Il y a des voix qu’on ne remarque pas tout de suite, parce qu’elles ne cherchent pas à s’imposer. Celle de Guillaume Di Grazia appartenait à cette espèce-là : la voix calme, grave, du cyclisme sur Eurosport, celle qui accompagnait les siestes, les étapes de plaine, les échappées condamnées mais vaillantes. Une voix que l’on entendait toute l’année, tandis que d’autres ne pointent le bout de leur nez que lors des grands tours, familière comme le ronron d’une roue libre.
Il s’est tu brutalement, à 52 ans, après un accident lors d’une fête taurine à Langlade, dans le Gard.
Entré à Eurosport en 1999 comme stagiaire, il avait gravi les échelons comme on monte un col sans braquage : avec patience. Du télétexte au micro, du saut à ski au Tour de France, il avait fini par incarner cette télévision du sport à hauteur d’homme, loin des cris et des postures. En 2017, il avait repris le commentaire du Tour, succédant à Alexandre Pasteur. Pour beaucoup, son timbre, posé et précis, faisait partie du paysage, au même titre que les haies de spectateurs ou les bidons qu’on jette dans le fossé. Avec Jacky Durand, Steeve Chainel; Louis-Pierre Frileux et David Moncoutier, ils formaient les rois de la Pédale, rendez-vous incontournable pour tout passionné et connaisseur du cyclisme.
Di Grazia n’était pas un poète du direct, mais un artisan du rythme. Un commentateur à l’ancienne, pas du genre à surjouer l’émotion. Un professionnel. Peut-être trop. Dans un milieu devenu nerveux, où chaque mot pèse le poids d’une polémique, il a fini, lui aussi, dans la lessiveuse du soupçon. Suspendu pour « comportement inapproprié » puis écarté du Tour, il avait quitté Eurosport cet été.
Le conformisme tranquille qui l’avait protégé pendant vingt ans ne l’aura pas sauvé de la nouvelle morale médiatique et de la salissure d’un monde à part, bien laid : celle des sanctions préventives, des accusations avant jugement, de la suspicion en continu.
Et c’est peut-être là, dans cette fin de carrière écourtée, que se dessine un symbole : celui d’un monde où même les voix les plus neutres finissent par gêner. Il n’était pas subversif, pas militant, pas provocateur. Juste un journaliste, formé à l’école du travail bien fait. Mais l’époque préfère les postures aux tempéraments, et la communication à la parole.
Alors il s’est tu, une première fois en juillet, écarté des micros. Une seconde fois, pour de bon, ce mois d’octobre.
Son décès brutal a quelque chose d’absurde, de presque ironique : l’homme du peloton emporté dans une abrivado, autre course, cette fois de taureaux. Une tradition du Sud, un folklore devenu tragédie. Il y a là une forme d’écho involontaire : la fête, la poussière, la cavalcade, puis la chute. Comme un symbole du cyclisme lui-même, de ses risques et de ses gloires éphémères.
On gardera de Guillaume Di Grazia ce qu’il était vraiment : un passeur de passion, pas un faiseur de buzz. Une voix mesurée dans un temps hystérique.
Un homme ordinaire dans un monde devenu extravagant. Et c’est peut-être pour ça, au fond, qu’on l’appréciait.
YV
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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Une réponse à “Guillaume Di Grazia, la voix du cyclisme sur Eurosport emportée. Hommage à l’un des « rois de la Pédale »”
Très bel article