Faux vendeurs de calendriers, faux agents du service des eaux, faux conseillers bancaires ou encore faux notaires : la tiers-mondisation de la société française se manifeste aussi par la multiplication des arnaques dans tous les domaines ou presque. À cette liste déjà longue, viennent désormais s’ajouter les faux primeurs ambulants.
Ces escrocs itinérants, se présentant comme des producteurs bios ou locaux venus de Bretagne ou de Normandie, ciblent les personnes âgées ou isolées. Sous couvert de vente directe à domicile, ils proposent des cagettes entières de pommes, carottes, pommes de terre ou oignons, à des prix exorbitants, sans aucune transparence sur la provenance ou la qualité. À Romillé, en Ille-et-Vilaine, France bleu rapportait le 26 décembre dernier qu’une femme seule avec deux enfants en bas âge avait ainsi été contrainte de régler 980 euros pour 280 kg de fruits et légumes. Elle a finalement été partiellement remboursée après médiatisation de l’affaire, mais reste avec 250 euros à ses frais.
Ces escroqueries prospèrent aussi sur la naïveté d’une partie de la population, prompte à croire au récit rassurant du « petit producteur bio » venu vendre en direct, sans prendre le temps de vérifier ni le bon sens des quantités proposées, ni la véracité des propos tenus.
Une arnaque bien rodée, jusqu’à 1 000 euros par victime
Les témoignages recueillis par l’UFC-Que Choisir dans un article publié le 11 juin ou par France Bleu révèlent une méthode éprouvée : les malfaiteurs débitent rapidement leurs arguments, installent aussitôt la marchandise dans le garage des victimes, et réclament un paiement immédiat par carte. Certains clients se voient facturer plus de 1 000 euros, avec des bons de commande manuscrits, illisibles, sans indication d’origine ni traçabilité. Dans le Maine-et-Loire, un couple a ainsi payé 1 143,80 euros pour des volumes invraisemblables : 100 kg de pommes de terre, 128 kg de pommes, 45 kg de carottes, 34 kg d’oranges.
À l’appui de leur discours, les vendeurs avancent des arguments séduisants : agriculture raisonnée, permaculture, conservation longue. Mais la réalité est tout autre. Les sociétés mises en cause, comme « Les Terroirs de la Table » ou « Fruits et légumes Collet », s’avèrent être des grossistes, sans lien avec une quelconque production artisanale ou bio. Dans les meilleurs cas, quelques dizaines d’euros sont concédées en dédommagement. Mais la plupart du temps, les acheteurs floués ne revoient jamais leur argent.
Des pratiques illégales, rarement poursuivies
Le droit est pourtant clair. Ces ventes dites « hors établissement » ne permettent pas au professionnel d’exiger un paiement immédiat : un délai de sept jours est requis par le Code de la consommation. Sa violation rend le contrat nul, et expose le contrevenant à deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. S’y ajoutent les délits de pratiques commerciales trompeuses, passibles de deux ans de prison et de 300 000 euros d’amende selon l’article L132-2.
Malgré cela, les signalements se multiplient sans que les autorités ne semblent en mesure de mettre fin au phénomène. En Ille-et-Vilaine, la mairie du Sel-de-Bretagne avait déjà lancé une alerte en juillet 2024. Un an plus tard, les escrocs poursuivent leur tournée en toute impunité. Le constat est amer : même avec preuves, plaintes et médiatisation, les sanctions tardent, et la France rurale continue d’être livrée à ce genre de prédateurs.
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