Espagne. L’immigration économique devient la norme

Parmi les points communs que l’on peut relever entre l’Espagne et l’Italie, il en est un qui devrait préoccuper plus que tout les autochtones des deux pays : la justification d’une immigration dite « économique » par une partie de la classe politique, du patronat, des grands médias et même par certains évêques au nom de la préservation d’un « modèle social » et de la croissance du PIB.

En Espagne, les dernières statistiques confirment une accélération nette. Selon les registres d’affiliés par nationalité, les étrangers représentent désormais 14,2 % des cotisants et occupent quatre nouveaux emplois sur dix depuis la réforme du travail. Sur un an, leur nombre a augmenté d’environ +198 000 pour atteindre 3,09 millions de travailleurs, soit +6,9 %, un rythme quatre fois supérieur à celui des Espagnols (+1,5 %), détaillait le quotidien El Mundo le 15 août à partir des données officielles. De son côté, le journal économique espagnol El Economista confirmait la veille un total de 3 096 015 affiliés étrangers en juillet.

Le gouvernement espagnol, lui, salue cette trajectoire. « L’Espagne est un pays qui accueille et intègre, et le chiffre de plus de trois millions de travailleurs étrangers montre qu’ils ont choisi notre pays pour y développer leur vie et leur talent, contribuant ainsi à la croissance économique et à la garantie de notre avenir », a déclaré Elma Saiz, ministre de l’Inclusion, de la Sécurité sociale et des Migrations, ajoutant que « de plus en plus de personnes originaires d’autres pays travaillent dans des secteurs à forte valeur ajoutée ». Dans la même veine, El Mundo rappelle l’objectif gouvernemental : une régularisation massive de 900 000 immigrés via la réforme de la loi sur les étrangers, afin d’atteindre 22 millions d’affiliés dans les trois prochaines années.

La réalité sectorielle demeure pourtant très concentrée. 21 % des travailleurs étrangers sont dans l’hôtellerie, 16 % dans le commerce, 11 % dans les services auxiliaires (balayeurs, concierges, agents d’entretien) et 11 % dans le bâtiment, note El Economista. Le même quotidien souligne qu’ils « continuent de se concentrer dans les activités qui exigent moins de qualifications et qui sont moins bien rémunérées ». À l’inverse, leur présence reste marginale dans l’information-communication (3,8 % des étrangers) et les activités artistiques (0,8 %), même si l’on observe une montée dans les activités professionnelles, scientifiques et techniques (4,86 % des étrangers). Côté indépendants étrangers, un record de 486 905 a été atteint en juin (+6,4 % sur un an), avec des hausses marquées dans l’information-communication (+29,7 %) et les activités professionnelles, scientifiques et techniques (+17,7 %).

Sur l’origine des flux, El Mundo recense 31 % de travailleurs venus de l’UE, les 69 % restants provenant du reste du monde. Huit pays dominent: Maroc, Roumanie, Colombie, Italie, Venezuela, Chine, Pérou, Ukraine. Les hausses en dix ans sont spectaculaires pour les Vénézuéliens (+1 126 %, de 16 499 à 202 242), Colombiens (+347 %, à 250 885), Péruviens (+198 %, à 97 953) et notables pour les Marocains (+85,4 %, à 357 492) et Ukrainiens (+103 %, à 78 712). Les Chinois atteignent 126 079 (+34 %), les Roumains 342 603 (+17 %).

Quant à l’argument de la « complémentarité », il est repris par l’exécutif et des centres d’études. El Mundo rapporte que Fedea et BBVA Research concluent à un impact « limité ou neutre » sur les salaires et l’emploi des nationaux, l’immigration contribuant à combler des pénuries. Le Sepe (service public de l’emploi) va plus loin en écrivant que l’immigration atténue les déséquilibres offre/demande et joue « un rôle fondamental » dans des secteurs comme la construction ou l’hôtellerie, tout en constatant que « de nombreux chômeurs nationaux sont réticents à accepter des offres d’emploi peu qualifiées ». El Economista rappelle enfin que le taux de surqualification des étrangers dépasse de vingt points celui des nationaux.

Reste l’essentiel du débat, au-delà des graphiques ministériels : une politique d’immigration économique assumée, adossée à une régularisation de masse, qui transforme en profondeur le marché du travail et la cohésion sociale. En Espagne comme ailleurs, la question n’est pas de nier l’apport de travailleurs étrangers, mais de savoir jusqu’où et à quelles conditions le pays peut et veut l’organiser.

Crédit photo : capture YouTube (photo d’illustration)
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Une réponse à “Espagne. L’immigration économique devient la norme”

  1. Maury dit :

    Non. Les travailleurs étrangers occupent en Espagne des postes sous qualifiés et sous payés et non déclarés. Leur présence assure comme en France le nivellement par le bas des salaires et des conditions de travail. Allez voir sur place.

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