La carte de presse, symbole officiel du journalisme français, pourrait un jour se retrouver devant le banc des accusés. Il est temps en effet de se livre à u réquisitoire contre un dispositif hérité du XXᵉ siècle, devenu, selon lui, un instrument d’exclusion, de contrôle et d’intimidation dans un paysage médiatique qui a pourtant totalement changé.
Une carte, des privilèges… et deux catégories de journalistes
En France, deux citoyens peuvent publier les mêmes enquêtes, rencontrer les mêmes sources, produire les mêmes informations. L’un sera reconnu, protégé, subventionné. L’autre non. La seule différence ? Une carte de plastique délivrée par une commission para-étatique.
La carte de presse – officiellement “carte d’identité des journalistes professionnels” – n’est pas obligatoire pour exercer. Mais dans la pratique, elle fabrique deux catégories :
- les “professionnels légitimes”, qui bénéficient d’avantages fiscaux conséquents, d’accès privilégiés, d’une reconnaissance automatique ;
- les “journalistes non-certifiés”, freelances, indépendants, blogueurs, reporters de terrain, médias alternatifs, qui n’obtiennent aucun de ces droits.
- Cette distinction, purement administrative, constitue une inégalité manifeste devant la loi. Elle contredit l’article 11 de la Déclaration de 1789 : la liberté de communiquer ses idées n’est pas conditionnelle. Elle ne se négocie pas.
Une commission sous influence, entre syndicats et médias subventionnés
La Commission qui délivre la carte (CCIJP) est composée à parts égales : 50 % patronat de presse, 50 % syndicats.
Sur le papier, cela rassure. Dans les faits, cela inquiète.
De nombreux grands médias représentés vivent des subventions d’État, de la publicité institutionnelle, ou de contrats publics. Les syndicats, eux, voient leur puissance dépendre… du nombre de cartes délivrées.
Ce sont les cartés qui décident qui a le droit d’être carté. Un système où la profession se co-opte elle-même, sous l’œil intéressé de l’État.
Plusieurs cas récents – refus de cartes à des journalistes indépendants, contrôles renforcés pour des reporters dissidents, maintien facilité pour des communicants d’État – alimentent ce sentiment.
Officiellement, la carte protège. Officieusement, elle trie.
Elle permet de conditionner l’accès à certaines zones, conférences, événements, et elle sert de filtre entre les institutions et les journalistes. L’État n’a plus besoin d’interdire : il lui suffit de sélectionner.
Pas de censure directe. Simplement, on ferme la porte aux non-cartés. Le contrôle le plus efficace n’est jamais visible.
Autrement dit : La carte n’est pas seulement un outil administratif – c’est un levier de sélection idéologique. Beaucoup de journalistes indépendants – notamment dans les médias alternatifs, locaux, enracinés – témoignent d’une mise à l’écart structurelle.
Un système archaïque dans un monde où l’information a changé
La carte date de 1935, un monde où :
- Internet n’existait pas,
- les médias étaient rares et centralisés,
- l’État avait un rôle paternaliste dans la “protection” de la profession.
Aujourd’hui, les enquêtes majeures naissent souvent hors des rédactions subventionnées : chez des freelances, dans des médias alternatifs, sur des plateformes locales, dans des collectifs d’investigation.
Les meilleurs journalistes ne sont souvent plus salariés. Les meilleurs lanceurs d’alerte ne seront jamais cartés. Le système protège une caste, pas la vérité.
Aucun pays européen comparable ne dispose d’un tel dispositif.
L’Allemagne, le Royaume-Uni, les pays nordiques : partout, le journalisme est défini par l’activité, non par une carte délivrée par une commission.
Un outil que la gauche institutionnelle utilise pour délégitimer les indépendants
La carte de presse est aussi devenue un argument rhétorique : Il n’a pas la carte, donc ce n’est pas un journaliste disent, de nombreux élus ou militants de gauche. Une arme commode pour décrédibiliser les voix dissidentes, les reporters locaux, les sites alternatifs, les médias non subventionnés.
Ce glissement est désormais assumé : dans le débat public, la carte n’est plus un simple justificatif d’activité, mais un label moral, un filtre politique. Un pouvoir qui décide qui est journaliste et qui ne l’est pas, même indirectement, n’est plus un pouvoir libéral : c’est un pouvoir qui trie ses interlocuteurs.
Les journalistes, les vrais, devraient plaider pour l’abolition pure et simple du régime de la carte de presse. Non par hostilité envers ceux qui la détiennent, mais au nom d’un principe : la liberté d’informer ne dépend d’aucun badge.
Dans une démocratie, il n’y a pas les journalistes officiels et les autres. Il y a des citoyens qui enquêtent et informent. Voilà tout.
Abolir la carte de presse, certains diront que c’est iconoclaste. Pour d’autres, c’est la seule manière de mettre fin à un corporatisme devenu incompatible avec l’ère numérique et la pluralité authentique.
Mais qu’on soit pour ou contre, une chose est certaine : la carte interroge, divise, sélectionne.
Et le moment est peut-être venu, en France, de poser cette question simple : Qui a le droit de dire la vérité ? Ceux qui ont une carte ? Ou tous ceux qui acceptent d’en payer le prix ?
YV
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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