Parmi les nombreuses insuffisances du personnel politique français, l’une doit être fortement soulignée. Il s’agit de la méconnaissance de la primordiale richesse tangible et stratégique que représente la France d’outre-mer. La cause est à trouver dans l’européocentrisme stupide qui depuis plusieurs générations aveugle l’ensemble des responsables français, indépendamment d’ailleurs de leur orientation politique. Il bride la vitalité du pays et l’exploitation de formidables possibilités.
Un formidable empire marin
La France est apparue pleinement dans sa dimension mondiale et sa puissance chaque fois qu’elle a pris une certaine distance avec le continent européen, soit par nécessaire compétition avec l’archipel britannique, soit parce que l’Europe du Nord lui était fermée par la puissance germanique. Ce n’est que dans une solitude géopolitique et une vision assumée de son rôle mondial qu’elle est pleinement conforme à sa nature. Elle est maritime. Regarder la France comme uniquement continentale est un contre-sens. Elle demeure, certes majoritairement, un État du continent européen, tout comme l’archipel britannique, mais elle est surtout maritime.
Je note que la France métropolitaine est un isthme, baigné par quatre espaces marins. Il tient l’Europe occidentale. Les terres d’outre-mer de la France, soit la France archipélagique et sud-américaine, lui permettent de couvrir l’ensemble des mers du globe.
Ce constat géographique, simple à faire, n’est pourtant pas celui des politiques obnubilés par une coopération avec des voisins du seul hexagone, ignorant sans doute que notre pays est frontalier, par la terre ou la mer, de 35 États différents, dont seulement 8 européens, ce qui en fait le pays ayant le plus de frontières au monde. Ainsi elle jouxte le Brésil sur 730 kilomètres, mais seulement sur 448 kilomètres avec l’Allemagne, 620 avec la Belgique et 623 avec l’Espagne ou 515 avec l’Italie.
Je rappelle ce que j’ai écrit dans plusieurs ouvrages et articles. La France dispose de 11 millions de km2 de zone économique exclusive; c’est en vérité un formidable empire marin. Dans ce domaine elle se situe juste derrière les États-Unis et même devant eux dans certaines comptabilités (Terre Adélie). Pour insister sur cette réalité géographique la France s’étire sur 12 fuseaux horaires. Elle se situe à la première place dans ce domaine devant les États-Unis qui en ont 11 et la Russie qui en a 9.
Le contrôle de la mer est essentiel pour préserver la dimension d’une puissance
Nos politiciens devraient lire – je ne crois pas qu’ils les aient lus ou seulement en connaissent le nom – quelques géopoliticiens anglo-saxons.
L’amiral étatsunien Alfred Thayer Mahan (fin du XIXème siècle), affirmait que la prospérité et la puissance dépendaient du contrôle des voies maritimes du monde . « Quiconque domine les vagues domine le monde », écrivait-il.
Halford John MacKinder, observait la planète comme une totalité sur laquelle se distinguait une « île mondiale », le Heartland, composé des continents eurasiatique et africain et des « îles périphériques », au sein d’un « océan mondial ». Il estimait que pour dominer le monde, il fallait tenir ce heartland, principalement la plaine s’étendant de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale qui rayonne sur la Méditerranée, le Moyen-Orient l’Asie du Sud et la Chine. De toute évidence la guerre en Ukraine, engagée par les États-Unis, a été la mise en application de cette perception.
Nicholas Spykman compléta la théorie du Heartland de Mackinder. Selon lui la Terre est composée d’un coeur (Heartland) et d’un anneau de terre qui l’entoure qu’il appelle Rimland. Tout en conservant les catégories spatiales de Mackinder, il précisa leur interprétation en affirmant que le pays qui possède le Rimland peut contrôler le Heartland, et donc le monde.
Ces penseurs se référaient à un lointain prédécesseur, Sir Walter Raleigh (vers 1600) qui s’exprimait ainsi: « Celui qui commande la mer commande le commerce ; celui qui commande le commerce commande la richesse du monde, et par conséquent le monde lui-même ».
Pour ces géopolitiens le contrôle de la mer est essentiel pour préserver la dimension d’une puissance. Toute la politique extérieure britannique s’est fondée sur ces réflexions. Les Anglais ont ainsi conquis une large part de la planète…avec pour seule vraie concurrence les Français.
Les États-Unis ont évidemment repris ces idées. Il n’est donc pas étonnant que D. Trump cherche à maîtriser les passages maritimes, comme le canal de Panama, celui de Suez, le Groenland comme voie privilégiée pour une navigation arctique ou encore à conserver Taïwan qui empêche la Chine d’incorporer la mer éponyme dans sa sphère.
La France faussement puissance exclusivement continentale européenne et de vraie nature maritime ferait bien de s’inspirer de ces penseurs et de faire un retour sur sa propre histoire.
De fabuleuses richesses
Au delà de l’aspect géostratégique conféré par l’immensité de la France d’outre-mer, il est important de rappeler, ou d’enseigner, à tous les Français que ces espaces pleinement français recèlent de fabuleuses richesses. Il est utile de garder en mémoire que les océans couvrent 71% de la superficie de la planète. Ils abritent la majorité de la vie (entre 50 et 80% selon les estimations). Ils génèrent plus de 60% des ensembles éco-systémiques nous permettant de vivre, à commencer par la majeure partie de l’oxygène que nous respirons. Il est établi que la mer et les fonds marins, statistiquement, recèlent la plus grande part des ressources de la planète. Ils doivent donc être exploités avec soin en prenant garde à ne pas ajouter à la pollution actuelle, mais au contraire en cherchant à préserver ce capital où se jouera l’avenir de l’humanité. 28% de la production de pétrole et 20% de celle de gaz proviennent déjà du sous-sol marin. Les fonds marins pourraient receler 13% des réserves de pétrole et 30% des réserves de gaz non découvertes. Les nodules polymétalliques, constituent des réserves minières pour les métaux rares. Elles sont estimées à des milliers de tonnes pour le manganèse, bien davantage pour le nickel tout comme pour le cuivre, ce qui est considérable. Il s’agit d’un formidable enjeu.
