Trois pères séparés de leur enfant se suicident par jour en France. Interview à Fabien Wald, colistier de la liste « Défendre les enfants »

Trois pères séparés de leur(s) enfant(s) se suicident par jour en France. Une hécatombe silencieuse qui a lieu sous nos yeux, dans l’indifférence la plus totale. Le déni paternel est un fléau qui a de graves répercussions sur les enfants aussi, puisque 50% d’entre eux n’ont plus de contact avec leur père après un an de séparation.

Fabien Wald est un militant breton engagé à Dinan pour la protection de l’enfance. Colistier de la liste “Défendre les enfants” et membre de plusieurs groupes Facebook dont « Papas en colère » – un espace où l’on discute droits parentaux, violences institutionnelles et démarches juridiques post-séparation -, il a bien voulu s’entretenir avec nous sur ce sujet qui affecte malheureusement un nombre croissant de familles.

Breizh-info.com : Égalité. C’est l’un des trois mots gravés dans le marbre de la République française. Pourtant, en matière d’égalité parentale dans les décisions judiciaires suite à une séparation, notre pays est loin, bien loin d’être vertueux. Pourriez-vous nous dresser un tableau de la situation ?

Fabien Wald : En France, malgré le principe d’égalité parentale inscrit dans la loi depuis 2002, les décisions judiciaires en cas de séparation conflictuelle restent très déséquilibrées : selon les données reprises par notre collectif Défendre les enfants (issu des statistiques du ministère de la Justice en 2013), près de 70 % des enfants voient encore leur résidence fixée chez la mère, contre seulement 10 % chez le père et environ 20 % en alternance. Lorsque les parents sont en désaccord, la résidence est attribuée à la mère dans 63 % des cas, au père dans 24 %, et en alternance dans seulement 12 %. Si les pères demandent massivement la résidence alternée (35 %) ou la résidence principale (52 %), seules 5 % des mères formulent une telle demande ; pourtant, quand la résidence alternée est demandée par le père, elle n’est accordée que dans un cas sur quatre, contre quatre sur dix quand elle est demandée par la mère. Les juges invoquent souvent une mauvaise entente parentale (35 % des refus) ou l’âge de l’enfant (15 %) pour écarter l’alternance, même hors cas de violences, ce qui alimente un fort sentiment d’injustice et conduit fréquemment à un éloignement durable entre pères et enfants (dans plus de 40 % des cas à l’âge adulte). Cette situation révèle un fossé entre l’égalité parentale de droit et celle de fait, encore entravée par des représentations genrées et une jurisprudence prudente.

Breizh-info.com : Comment expliquez-vous ces injustices pour le moins sidérantes ? 

Fabien Wald : Ces injustices trouvent leur origine dans un ensemble de facteurs à la fois culturels, juridiques et pratiques : la justice familiale française reste encore marquée par une représentation traditionnelle du rôle parental, où la mère est perçue comme le parent « principal » et le père comme un parent secondaire, surtout pour les jeunes enfants. Malgré la loi de 2002 instaurant l’autorité parentale conjointe, les juges continuent de privilégier la stabilité du cadre de vie souvent associé au domicile maternel plutôt que l’égalité stricte entre les parents. S’ajoutent à cela une méfiance persistante à l’égard de la résidence alternée, jugée difficile à appliquer en cas de conflit, et des critères d’appréciation subjectifs (entente parentale, âge de l’enfant, distance géographique) qui jouent fréquemment en défaveur des pères. Enfin, l’absence de formation spécifique sur la coparentalité, le manque de médiation efficace et une lente évolution des mentalités accentuent le déséquilibre : la justice, censée garantir l’égalité, reproduit ainsi des schémas sociaux anciens qui font de la mère la figure de référence et du père un parent souvent marginalisé après la séparation.

Breizh-info.com : Qu’est-ce que le collectif “Défendre les enfants” ?

Fabien Wald : Le collectif Défendre les enfants, est un regroupement d’une douzaine d’associations françaises de défense des droits parentaux, créé lors des élections européennes de 2024 pour unir nos voix autour d’un objectif commun : protéger les enfants et promouvoir une véritable égalité parentale. Ensemble, nous portons trois grandes thématiques : la résidence alternée, que nous défendons comme un modèle équilibré garantissant à l’enfant la présence de ses deux parents ; la lutte contre les dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance (ASE), qui conduit trop souvent à des placements injustifiés ; et la reconnaissance de l’exclusion parentale et familiale, que nous considérons comme une atteinte grave au droit fondamental de l’enfant à entretenir des liens avec ses deux parents.

