L’année 2024 aura marqué un tournant démographique pour l’Italie. Selon l’Institut national italien de la statistique (Istat), le pays a enregistré ses plus hauts niveaux d’immigration et d’émigration depuis 2014. Ce double phénomène reflète les contradictions d’un pays dirigé par une coalition de droite, élue en 2022, qui affiche une politique de fermeté migratoire tout en dépendant de l’arrivée de main-d’œuvre étrangère, notamment dans un contexte de déclin démographique et de pénuries de personnel qualifié.
Au total, 382 071 étrangers se sont installés en Italie en 2024, un chiffre en hausse par rapport à 2023 (378 372) et supérieur au précédent record de la décennie établi en 2017 (301 000). En parallèle, 155 732 Italiens ont émigré à l’étranger, contre 114 057 l’année précédente. Ce sont les chiffres les plus élevés depuis dix ans selon l’agence de presse italienne Ansa.
Les flux cumulés sur la période 2023-2024 atteignent 760 000 entrées étrangères (+31,1 %) et 270 000 départs d’Italiens (+39,3 %), soit des hausses inédites pour la décennie écoulée.
Une jeunesse qualifiée qui quitte le pays
La fuite des cerveaux est au cœur des préoccupations. Entre 2019 et 2023, 192 000 jeunes Italiens âgés de 25 à 34 ans ont quitté le pays, tandis que seuls 73 000 sont revenus, selon l’Istat. Le solde net pour cette tranche d’âge est donc négatif de 119 000 personnes.
Ces diplômés visent principalement des pays européens : le Royaume-Uni et l’Allemagne accueillent à eux seuls un tiers des expatriés, suivis de la France et la Suisse (8 000 chacun). Hors Union européenne, les États-Unis arrivent en tête avec 4 000 départs sur la période.
L’Istat souligne néanmoins un effet de compensation : 68 000 jeunes diplômés étrangers se sont installés en Italie entre 2019 et 2023. Le solde net de diplômés pour cette tranche d’âge est ainsi positif de 10 000. En intégrant toutes les entrées, la population jeune et active a crû de 229 000 personnes.
L’Italie, terre d’accueil sous tension
L’Ukraine représente le principal pays d’origine des flux récents, avec 59 000 arrivées en 2023-2024, suivie par l’Albanie, le Bangladesh, le Maroc, la Roumanie, l’Égypte, le Pakistan, l’Argentine et la Tunisie.
Ces mouvements migratoires s’expliquent par des crises internationales. Selon l’Istat, « l’augmentation constante de l’immigration étrangère est aussi le résultat de conflits et de crises humanitaires à grande échelle ». Le président italien Sergio Mattarella a lui-même affirmé à l’occasion de la « Journée mondiale des réfugiés » : « Faire plus pour les réfugiés est un devoir moral », ajoutant que « ce n’est pas seulement une question humanitaire, mais une responsabilité juridique et morale commune ».
L’âge moyen des migrants pour cette période est de 29 ans, selon l’Istat. Par ailleurs, « il est plus que plausible qu’un nombre important » des Italiens récemment partis soient d’« anciens immigrants ayant acquis la citoyenneté italienne », note l’Istat cité par l’agence de presse Reuters.
Enfin, le sud de l’Italie, et en particulier la Calabre (région la plus pauvre du pays) continue de se vider : près de 1 % de ses habitants ont migré vers le nord ou le centre du pays en deux ans.
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