Irlande du Nord. Une fresque paramilitaire loyaliste de Belfast reconstruite : le passé militant ressurgit à Mount Vernon

Dans le quartier loyaliste de Mount Vernon, au nord de Belfast, une fresque symbolique – effondrée en décembre dernier lors de la tempête Darragh – vient d’être reconstruite. Et avec elle, les souvenirs d’une époque que certains auraient préféré laisser derrière eux.

Ce mur, autrefois orné d’une fresque célèbre représentant deux hommes armés et masqués, accompagnés du slogan « Prepared for Peace, Ready for War » (« Prêts pour la paix, préparés pour la guerre »), avait été balayé par des vents à plus de 140 km/h, laissant 50 000 foyers sans électricité à travers l’Irlande du Nord. Loin d’être abandonné, le site a rapidement été reconstruit et repeint dans un style fidèle à l’original… avec quelques ajouts lourds de symboles.

la fresque en reconstruction

Le retour des symboles paramilitaires

La fresque désormais visible reprend les codes du passé loyaliste militant : deux hommes cagoulés et armés, en tenue paramilitaire, occupent le centre de l’image. L’un d’eux porte ostensiblement un brassard de l’UVF (Ulster Volunteer Force), l’un des groupes paramilitaires les plus actifs et violents du conflit nord-irlandais. Un emblème du UVF, surplombant la scène, est accompagné de la devise du groupe : « For God and Ulster ».

Des drapeaux paramilitaires flottent également au-dessus du mur, ajoutant à la charge symbolique de l’ensemble. Le mur se trouve à l’entrée même de l’ancien fief du UVF de Mount Vernon, autrefois dirigé par Mark Haddock, connu pour être un informateur de la police et chef de gang impliqué dans une série de meurtres sectaires.

La décision de restaurer ce mural n’a pas fait l’unanimité dans le quartier. Selon des sources anonymes citées par la presse nord-irlandaise, plusieurs résidents avaient espéré que la destruction du mur par la tempête offre une opportunité de tourner la page sur une époque sombre. « Beaucoup pensaient qu’il était temps de s’éloigner de tout cela. Le UVF avait proclamé un cessez-le-feu, ils étaient censés être désarmés… et pourtant, ce mural disait clairement qu’ils étaient prêts à reprendre les armes », déclarait un habitant sous couvert d’anonymat.

Un autre confiait même : « Peut-être que Darragh (la tempête) nous a rendu service. C’était l’occasion de se libérer du passé. »

Un fief marqué par la violence et les manipulations

Le mural se dresse aujourd’hui à l’endroit même où opérait jadis l’unité UVF de Mount Vernon. Dirigée par Mark Haddock, cette cellule fut l’objet d’un rapport accablant de l’Ombudsman de la police nord-irlandaise en 2007. Ce document révélait que plusieurs membres de ce gang agissaient comme informateurs pour les services spéciaux de la police, bénéficiant de protections et d’une impunité quasi-totale. Sous la direction de Haddock, le groupe aurait mené une campagne de terreur sectaire, responsable de dizaines de meurtres, dans une période où la frontière entre agents de l’État et terroristes était parfois dangereusement floue.

Condamné en 2014 pour des faits de violence graves, Mark Haddock purge actuellement une peine de douze ans dans une prison anglaise.

Alors que l’Irlande du Nord tente de préserver une paix difficilement acquise depuis les accords du Vendredi Saint, la persistance de symboles paramilitaires dans l’espace public rappelle que le chemin vers une réconciliation totale est encore long. Le mural de Mount Vernon n’est pas qu’un simple graffiti : il est le témoignage de symboles auxquels certaines communautés sont encore attachées, d’une mémoire divisée, parfois glorifiée, souvent douloureuse, au cœur d’une société qui peine encore à solder les comptes du passé.

Crédit photo : DR
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