Énergies renouvelables en Finistère : la Chambre des comptes dénonce un pilotage défaillant et des projets en péril

Dans un rapport d’observations définitives publié cet automne, la Chambre régionale des comptes (CRC) de Bretagne dresse un tableau préoccupant de la Société d’économie mixte (SEM) Énergies en Finistère, créée en 2018 pour dynamiser la production d’énergies renouvelables et accompagner la mobilité bas carbone dans le département.

Le constat est sévère : gouvernance confuse, pilotage stratégique inexistant, projets déficitaires et compétences juridiques mal définies. À la lecture du document, on s’interroge sérieusement sur la capacité du département à mener une transition énergétique crédible et efficiente.

Un outil censé incarner la transition verte bretonne

Née de l’initiative du Syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère (SDEF), la SEM Énergies en Finistère devait permettre de fédérer les acteurs locaux autour d’investissements concrets : centrales photovoltaïques, projets éoliens, stations de gaz naturel pour véhicules (GNV).
Le SDEF en est aujourd’hui l’actionnaire majoritaire (60 % du capital), aux côtés du Département et de quelques partenaires financiers.

Mais sept ans après sa création, le bilan est morose. Selon la CRC, l’opérateur, doté de moyens humains limités (deux salariés et plusieurs agents mis à disposition), souffre d’un pilotage administratif et financier « à sécuriser d’urgence ». Aucun plan stratégique clair n’a guidé son action avant fin 2024, et ses investissements semblent avoir répondu davantage à des opportunités ponctuelles qu’à une politique cohérente.

Des fondations fragiles et des dérives de compétence

La Chambre souligne d’abord l’imprécision du cadre juridique : un pacte d’actionnaires incomplet, des statuts ambigus, et un comité technique informel exerçant une influence sans existence légale.
Le risque de conflits d’intérêts n’a pas été anticipé, alors même que les représentants publics siègent aux côtés d’acteurs économiques dans un dispositif hybride où la frontière entre intérêt général et logique commerciale reste floue.

Surtout, la CRC relève que la SEM est sortie de son champ de compétences. Si les investissements dans le solaire ou l’éolien relèvent bien du SDEF, l’incursion dans le GNV (gaz naturel pour véhicules) n’est juridiquement « pas valablement fondée », le syndicat n’ayant aucune compétence explicite en la matière.
En clair, certains projets auraient été lancés sans base légale solide.

Des projets emblématiques en échec

Les deux projets phares, censés incarner la réussite de la SEM, illustrent au contraire ses limites :

  • La centrale photovoltaïque de Plourin, frappée par la tempête Ciarán en 2023, a perdu 40 % de sa capacité de production et n’a pas retrouvé son rendement initial un an plus tard.
  • Le réseau de stations GNV, développé via la SAS Bretagne Mobilité GNV 29, a englouti le capital en trois ans. À Landivisiau, la fréquentation est restée dérisoire (1 564 passages en 2023), et la rentabilité introuvable.

Selon la CRC, ces échecs sont aggravés par un manque de reporting : les alertes remontaient peu ou pas au conseil d’administration. Les pertes financières s’accumulent, les filiales se multiplient, et la SEM s’enfonce dans une complexité administrative coûteuse sans stratégie d’ensemble.

Depuis 2018, la société cumule des déficits.

La Chambre note l’absence de pilotage financier fin, de suivi de trésorerie rigoureux et de plan de rentabilité conforme au pacte d’actionnaires. Le recours à une cascade de filiales, « fortement consommatrice de ressources », menace à terme l’équilibre global de l’opérateur.

Même le formalisme administratif de base laisse à désirer : la CRC rappelle au SDEF son obligation de transmettre ses délibérations dans les délais légaux à l’État, preuve d’une gouvernance encore peu professionnalisée.

Une réponse mesurée mais sans autocritique

Dans sa réponse, datée du 3 octobre 2025, Antoine Corolleur, président-directeur général de la SEM, reconnaît certaines lacunes mais minimise les critiques.

Sur le GNV, il invoque une extension de compétence du SDEF au titre de la loi APER (2023) et promet des clarifications statutaires. Un dispositif de prévention des conflits d’intérêts doit être mis en place, tout comme un outil de reporting numérique pour le suivi des filiales, intégrant à terme des technologies d’analyse automatisée.

Des promesses plus que des garanties, observe la Chambre, qui demande un rapport de suivi d’ici un an.

Un symptôme des dérives de la « transition à la bretonne »

Ce dossier dépasse la seule SEM. Il met en lumière les faiblesses structurelles de la transition énergétique locale, souvent pilotée par des structures publiques hybrides où la responsabilité se dilue. Les ambitions affichées – neutralité carbone, indépendance énergétique, mobilité propre – se heurtent à la réalité : projets sous-capitalisés, gouvernance éclatée et absence de vision unifiée.

À force de multiplier les organismes, de superposer les sigles et les comités, la Bretagne risque de convertir la transition écologique en un labyrinthe administratif, au détriment de l’efficacité et du bon usage des fonds publics.

L’écologie ne se résume pas à des slogans ou à des panneaux solaires inaugurés en grande pompe. Elle requiert rigueur, stratégie et transparence.

Le rapport de la CRC, d’une précision chirurgicale, rappelle que les collectivités doivent avant tout assurer la bonne gestion de l’argent public, même – et surtout – lorsqu’il s’agit de projets estampillés « verts ».

Un nouveau rapport de suivi de la Chambre est attendu courant 2026. D’ici là, la SEM Énergies en Finistère devra prouver qu’elle n’est pas devenue un puits sans fond de la transition écologique bretonne.

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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Une réponse à “Énergies renouvelables en Finistère : la Chambre des comptes dénonce un pilotage défaillant et des projets en péril”

  1. NEVEU Raymond dit :

    Que de structures pour …du vent! Touati en parlait pour la énième fois et rien ne change! Superposition de services en doublon voire triplon ça suffit! On n’en peu plus. Voilà où avec l’immigration où disparaissent nos beaux écus tournois et autres pistoles!

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