Lancé en 2023 par Pap Ndiaye et poursuivi par Gabriel Attal, le « pacte enseignant » devait permettre de revaloriser le métier d’enseignant en échange de missions supplémentaires. Deux ans plus tard, l’audit publié par la Cour des comptes dresse un constat sans appel : le dispositif est un échec structurel, marqué par une mauvaise conception, une application confuse et une adhésion faible sur le terrain.
Une promesse politique… sans traduction concrète
Le Pacte était censé répondre à une triple ambition gouvernementale : revaloriser les enseignants sans « augmentation inconditionnelle », renforcer la présence de professeurs en cas d’absence, et déployer des missions prioritaires comme l’accompagnement à l’orientation ou le soutien scolaire. Il s’articulait autour de briques de missions, chacune payée 1 250 euros brut par an.
Mais dès sa conception, le Pacte a pêché par excès de technocratie : la logique du « travailler plus pour gagner plus » s’est heurtée à la réalité d’un métier déjà saturé. Résultat : seuls 23 % des enseignants ont signé au moins une brique au cours de l’année scolaire 2023-2024, et le taux d’adhésion est en recul constant.
Une mise en œuvre chaotique
L’audit souligne de nombreux dysfonctionnements dans la mise en œuvre :
- Complexité administrative : les chefs d’établissement ont été laissés sans consignes claires pour attribuer les missions ou suivre leur réalisation. La lourdeur des outils de pilotage, comme l’application « Pacte premier degré », a découragé les équipes.
- Faible lisibilité des missions : les enseignants ne savent pas toujours quelles tâches relèvent du Pacte ou non. Le flou est tel que certaines missions sont réalisées sans compensation.
- Déséquilibres territoriaux : dans certaines académies, moins de 10 % des enseignants ont adhéré au dispositif. Dans d’autres, comme Versailles, le taux dépasse 30 %, preuve d’une application inégale et peu coordonnée.
L’un des objectifs prioritaires du Pacte était d’améliorer les remplacements de courte durée. Mais sur ce point aussi, la Cour est catégorique : l’effet est « marginal ». Seuls 13 % des enseignants ayant signé une brique en collège ont effectué des heures de remplacement, pour une couverture moyenne de 1,8 heure par an. Les élèves n’ont donc perçu aucune amélioration concrète, tandis que l’Éducation nationale n’a pas résolu la crise des absences.
Une défiance profonde et un malaise croissant
L’audit révèle aussi une fracture croissante entre l’administration et les enseignants. Le Pacte est perçu comme une injonction descendante, imposée sans concertation, qui aggrave la charge de travail sans réelle reconnaissance. La rémunération de 1 250 euros par mission est jugée peu attractive au regard du temps consacré et des contraintes imposées.
À cela s’ajoute une perte de sens : certains enseignants estiment que des tâches essentielles, autrefois considérées comme allant de soi dans leur mission, sont désormais « marchandisées », comme l’accompagnement des élèves ou la participation à la vie scolaire.
Recommandations de la Cour : revoir tout le dispositif
Face à ce constat d’échec, la Cour des comptes appelle à une refonte complète du Pacte. Elle recommande :
- De redéfinir les objectifs de manière plus claire et plus ciblée, en s’appuyant sur les besoins réels des établissements.
- D’adapter les outils de gestion pour éviter les lourdeurs administratives et permettre un suivi réel des missions.
- De renforcer la concertation locale avec les équipes éducatives pour que les missions soient comprises, acceptées et cohérentes avec le quotidien scolaire.
- D’évaluer rigoureusement les effets du dispositif sur la qualité du service public de l’éducation.
Le fiasco du Pacte enseignant ne surprendra ni les enseignants, ni les parents d’élèves. Il illustre la dérive technocratique de l’Éducation nationale, incapable de réformer en profondeur, préférant empiler des dispositifs mal pensés. Derrière les promesses de revalorisation, c’est la défiance qui grandit, tandis que le décrochage des vocations se poursuit. Une fois encore, la machine étatique a démontré sa capacité à transformer une idée en impasse bureaucratique.
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2 réponses à “Pacte enseignant : un dispositif mal conçu, mal compris, mal appliqué”
liquider le mammouth et…..reconstruire une école après consultation des français pour imposer une autre école.
le chèque scolaire s’impose, mais ce n’est que le début…………..
nota : les profs eux mêmes sont responsables du naufrage de l’école
Encore une idée pas si mauvaise mais plombée par la technocratie des décideurs incompétents ! Demandez d’abord aux enseignants sur le terrain plutôt que d’ inventer des usines à gaz administratives…..