Alors que l’Assemblée nationale se penche ce mardi en première lecture sur la légalisation d’une « aide à mourir » à la française (pour ne pas dire euthanasie), une question mériterait d’être posée sans détour : que pensent les millions de musulmans désormais installés en France (8-10% de la population ?), dont le poids social, culturel et politique ne cesse de croître, de cette nouvelle étape dans le rapport à la mort ? Car à l’heure où la démocratie prétend écouter toutes les voix, y compris les plus minoritaires, il serait cocasse — pour ne pas dire ironique — d’ignorer celle d’une communauté qui, dans certaines circonscriptions, peut désormais faire ou défaire des majorités électorales. Et force est de constater que les textes de l’Islam ne vont pas franchement dans le sens des pensées des militants LFI, par exemple…
Une position claire : la vie appartient à Dieu
Le principe fondateur de la position islamique sur la fin de vie est limpide : la vie humaine est sacrée car elle est un don de Dieu. Aucun homme n’a le droit de s’en défaire ou de disposer de celle d’un autre, même avec son consentement. Le Coran le rappelle avec fermeté : « Ne tuez point la vie qu’Allah a rendue sacrée, sauf en droit »(Sourate 17, verset 33). La Charia, dans sa logique propre, repose sur cinq objectifs fondamentaux dont la préservation de l’âme est une priorité absolue.
Dans cette perspective, l’euthanasie active, c’est-à-dire l’acte de provoquer intentionnellement la mort, même dans un cadre médicalisé ou sous couvert de compassion, est juridiquement assimilée à un homicide. Aucun médecin, aucune autorité humaine, aucun patient lui-même ne peut se substituer à Dieu pour en décider.
L’euthanasie passive : tolérée dans certains cas
Néanmoins, la jurisprudence islamique est moins rigide qu’on ne l’imagine sur les soins dits « futiles ». De nombreux savants admettent que le maintien artificiel d’une personne en vie, par des machines ou des traitements sans espoir de guérison, n’est pas une obligation. Autrement dit, ne pas s’acharner médicalement peut être permis, voire préférable, surtout si cela permet au patient de mourir naturellement, sans souffrances inutiles.
Cette distinction entre « laisser mourir » et « faire mourir » est cruciale. L’islam autorise l’arrêt des soins dans certains cas extrêmes, mais n’autorise jamais de provoquer activement la mort. Le mourant, s’il est encore conscient, doit pouvoir réciter la shahada, la profession de foi islamique. Et s’il ne peut parler, un proche doit la prononcer à son oreille. L’agonie est un moment sacré, une épreuve ultime à vivre avec patience et dignité.
Soigner ou patienter ? Un débat ancien dans l’islam
Les grands juristes musulmans ont depuis longtemps débattu de la question du soin. Fallait-il toujours se soigner ? Ou fallait-il parfois accepter la maladie comme une épreuve salvatrice ? Des figures comme Abû Darr ou Ubay ibn Ka’b refusaient certains soins, préférant l’endurance à la médicalisation systématique. D’autres, comme l’imam al-Ghazali, y voyaient une responsabilité envers le corps, prêté par Dieu.
Ce débat donne lieu à trois tendances majeures :
- Ceux qui estiment que se soigner est autorisé (majorité),
- Ceux pour qui c’est recommandé (minorité),
- Et ceux, plus rares, qui le considèrent obligatoire.
Dans tous les cas, la notion d’acharnement thérapeutique, quand elle prive l’individu de sa dignité et ne laisse aucune place à la guérison, est mal vue.
Une condamnation partagée avec les autres religions monothéistes
En 2019, au Vatican, des représentants du judaïsme, du christianisme et de l’islam ont signé une déclaration commune contre l’euthanasie et le suicide assisté. Ils affirmaient que ces pratiques étaient « intrinsèquement et moralement répréhensibles » et rappelaient que le rôle du médecin était de soigner, pas de tuer. Ils appelaient aussi à développer les soins palliatifs, seuls véritablement compatibles avec la dignité humaine.
Le débat parlementaire en cours, souvent réduit à une opposition entre la « compassion » républicaine et les « archaïsmes religieux », gagnerait à reconnaître la complexité des traditions spirituelles et philosophiques. La loi peut bien évoluer, mais elle devra désormais composer avec cette autre voix que les familles politiques des parlementaires pro-euthanasie ont fait naitre et grandir dans le pays : celle d’un islam enraciné, structuré, et dont la parole — qu’on le veuille ou non — pèse dans le débat public, sans doute même plus que le catholicisme aujourd’hui qui, bien que majoritaire, est nettement moins militant et vindicatif car dominé par des mous.
Il risque d’y avoir quelques débats férocement contradictoires et beaucoup d’erreurs 404, notamment à gauche, dans les années à venir sur plusieurs sujets de société…
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Une réponse à “« Aide à Mourir ». Que dit l’Islam sur l’euthanasie ?”
Les millions de musulmans désormais installés en France dépassent largement les 8 ou 10 % de notre population. Comptez le double au minimum. Mais comme la France est un ventre très mou…