Nous vivions une époque formidable depuis que la formule « le sabre et le goupillon » avait cessé de nous encombrer l’esprit… C’est pourquoi l’effroi d’un retour aux mauvaises habitudes du passé m’a sauté dessus en regardant le Défilé (majuscule à D)… et en distinguant la patronne du jury de Cannes, cette année. La mère Binoche était engoncée dans une soutane blanche avec capuche, recevant ainsi la « palme de la niaiserie » (c’est une belle trouvaille de style). Ce ne pouvait être qu’un rappel de ce qui venait de se produire à l’autre bout du continent, près de la fontaine de Trévi. Maintenant que tous les curés sont en blanc, allez savoir à quelle branche de leur organisation ils appartiennent. Même que le Pape nouveau s’est cru obligé d’apporter, sur la sienne de soutane, des décorations bien venues —enfin pour moi !… J’aime bien celui que je persiste à appeler sottement « Louis 14 »… avant réflexion. D’être, entre autres, du Pérou, me va tout à fait. Vous dites qu’il faut dire « Léon 14 ». Pourquoi pas ?
J’en étais là de mes remachages quand « on » m’a remis un album de photos sur ma vie de « nanogénère », comme dit la petite dernière — « on », les enfants, ça se permet tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. Passée la photo de la classe (« unique ») où je tiens sur mes genoux une ardoise avec une date : « Mûrs, 1942 »… entre Bourgine, un réfugié russe « blanc », et le petit Georges Ménard, le fils du forgeron… je suis tombé, quinze ans plus tard, sur une photo de « troufions », enfin des « EOR », la « promotion Bugeaud » de l’EABC (Saumur) de 1957. Cherchez, vous trouverez Morasse dans la bonne trentaine d’apprentis-officiers, derrière-de-part-et-d’autre, du lieutenant Ebling entre deux instructeurs… Je l’ai retrouvé, ce chic type, quand il était ingénieur à la RATP… Cherchez pas… y a plein de morts. Et pas tous du fait d’alors : « la guerre d’Algérie ».
Ces temps-ci, la « promotion Bugeaud » a du plomb dans l’aile… ou plutôt de la fumée dans les poumons si l’on en croît les « ouikeurs »… Je parle de Bugeaud gouverneur général de l’Algérie… C’était encore l’époque (1843) où l’ouest de l’Oranais, sanctifié par les Espagnols, était disputé par le Maroc, comme le dit parfaitement ce pauvre Boualem Sansal. Les Turcos d’Alger partaient à la conquête et la smala de l’émir Abd-et-Kader, cessant de bouger, s’établissait à la source du Taguin. Avec ma petite « barette », j’ai refait les 80 kilomètres « sans une goutte d’eau » depuis Goudjila, cherchant comment j’allais me désaltérer. Et voilà… Le bachagha Ahmar ben Ferhat des Ouled Aïad, en prévenant à temps le duc d’Aumale, n’avait toujours pas reçu la Légion d’honneur, et Horace Vernet crayonnait toujours dans les coulisses.
MORASSE
Illustration : DR
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