On parle beaucoup, à raison, de l’hôpital qui se meurt, des fermetures de services, des urgences saturées, des soignants qui craquent. Sur Breizh-info, nous n’avons eu de cesse d’évoquer les massacres hospitaliers, à Guingamp, à Carhaix, à Fougères, à Pontivy….
Mais on ose rarement poser la vraie question : faut-il encore laisser les urgences ouvertes à tous, en permanence, sans filtre ? La proposition va choquer, bien sûr. Certains crieront à l’atteinte au droit fondamental aux soins. Mais soyons sérieux : il n’a jamais été question d’interdire l’accès aux soins. Il s’agit de rétablir un principe élémentaire de bon sens : les urgences doivent rester… des urgences.
Parce que le mot régulation est souvent employé n’importe comment – y compris par nous journalistes – comme le mot fermeture, il est temps de remettre l’église au coeur du village.
Le constat accablant
Demandez à n’importe quel urgentiste : une part importante des passages dans leurs services n’a rien d’urgent. Petites coupures, entorses bénignes, fièvres du soir, douleurs anciennes qui traînent… Des dizaines de milliers de patients encombrent chaque jour les urgences pour des problèmes qui relèvent d’un médecin traitant, d’une maison de santé, ou d’une prise en charge différée. Résultat : des heures d’attente pour les vrais cas graves, des personnels épuisés à force de courir après le temps, et des lits saturés.
Pendant ce temps, les vrais urgences — infarctus, AVC, polytraumatismes — doivent parfois patienter ou être moins bien pris en charge, parce que les personnels sont dépassés et pressés comme des éponges. Dans certains hôpitaux, des malades graves sont laissés sur des brancards faute de place, quand d’autres viennent saturer le système pour une simple angine.
La régulation comme pivot
Et si la solution était de généraliser partout ce que certaines régions pratiquent déjà en période de crise : la régulation obligatoire avant tout passage aux urgences ?
Concrètement : chaque citoyen confronté à un problème de santé appellerait un centre de régulation, opéré par des professionnels du SAMU, formés, aguerris, épaulés par des outils modernes — intelligence artificielle, visioconférence, dossiers médicaux partagés de manière régionale ou nationale pour que les dossiers ne se perdent pas entre les hôpitaux. À chaque appel, l’opérateur, avec l’aide éventuelle d’un médecin régulateur, trouve l’historique du patient, évalue la gravité, décide d’une orientation : vers les urgences si nécessaire, vers un centre de soins intermédiaire pour la “bobologie”, ou vers une consultation programmée.
Cela suppose évidemment des moyens massifs : recruter massivement et bien payer des régulateurs, en faire un vrai métier reconnu (pourquoi ne pas débuter dans le cadre d’un service sanitaire ?), avec une formation solide, un salaire digne, une valorisation à la hauteur de la pression subie — nuits, week-ends, insultes, dureté psychologique. Mais c’est possible : il suffit d’y mettre la même énergie que lorsqu’on finance des intérimaires hors de prix et parfois incompétents, pour combler les trous dans les services.
Des urgences recentrées, des patients mieux soignés
L’avantage ? Les urgences pourraient à nouveau se consacrer à leur vocation : sauver des vies, traiter les situations graves, répondre rapidement à ce qui ne peut attendre. Les soignants retrouveraient du sens et un rythme de travail compatible avec la qualité des soins. Encore faut-il garantir que partout en France, chaque citoyen soit à moins d’une demi-heure d’un service d’urgences digne de ce nom. Fermer des hôpitaux de proximité pour tout concentrer dans des CHU est une erreur mortelle : le temps est le premier facteur de survie. Chaque hôpital devrait pouvoir bénéficier de plateaux de qualité, pour traiter toutes les urgences.
En parallèle, il faut développer des structures intermédiaires : des centres de soins non programmés capables de prendre en charge les petites urgences — points de suture, fractures simples, soins de bobologie. Ces centres, correctement financés, où se pourraient se relayer médecins intérimaires, étudiants en médecine, aide-soignants, infirmiers, désengorgeraient les urgences sans renvoyer les patients vers le désert médical où l’on attend parfois des mois un rendez-vous.
La responsabilité de chacun
Réformer, c’est aussi appeler à la responsabilité citoyenne. Non, les urgences ne sont pas des cabinets médicaux de garde. Non, elles ne sont pas là pour compenser l’absence d’organisation familiale, de médecin traitant ou de prévention. Oui, chacun doit réfléchir avant de se présenter aux urgences : est-ce vital ? Est-ce immédiat ?
Notre système de santé a besoin d’un électrochoc. Tant qu’on laissera les urgences absorber tout et n’importe quoi, elles s’effondreront, et avec elles, la confiance dans notre système de santé. Généraliser la régulation, c’est remettre de l’ordre, de la justice et de l’efficacité dans un dispositif à bout de souffle.
Ce n’est pas restreindre l’accès aux soins, c’est au contraire l’améliorer. Moins de patients aux urgences, mais mieux soignés. Moins d’usure pour les soignants, plus de sécurité pour les malades. Et surtout, une société qui assume de dire la vérité : les urgences ne peuvent pas tout, tout le temps, pour tout le monde.
YV
Illustration : DR
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3 réponses à “Urgences et hôpital : et si la régulation devenait la règle ? [L’Agora]”
bonjour,
YV a tout faux pour moi.
Trop long pour argumenter.
Les réponses sont a trouver dans son article.
C’est évident, il faut un centre régulateur pour gérer le problème des urgences qui n’est pas un service « open bar » .Et ne pas oublier de mentionner tous les débordements qui s’y produisent car selon certaines personnes , pas assez rapide, pas assez de femmes, famille non admise et la liste n’est pas exhaustive.
je vais voir le médecin si je suis malade, et je ne peux pas prévoir que dans 15 jours, je serai malade; la secrétaire zélée me donne un RV pour dans 15jours et me dit que si je veux mieux, il faut aller aux urgences: ce sont donc les urgences qui pallient le manque de disponibilité du médecin. Moi, n’étant pas médecin, je ne peux pas savoir si mes symptômes sont annonciateurs d’une crise plus grave. Il faudrait donc prévoir une régulation avant de voir le médecin? c’est généralement ce que fait la secrétaire, et qui dépend de ses compétences, de sa patience et de son empathie.