Grâce à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et également à Clipperton, la France est présente dans le Pacifique-Sud, avec un immense espace maritime situé à 16 000 km de la métropole, correspondant à une ZEE de 6 932 677 km2. Cette zone se situe, à elle seule, au 4ème rang mondial. Elle est convoitée précisément en raison de ses importantes ressources minérales marines profondes. La France est potentiellement riche, très riche! Il lui faudrait cependant se dégager de l’UE, de l’Euro, réprimer les séparatismes encouragés et financés par l’étranger et approuvés par quelques nationaux mal intentionnés, parfois intimes du pouvoir. Dans cette perspective une véritable continuité territoriale serait à mettre en oeuvre ainsi qu’une généralisation du statut départemental avec les adaptations nécessaires aux environnements locaux. Pour cette dernière obligation le rôle retrouvé de notre diplomatie faciliterait et enrichirait les rapports avec nos voisins. Pour assurer cet avenir il faudra annuler sa dette qui repose sur du virtuel, uniquement sur du virtuel. Elle est une extorsion conduite par les financiers, surtout anglo-saxons, confortés dans leur malveillance par la passivité complice des gouvernants. À cet égard je me permets de citer Jean Goychman du Cercle des Économistes.
Le principal de la dette, pour l’essentiel, pourrait ne pas être remboursé car, compte-tenu de sa nature (créé à partir de rien) il devrait être détruit immédiatement lors de son remboursement.
Concernant les intérêts restants, une sorte de « deal », mot très à la mode, pourrait être trouvé avec nos créanciers qui, au global et à voir ce qui précède, ont déjà réalisé une opération plus que juteuse en récupérant cinq fois leur mise initiale.
Une négociation qui prendrait en compte le rapport de forces et ses perspectives d’évolution devrait pouvoir s’engager entre gens de bonne volonté, d’autant plus qu’il serait éminemment souhaitable que notre monnaie nationale, dans laquelle pourrait être libellé un accord, soit adossée à une valeur intrinsèque telle que celle de l’or.[1]
Par une voie complémentaire la France pourrait ainsi suivre l’exemple des BRICS et participer à la dédollarisation et au retour à un monde plus juste.
Le basculement de l’intérêt stratégique sur l’Indo-Pacifique, va nécessairement impliquer le destin de la France, bien davantage que dans le conflit ukrainien où elle n’a fait que suivre une dangereuse ambition américano-euro-otanienne. Une cristallisation des oppositions, entre les deux volontés hégémoniques chinoise et étatsunienne, sur le prétexte taïwanais, devrait permettre à la France, impliquée cette fois territorialement, économiquement et, in fine, stratégiquement, de renouer avec une géopolitique souveraine. Il lui faudra donc adapter ses armées à cette dimension mondiale et à un théâtre d’opérations où les moyens qui auraient été envisagés en Centre-Europe n’ont plus aucune pertinence.
À la condition d’être mesurée et de rechercher l’appui de pays, partageant avec elle le souhait de ne pas sombrer dans la dépendance de l’un ou de l’autre des adversaires, la France pourrait tirer bénéfice de la crise qui s’annonce. Elle devrait évidemment s’exclure de l’OTAN, alliance non plus protectrice, mais outil militaire au service des seuls intérêts étatsuniens. Le recouvrement de sa dimension historique nécessite, de toute urgence, la sortie de l’UE et de tous ses accessoires. Cette organisation internationale, véritable étouffoir des nations, et par voie de conséquence, de la politique étrangère des nations-membres, confirme l’inefficacité des discours pompeux des responsables gouvernementaux. Précisément, dans cette même optique, la France pourrait, avec des partenaires accueillis parmi ses nombreux voisins, et au delà, désireux de bâtir un monde plus équilibré, poursuivre une volonté de donner, à nouveau, tout son sens à l’Organisation des Nations Unies et à la liberté des nations.
Ajoutons qu’une telle politique, susceptible de rendre à la France l’aura qui était la sienne, il y a peu, aiderait certainement à réduire les tensions internes qu’elle connaît et à renouveler fondamentalement son organisation administrative et sa politique économique, migratoire et sociale.
La fierté nationale est le meilleur ferment d’unité. Elle est la confirmation de la puissance et repose sur la confiance en soi.
Henri ROURE
Officier général, Saint-Cyrien, breveté de l’enseignement militaire supérieur, docteur d’État en Sciences politiques, Henri Roure a fait sa carrière dans les Troupes de Marine. Il a notamment servi en Afrique et en état-major dans les Relations internationales. Il est membre du Cercle de Réflexion Interarmées, conseiller pour les questions africaines et géopolitiques et conférencier. Il est auteur d’une douzaine d’ouvrages et de nombreux articles.
[1] Jean Goychman; art paru le 26/08/25 sous le titre « Vers une épreuve de vérité? »
La France détient la quatrième réserve mondiale d’or avec 2437 tonnes. Elle couvrirait 90% de la valeur du franc retrouvé après une une dévaluation de 25%.
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