Alors que la coalition au pouvoir en Pologne s’apprête à présenter un texte ouvrant la voie à la reconnaissance légale des unions non mariées — y compris entre personnes de même sexe — le débat se tend dans le pays. Pour ses promoteurs, il s’agirait de combler un « vide juridique ». Pour ses opposants, ce n’est qu’un premier pas vers une transformation profonde de la définition de la famille, avec, à terme, l’assimilation complète entre mariage et cohabitation, la possibilité d’adoption par des couples homosexuels et, plus largement, une redéfinition du cadre familial. Une analyse publiée le 17 novembre 2025 par l’avocat Rafał Dorosiński (Ordo Iuris) détaille la logique et les conséquences possibles de cette réforme. Elle remet frontalement en question l’idée selon laquelle ces unions répondraient à une « demande sociale ».
Une réforme présentée comme nécessaire… mais déjà rendue inutile par le droit existant
L’étude rappelle d’emblée que les couples non mariés, y compris homosexuels, disposent déjà en Pologne de tous les outils pratiques nécessaires à la gestion de leur vie commune : procurations, accès aux informations médicales, héritage par testament, comptes bancaires partagés, prêts conjointés, droit de refuser de témoigner, gestion des biens via acte notarié, etc. Autrement dit, une reconnaissance légale supplémentaire n’apporterait aucune amélioration concrète du quotidien : elle servirait surtout de signal politique.
Pour Dorosiński, les problèmes invoqués sont donc artificiels : la réforme ne viserait pas à régler un manque réel, mais à créer une institution symbolique, destinée à concurrencer le mariage.
L’auteur s’appuie ensuite sur les chiffres des pays ayant déjà instauré des partenariats enregistrés. Les taux d’usage sont faibles : entre 0,1 et 0,4 ‰ de la population adulte selon les pays, soit moins d’un quart de pour mille. En proportion des couples homosexuels revendiqués par les organisations LGBT, seule une fraction minime choisit réellement ces dispositifs (de 1 % à 5 %).
Si la Pologne suivait les modèles européens, elle enregistrerait entre 3 000 et 11 000 unions civiles en cinq ans, un volume démographiquement marginal — bien loin des « 400 000 couples » souvent avancés par les militants.
Pour l’auteur, cette disproportion confirme une dynamique idéologique plutôt qu’un mouvement populaire.
Un système d’avantages conçu pour les couples qui assument la charge d’enfants
Le cœur de la critique porte sur l’équité : accorder des avantages fiscaux, sociaux ou successoraux à des unions qui, par nature, ne portent pas la charge de la procréation reviendrait, selon Dorosiński, à créer une injustice structurelle. Les couples mariés avec enfants supportent des coûts économiques et personnels élevés. Les couples non mariés, eux, n’assument aucune obligation structurelle envers la société, tout en bénéficiant des avantages issus du travail des générations futures.
L’étude considère donc que le projet crée une forme de discrimination contre le mariage, à rebours du rôle social de ce dernier.
Un autre point souligné : l’élargissement prévu aux couples hétérosexuels. Ceux-ci ont déjà accès au mariage ; s’ils ne s’y engagent pas, c’est par choix. Les intégrer dans la réforme reviendrait, selon l’auteur, à maquiller la faible demande réellement issue de la population LGBT.
Cette stratégie viserait non pas à protéger des couples, mais à installer un modèle concurrent au mariage, plus flexible, moins engageant et donc potentiellement plus attractif pour les jeunes générations.
Dorosiński replace le débat dans une généalogie plus large : celle d’un mouvement idéologique apparu dans les années 1970 et visant à déconstruire l’institution du mariage, vue comme oppressive. L’auteur rappelle comment certains manifestes et textes militants proposaient d’abord d’abolir le mariage, avant que des stratégies plus progressives ne soient adoptées : d’abord affaiblir le mariage en créant des alternatives quasi équivalentes, puis élargir progressivement ce qu’il recouvre jusqu’à vider le concept de son contenu.
Selon l’auteur, l’instauration d’un partenariat civil n’est qu’un premier étage : après les droits patrimoniaux viendront les droits parentaux, puis, comme observé dans plusieurs pays anglo-saxons, l’ouverture à la multiparentalité ou aux unions à plusieurs personnes.
Le risque d’une déstabilisation profonde : chute de la natalité, fragilisation de la famille
L’analyse insiste également sur l’effet démographique : les données françaises, notamment celles portant sur le PACS, montrent qu’un couple non marié a beaucoup moins tendance à avoir des enfants qu’un couple marié. Dans certaines tranches d’âge, l’écart est de plus de 25 points.
Plus une société se détourne du mariage, plus la natalité décline. Pour un pays déjà frappé par un vieillissement rapide, toute mesure affaiblissant l’incitation à fonder une famille pourrait accélérer le déclin.
L’étude évoque enfin les conséquences indirectes : une fois la définition du couple redéfinie dans la loi, elle finit par évoluer dans l’école. Ce fut le cas en Norvège, où une famille chrétienne avait été accusée d’« endoctrinement » pour avoir transmis à ses enfants des conceptions traditionnelles du mariage. Pour ses opposants, la réforme polonaise ouvrirait la voie à une reconfiguration culturelle du même type.
Pour Rafał Dorosiński, le projet de loi polonais ne répond donc pas à un besoin juridique, mais à un objectif politique : modifier la conception de la famille dans le droit et dans les mentalités. Sous couvert d’égalité, il s’agirait d’un bouleversement civilisationnel, entraînant à court terme une fragilisation des engagements, à moyen terme une chute de la natalité, et à long terme une transformation radicale du sens même du mariage.
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine