Le décor pierreux de Matera sentait le piège pour un sprinteur affublé du rose ; il s’est transformé en podium triomphal pour Mads Pedersen. Le Danois de Lidl-Trek, déjà lauréat à Tirana et Vlorë, a cueilli sa troisième victoire d’étape au terme d’une journée nerveuse et cassante. Longtemps mené par un trio d’attaquants (Bais, Milesi, Epis), le peloton n’a véritablement explosé qu’à l’approche de Montescaglioso : un kilomètre trop raide pour les purs rapides, assez court pour attiser l’audace des hommes du classement général. Primož Roglič a jailli, Damiano Caruso a contré, mais ni l’un ni l’autre n’ont réussi à décramponner définitivement Pedersen, brièvement lâché puis ramené dans la roue de son équipier Vacek.
La rampe finale, à trois kilomètres, a entamé son sprint mais pas sa détermination. Sorti de la dernière courbe en deuxième position, il a lancé long, Tom Pidcock s’est vite assis, Edoardo Zambanini a surgi sur la droite et la ligne a tranché : quelques centimètres ont suffi pour que le maillot rose puisse lever les bras – et grappiller dix secondes de bonifications. Avec trente-deux secondes d’avance sur Roglič et trente-huit sur Vacek, Pedersen consolide un leadership dont personne n’avait prédit la durée avant le départ de Tirana.
Comme si cette troisième victoire ne suffisait pas, le Scandinave a officialisé dans l’heure un engagement « à vie » avec Lidl-Trek. « Gagner en rose est déjà fou, signer pour l’avenir le même jour l’est encore plus, » confiait-il, encore haletant, sur la Piazza San Pietro Caveoso. Demain, prévient-il, « direction Naples : j’y ai déjà levé les bras, et l’équipe reprendra le plan habituel — contrôler, évaluer, et si les jambes le permettent, tenter le quadruplé. »
Étape 6 : Naples attend son sprint, les échappées y croient à peine
Quatre cent cinquante kilomètres avalés en cinq jours, et voici le plus long morceau de la première semaine : 225 km entre Potenza et le bord de mer napolitain. Sur le papier, 2 600 mètres de dénivelé semblent promettre du mouvement ; dans la réalité, 2 400 d’entre eux sont concentrés dans la première moitié. Passé le Vallico Monte Carruozzo (près de vingt kilomètres à 3,8 %), la route perd ses griffes et s’étire jusqu’au Vésuve comme une interminable autoroute provinciale. Tout indique donc un duel entre trains de sprinteurs plus qu’un festival d’alpinistes opportunistes.
Les équipes de grosses cuisses – Visma pour Olav Kooij, Alpecin pour Kaden Groves, Lidl-Trek pour Pedersen, Decathlon-AG2R pour Sam Bennett – verrouilleront à distance toute tentative trop insistante. Quelques chasseurs de la Maglia Azzurra (on pense au Belge Moniquet, déjà frustré la veille) pourraient s’annoncer sur la longue montée d’ouverture, mais leur marge de manœuvre restera comptée : le vent sera faible, de face dans la dernière ligne droite, et la pluie ne doit s’inviter qu’en soirée.
L’entrée dans Naples n’est pas totalement dénuée de pièges : rails de tram à six kilomètres, pavés brefs à 2 km, puis deux larges courbes avant une voie royale de 800 mètres. Rien d’assez technique pour troubler un train bien huilé ; tout pour favoriser la puissance pure. Dans cet exercice, Kooij demeure la référence absolue depuis un an. Son compatriote Edoardo Affini l’a replacé au centimètre près à Lecce ; si le scénario se répète, la Maglia Ciclamino pourrait changer d’épaules. Pedersen, plus complet que véloce, comptera davantage sur la confusion qu’il est parfois capable de provoquer à l’amorce des 200 mètres. Groves, très régulier, et Bennett, revigoré, restent des jokers crédibles. On n’oubliera pas non plus Casper van Uden, cueilleur opportuniste du premier sprint albanais.
À surveiller : le sprint intermédiaire perché sur les pentes du Carruozzo. Pedersen y trouvera peut-être les points nécessaires pour repousser Kooij au classement du maillot mauve, tandis que les équipes de grimpeurs laisseront filtrer un baroudeur pour grappiller les derniers points de la montagne. Ensuite, place à une longue procession, certes monotone pour le téléspectateur, mais potentiellement décisive pour un Giro qui, derrière le rose de Pedersen, cherche encore ses hiérarchies définitives.
La baie de Naples n’attend plus que le crépitement des hélicoptères et le rugissement du peloton. Vers 17 h 15, les sprinteurs devraient en découdre devant le Castel dell’Ovo ; à eux de prouver que, même au lendemain d’une étape usante, la vitesse reste la reine de ce début de Tour d’Italie.
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