Par nos actions de plaidoyer, nos campagnes d’information et notre mobilisation autour de propositions de lois ou de questions au gouvernement (par exemple l’élargissement de la ligne 3919 aux hommes victimes de violences conjugales), nous œuvrons pour une justice familiale plus juste, plus humaine et réellement centrée sur l’intérêt de l’enfant.

Breizh-info.com : Le collectif « Défendre les Enfants » est à l’origine de la proposition de loi n. 819 visant à instaurer la résidence alternée par défaut en cas de désaccord des parents sur le mode de garde après leur séparation. Où en êtes-vous ?

Fabien Wald : Nous avons en effet initié la proposition de loi n° 819 de la députée bretonne Christine Le Nabour, qui vise à instaurer la résidence alternée par principe en cas de désaccord entre les parents après une séparation, afin de garantir à chaque enfant le maintien d’un lien équilibré avec ses deux parents. En quelques mois seulement, nous avons réussi à rassembler près d’une centaine de signatures de parlementaires (un record en 10 ans sur des textes similaires), issus de sensibilités politiques diverses, autour de ce texte que nous avons voulu transpartisan et centré sur l’intérêt supérieur de l’enfant. La proposition a failli être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale avant l’été, dans le cadre de la semaine parlementaire transpartisane, ce qui témoigne d’un soutien croissant à notre démarche. Nous restons pleinement mobilisés et espérons qu’elle sera programmée d’ici la fin de l’année, afin que la France franchisse enfin une étape décisive vers une véritable égalité parentale et une coparentalité équilibrée, conforme aux besoins fondamentaux des enfants comme l’ont fait d’ailleurs d’autre pays européens comme la Belgique et les pays nordiques (ces pays ayant d’ailleurs un taux de résidence alternée 2 à 3 fois supérieur à la France !).

Breizh-info.com : Un des principaux arguments que l’on oppose à la garde alternée est l’instabilité potentielle qu’elle pourrait engendrer chez les enfants, qui nécessitent d’un environnement stable, les changements fréquents de domicile pouvant les perturber et provoquer chez eux un sentiment d’insécurité. Que répondez-vous ? 

Fabien Wald : Nous répondons que, loin de créer de l’instabilité, la résidence alternée peut au contraire offrir un cadre plus équilibré et sécurisant pour l’enfant, à condition qu’elle soit organisée de manière claire et respectueuse des besoins de l’enfant. Les études et notre expérience montrent que ce n’est pas le fait d’alterner les domiciles qui perturbe l’enfant, mais les conflits entre parents et l’absence de liens avec l’un des deux parents. En garantissant que l’enfant conserve des relations régulières et de qualité avec ses deux parents, la résidence alternée favorise son bien-être affectif, sa sécurité et son développement. Nous insistons également sur le fait que chaque situation doit être évaluée individuellement, et que le juge conserve la possibilité d’adapter les modalités lorsque des contraintes particulières l’exigent, mais que la crainte générale d’instabilité ne doit pas servir à écarter systématiquement l’alternance, qui est souvent la solution la plus juste et la plus bénéfique pour l’enfant.

Breizh-info.com : Que peuvent faire concrètement les citoyens pour vous aider ? 

Fabien Wald : Nous invitons tous les citoyens à nous soutenir activement en sensibilisant les parlementaires sur l’importance de la résidence alternée et de l’égalité parentale, en partageant avec eux les enjeux concrets pour les enfants et les familles. Pour faciliter cette action, nous avons mis à disposition un kit argumentaire complet dans la FAQ de notre site, accessible ici, qui permet de présenter de manière claire et structurée les bénéfices de la résidence alternée et les problématiques liées à l’exclusion parentale ou aux dysfonctionnements de l’ASE. Chaque initiative, qu’il s’agisse d’écrire à un député, de relayer nos informations ou de participer aux campagnes du collectif, contribue concrètement à faire avancer la proposition de loi n° 819 et à promouvoir une coparentalité réellement équilibrée pour le bien-être des enfants. D’ailleurs le ministre de la Justice Gérald Darmanin en a bien conscience car il a pris publiquement position en faveur de cette proposition de loi il y a quelques semaines. L’espoir pour de nombreux parents et enfants est donc permis !

Propos recueillis par Audrey D’Aguanno

[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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