Considéré depuis des décennies comme l’antidouleur le plus sûr pour les femmes enceintes, le paracétamol fait de nouveau l’objet de vives interrogations. Une étude récente suggère en effet un lien possible entre sa consommation durant la grossesse et une augmentation du risque de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant, comme l’autisme ou le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH).
Une vaste analyse scientifique
Publiée en août 2025 dans la revue BMC Environmental Health, cette méta-analyse menée par Andrea Baccarelli (Harvard University) s’appuie sur 46 études regroupant plus de 100 000 participants. Les chercheurs concluent que l’exposition prénatale au paracétamol pourrait être associée à un risque accru de troubles du spectre autistique et de TDAH.
« Nos résultats montrent que les études les plus rigoureuses tendent à confirmer ce lien », explique Diddier Prada, professeur associé à l’Icahn School of Medicine de Mount Sinai, qui a participé aux travaux. Il souligne toutefois que la relation de cause à effet n’est pas prouvée et appelle à la prudence dans l’interprétation.
Le débat n’est pas nouveau. En 2019, une équipe de l’université Johns Hopkins avait déjà montré que les nouveau-nés exposés aux plus fortes doses de paracétamol présentaient jusqu’à trois fois plus de risques de développer un TDAH ou de l’autisme. À l’inverse, une étude financée par les National Institutes of Health (NIH) et publiée en 2024 dans le Journal of the American Medical Association n’avait trouvé aucune corrélation significative après analyse de 2,5 millions d’enfants nés en Suède.
Ces résultats divergents entretiennent l’incertitude et alimentent les polémiques judiciaires. Aux États-Unis, plusieurs centaines de plaintes visant notamment Johnson & Johnson (fabricant du Tylenol) ont été rejetées en 2023, la justice estimant que les preuves scientifiques présentées par les plaignants étaient insuffisantes.
Aucun consensus scientifique n’existe à ce stade. Toute prise médicamenteuse pendant la grossesse doit toutefois faire l’objet d’une discussion préalable avec un professionnel de santé.
Les chercheurs insistent eux aussi sur la nécessité de ne pas interrompre brutalement un traitement sans avis médical : une fièvre ou une douleur non traitée peuvent également nuire au bon développement du fœtus. L’étude plaide plutôt pour une utilisation raisonnée du paracétamol, un suivi attentif, et l’exploration d’alternatives non médicamenteuses lorsque cela est possible.
Compte tenu de l’usage massif du paracétamol à travers le monde, même une augmentation minime du risque potentiel pourrait avoir des conséquences importantes en termes de santé publique. Le débat, loin d’être clos, devrait pousser les autorités sanitaires à réévaluer les recommandations actuelles et à encourager de nouvelles recherches pour lever définitivement le doute.
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