avalé la Redoute comme un golfeur avale un putt de cinq mètres : sans émotion apparente, assis sur sa selle, sans même le décorum d’un lever de danseuse. Une attaque ? À peine un haussement d’épaules. Derrière lui, le peloton, aux airs de colonie de vacances égarée, pédalait comme pour la gloire.
On attendait Remco Evenepoel pour allumer quelques contre-feux. Le « ket » de Schepdaal a disparu du final comme un feu follet sous la pluie. « J’avais les jambes lourdes », a-t-il expliqué, avec cette candeur dont on pare parfois les échecs cuisants. Même son équipe, les Soudal Quick-Step, si vaillante au départ, s’était volatilisée bien avant que la Redoute ne tende ses rampes.
Alors Pogacar s’est envolé, et nous avons bâillé.
Il n’est pas interdit d’admirer l’excellence, ni de saluer la régularité d’un champion qui, en l’espace d’un printemps, a cueilli Strade Bianche, Tour des Flandres, Flèche Wallonne, et maintenant Liège. Mais il est permis aussi, entre deux bâillements, de se poser la question qu’a soufflée (enfin) Guillaume di Grazia sur Eurosport : Pogacar est-il un héros ou un escroc ?
Rien ne permet aujourd’hui d’affirmer l’infamie, mais tout, ou presque, rend la performance suspecte tant l’écart semble abyssal. Aucune preuve, bien sûr – et c’est tant mieux. Mais lorsque l’exception devient la norme et la domination une liturgie monotone, le doute s’installe, insidieux.
Liège-Bastogne-Liège est sans doute le moins captivant des Monuments. Cette année, il ne s’est même pas donné la peine de le cacher. Un tracé sans surprise, une course cadenassée, une échappée solitaire lancée à trente-cinq kilomètres de l’arrivée, avec pour seul suspense la question : combien de minutes d’avance Pogacar allait-il s’accorder ?
La Doyenne vieillit. Et ce dimanche, elle a pris cent ans de plus.
Quant aux poursuivants, même Julian Alaphilippe, revenu parmi les vivants le temps d’une apparition fantomatique, dut constater que dans l’ombre portée de Pogacar, tout le monde ressemble à un figurant.
En attendant que le vent tourne, que la foudre tombe sur Komenda ou que le miracle du suspense renaisse, il faudra se contenter d’admirer, en s’ennuyant poliment. Comme dans ces musées où les gardiens dorment debout devant les chefs-d’œuvre.
Liège a livré son verdict : l’ennui a gagné. Pogacar aussi.
YV
PS : Pendant que les hommes s’ennuyaient au pas cadencé de Pogacar, les femmes, elles, ont offert à Liège une échappée belle inattendue, un pied de nez à la routine. Sur le quai des Ardennes, la Doyenne s’est offerte une cure de jeunesse avec le triomphe éclatant de Kim Le Court, pépite mauricienne surgie des sentiers du VTT, qui disputait là sa première campagne belge. Distancée dans la Roche-aux-Faucons, revenue d’on ne sait où avec l’orgueil de celles qui savent que tout est encore possible, elle a coiffé au poteau les grandes favorites Demi Vollering et Puck Pieterse dans un sprint qu’on n’osait plus espérer aussi ouvert. Derrière, Cédrine Kerbaol, lumineuse d’audace mais rattrapée par l’inéluctable, décroche une quatrième place pleine de promesses. Chez les dames au moins, l’histoire du jour s’écrivait avec des pointes d’incertitude et des accents d’espérance. Comme quoi, parfois, le vrai souffle des classiques passe par les jambes que l’on n’attendait pas.
Crédit photos : DR
|
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine
2 réponses à “Liège-Bastogne-Liège 2025 : Quand la Doyenne se laisse vieillir”
Pogacarun champion comme un certain Amstrong?
Oui comme voici quelques années un certain Armstrong qu’il était interdit de critiquer car avec lui les cochons de Yankees étaient venus avec leur sainte oseille sur le Tour! Je regrette le Tour du Maroc on pouvait rigoler avec toutes les blagues des Marocains pour faire gagner leurs équipes…