En ce 80ème anniversaire de l’exécution du fusillé du fort de Montrouge, la dynamique association des Amis de Robert Brasillach* ne s’est pas bornée à une très belle réédition de Comme le temps passe…** avec illustrations et préface d’Anne Brassié inédites ; sous le titre Les Poèmes***, elle vient de publier une édition complète des œuvres poétiques de son auteur éponyme. Disons-le d’emblée, ce livre est une réussite : qualité d’impression, belle mise en page des poèmes, remarquable préface.
Signée de Cécile Dugas, spécialiste de Brasillach et vice-présidente des ARB, cette préface peut paraître un peu longue (trop de citations de poèmes, imprimés quelques pages plus loin). Mais elle passionnera les érudits et tous ceux qui ont la nostalgie de leurs cours de Français – ou qui auraient tellement aimé avoir un professeur comme Mme Dugas. Les lecteurs pressés se précipiteront sur les textes de Brasillach, mais devront impérativement revenir ensuite à cette préface si éclairante.
Le livre, destiné à devenir une édition de référence, aurait pu s’intituler « Tous les poèmes ». Présentés par ordre chronologique, ils sont tous là en effet, depuis les rimes maladroites et alambiquées que Robert écrivit à 13 ans pour l’anniversaire de sa petite sœur jusqu’aux sublimes Poèmes de Fresnes, en passant par les traductions et même les poèmes extraits des livres – choix qui peut surprendre, la prose de Brasillach nous paraissant bien plus poétique que ces chansonnettes, mais pourquoi pas ?
La chronologie permet au lecteur de suivre l’évolution et le travail du jeune auteur qui fut dès l’adolescence titillé par l’envie de rimer. Ses premières tentatives ne relèvent certes pas du grand art, mais on y trouve des vers délicieux, qui nous révèlent les influences et les inclinations littéraires de ce très jeune homme. Il aime la Grèce, Edmond Rostand, Stéphane Mallarmé. Écrits alors qu’il avait de 16 à 18 ans, ces poèmes précoces (voir le titre « Souvenir futur ») portent déjà la marque de ce qui sera une obsession littéraire de Brasillach : vivre l’instant présent en cherchant à le transformer en souvenir.
Peu à peu, le style s’affermit, la culture s’étoffe. En 1934, Brasillach avait songé à créer une collection poétique intitulée Cahiers de brouillon. On y trouve deux très beaux cantiques à Antigone (déjà!) et au Sommeil — thème très présent dans plusieurs poèmes, qui semble fasciner l’auteur, comme une approche de la mort.
Avec les traductions, l’auteur approche les plus grands : deux très beaux textes de Shakespeare, dont il adoptera parfois plus tard cette forme du sonnet, ainsi que le fait remarquer Cécile Dugas, l’occasion — pas si fréquente ! — de lire des poèmes de Pouchkine, et surtout un véritable cadeau fait aux amateurs de Brasillach : la publication de fragments de Catulle dont l’existence était quasi ignorée.
Félicitons les éditeurs d’avoir rendu au recueil connu sous le nom « Poèmes 1944 » son titre original de Poèmes, tel qu’édité (en 1944) par Robert Brasillach qui y avait réuni ses poèmes préférés. Là encore, la mort est très présente, toujours dans une optique amicale et hantée par la recherche de liens avec les vivants. Signalons un poème singulier « Les Noces d’Icare » dont les accents érotiques évoquent la fameuse Nuit de Tolède.
Parmi les belles surprises de cette édition : une lettre en vers à Henri Poulain, inédite, écrite dans le contexte de la crise entre Brasillach et l’équipe de Je suis partout, teintée d’amertume et d’une ironie mordante.
Le livre se termine en apothéose avec les Poèmes de Fresnes. Qu’en dire qui n’ait été dit ? La preuve par le sang versé que Brasillach était un grand poète, foudroyé en pleine ascension de son talent. A tous ceux qui ne les connaîtraient pas encore, voici le moment d’entrer dans l’émotion poignante de ces vers. Les autres les reliront, encore et encore, avec le même émerveillement devant tant de beauté pure, et le même pincement au cœur.
Hélène Montel
*A.R.B.
** Comme le temps passe… , éd. Les Sept Couleurs, 314 pages, 34 € franco de port.
***Les Poèmes, R. Brasillach, éd. Les Sept Couleurs, 306 pages, 32 € franco de port.
Règlement à Monique Delcroix (ARB) – BP 19 60240 – Chaumont en Vexin ou par paypal sur le site https://les-sept-couleurs.fr/ (60€ pour les deux ouvrages)
Une réponse à “Un parcours poétique avec Robert Brasillach”
Lire et relire Brasillach….
Comme le temps passe est un merveilleux roman qui a illuminé ma jeunesse…..
Quoi de plus beau et déchirant aussi que les poèmes de Fresnes