Tragique et révélateur, l’article de Jean-Marie Guénois, publié dans Le Figaro le 10 novembre sous le titre « Après des années sombres, le réveil inattendu de l’Église de France », dresse le portrait trompeusement rassurant d’une institution qui croit repartir quand elle dérive encore. Le journaliste, d’un ton paternel, y chante les louanges du cardinal Aveline, nouveau président de la Conférence des évêques, habile manœuvrier d’un équipage épuisé mais toujours souriant. On parle d’« humilité retrouvée », de « renouveau spirituel », de « jeunes catéchumènes », comme si la barque de Pierre reprenait enfin le large. Pourtant, à lire entre les lignes, c’est un vieux vaisseau que l’on devine, rafistolé, les voiles pendantes, et dont les timoniers ont perdu la carte.
Car ces jeunes qu’on nous dit si nombreux à frapper à la porte de l’Église, que cherchent-ils ? Rien de ce qu’elle leur offre encore. Ils viennent de familles sans foi, souvent hostiles au christianisme, mais ils cherchent la verticalité, la loi, la lumière. Ils viennent réclamer la grandeur, et trouvent la prudence. Ils espéraient la clarté de l’Évangile, et tombent sur la fadeur du compromis. Ces âmes neuves se heurtent à une Église figée dans la posture d’après-concile, paralysée par la peur d’être taxée de rigidité, et qui tremble plus devant les éditorialistes de Libération que devant Dieu.
Car c’est bien là le cœur du drame : l’Église de France s’est mise à craindre la parole du monde plus que celle du Ciel. Elle a pris l’habitude d’obéir aux journalistes comme jadis elle obéissait au pape. Elle se croit évangélique en se rendant inoffensive. On dit d’elle qu’elle est « ouverte », mais c’est aux vents de la modernité qu’elle a ouvert ses hublots, et l’eau s’y engouffre lentement.
Les jeunes catholiques, eux, cherchent le roc. Ils se tournent vers le silence, vers la beauté des liturgies, vers la ferveur que leurs aînés ont proscrite comme un excès suspect. Et que trouve-t-on à Paris ? Un Forum Mission où l’on exclut Academia Christiana et SOS Chrétiens d’Orient par crainte d’une polémique dans un journal d’extrême gauche. L’épiscopat croit ainsi sauver son image, mais il perd son âme.
Je songe au Padre Pio, persécuté par sa propre hiérarchie, interdit de messe parce que sa sainteté dérangeait. L’histoire se répète sous d’autres formes : aujourd’hui encore, les fidèles zélés sont regardés comme des gêneurs, les prêtres fervents comme des extrémistes. L’Église a renoncé à la vigueur pour survivre en s’effaçant. Elle veut plaire à tous et finit par ne plus parler à personne.
Et pourtant, au fond du navire, tout près de la quille, là où la lumière ne descend plus, se joue peut-être son salut. Car il existe, dans le silence des séminaires, une génération nouvelle. Ces jeunes hommes n’ont pas connu les illusions conciliaires ni les chimères du progrès spirituel. Ils n’ont pas honte de croire, ni peur de bénir. Ils se lèvent tôt, prient à genoux, parlent clair. Ils ne demandent pas à l’Église d’être moderne, mais d’être sainte. Ce sont les enfants d’un monde désenchanté, formés par la guerre culturelle et le chaos moral, et c’est pourquoi ils ne ploient plus sous le péché originel de 1968.
Je les ai rencontrés, parfois, au détour d’un pèlerinage ou d’un camp d’été. Leurs visages sont calmes, leurs voix franches. Ils ne rêvent pas d’être compris : ils veulent servir. Ils ne négocient pas avec l’Évangile : ils le vivent. On les croirait nés d’une autre époque, tant leur fidélité choque notre siècle d’ambiguïté. Ce sont eux, demain, les prêtres d’un nouvel ordre spirituel, les évêques d’après-demain, ceux qui, à force de patience et de pureté, redresseront la coque et reprendront la mer.
Alors, oui, l’Église de France est fatiguée. Oui, ses voiles pendent comme des draps mouillés, et son capitaine s’use à sauver les apparences. Mais au fond de la cale, quelque chose veille : un feu minuscule, une respiration obstinée. C’est de là que viendra le vent du renouveau. Les vaisseaux les plus vieux ont parfois, au cœur de la tempête, la quille la plus solide.
Balbino Katz
Chroniqueur des vents et des marées
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7 réponses à “Eglise de France : un vaisseau qui craque et la quille vivante”
La courbe des séminaristes, toujours descendante, contredit votre propos.
Pour ma part je crois aux paroles du Christ comme quoi il ne laissera pas Satan détruire l’Eglise.
Mais je reprends la question de Maodez Glanndour en 1986 qui se demandait si il y aura encore des bretons sur cette presqu’ile lorsque la foi y reviendra.
Un merveilleux article propre à « regonfler les voiles » d’un salubre vent de fraîcheur et d’espérance : bravo, courage !
Tant que l on n’aura pas retrouvé les « fondamentaux » de l’enseignement chrétien détruits par Vatican II et qu ‘au sein de l’église on parlera plus du bon Dieu et de ses saints que de la Palestine et du temporel , alors peut être y aura t il un renouveau ,une renaissance.Tout le monde et les jeunes en particulier ont besoin de l’ESPERANCE.
Il semble que cette « prise en main » par le cardinal accélère cette descente ; vous parlez des séminaires mais les évêques de ceux qui sont pleins sont persécutés ; pour moi, l’évolution descendante vient de ceux qui ont pris en mains et non pas de l’après concile.
« où l’on exclut Academia Christiana et SOS Chrétiens d’Orient »
En même temps… le pélé de Chartres exclut tout ce qui est en phase avec l’Eglise, en cohérence avec la vraie tradition (qui inclut forcément le dernier concile et le missel en vigueur). Les intégristes passent leur temps à se plaindre d’être ostracisés… mais ne font jamais un pas vers la réconciliation. Tout leur serait dû.
Amis lecteurs, Bretons ou non, cessez de vous chercher des noises je vous en prie. Merci pour ce très bel article que j’ai envie d’envoyer à mes quelques amis chrétiens. Merci, et une grande vague d’Amour à vous tous.
Sauf que sous le pape argentin, tous les efforts de rapprochement faits sous le pontificat de Benoît XVI ont été dénoncés, et les tradis cornérisés pour ne pas dire excommuniés par « l »Eglise » institutionnelle !